Le changement des comportements individuels s'est récemment imposé comme un objectif majeur pour l'action publique, qui mobilise dans cette optique de nouveaux savoirs de gouvernement : les sciences comportementales. Ces savoirs sont employés de manière explicite et croissante dans la politique énergétique du Japon pour réduire la consommation d’énergie des ménages, dans un contexte marqué par l’accident nucléaire de Fukushima et la libéralisation des marchés de l’énergie. Cette thèse examine les facteurs explicatifs et les modalités concrètes de cette transformation significative dans un domaine jusque-là dominé par une approche techno-économique prêtant peu attention aux comportements. Notre analyse associe des perspectives théoriques et méthodologiques issues de la sociologie de l'action publique et des études sur les transferts de politiques publiques pour retracer la genèse et la mise en œuvre de deux expérimentations : celle des réseaux électriques « intelligents » dans les Smart Communities et celle des nudges et des Home Energy Reports de l’entreprise étasunienne Opower. La conduite d’environ quatre-vingt entretiens semi-directifs et l’examen de nombreuses sources écrites ont mis en évidence la place centrale des circulations transnationales dans l’élaboration et la conduite de ces programmes et plus généralement de la politique énergétique de l’archipel.Nous défendons la thèse que la mobilisation des sciences comportementales dans la politique énergétique japonaise résulte d’une multiplicité de facteurs qui questionne l’opposition entre des changements de nature soit endogène soit exogène, et la distinction entre facteurs domestiques et facteurs extranationaux. Le recours à ces savoirs de gouvernement s’explique en effet par la capacité d’un petit groupe d’acteurs programmatiques japonais à introduire dans la politique énergétique des sciences et des instruments originaires de l’étranger, en réponse à des enjeux spécifiques au Japon. Notre analyse microsociologique des stratégies de ces acteurs invite à une endogénéisation de l’explication du changement intégrant les facteurs exogènes et les dynamiques extranationales. La mobilisation des sciences comportementales dans la politique nippone résulte indissociablement de l’essor de ces savoirs dans la recherche et l’action publique aux États-Unis et en Europe, des stratégies d’acteurs transnationaux, étasuniens et japonais, et de la prégnance des enjeux climatiques et énergétiques sur l’archipel. Nous suggérons par ailleurs que les États-Unis sont au cœur de la circulation des sciences comportementales dans le domaine de l’énergie, et que le recours à ces savoirs dans l’action publique s’explique par, outre leur succès académique, leur dimension « pratique » et « consensuelle ». / In recent years, changing individual behaviours has become a key issue for public policy, which has been mobilising new bodies of knowledge, namely behavioural sciences. These are explicitly and increasingly used in Japan’s energy policy in order to lower household energy consumption, in the context of both the Fukushima nuclear disaster and the liberalisation of the energy markets. My dissertation investigates the explanatory factors and the implementation of this significant change in a policy domain which was so far marked by a techno-economic approach paying little attention to behavioural issues. Drawing on theoretical and methodological perspectives from public policy analysis and policy transfer studies, I analyse the genesis and the implementation of two large-scale programs: first, the smart grid social experiments named Smart Communities; second, the Opower’s Home Energy Reports pilot study. Building on about eighty semi-structured interviews and on a wide variety of written sources, I emphasise the major role played by transnational circulations in the design and the implementation of these programs, and more broadly in Japan’s energy policy.I argue that the mobilisation of behavioural sciences in Japan’s energy policy results from manifolds factors which question the opposition between the endogenous and exogenous nature of policy change, as well as the distinction between domestic and extranational factors. Indeed, the use of this body of knowledge can be explained by the strategies of a few stakeholders who achieved to introduce new policy ideas and tools coming from abroad, in response to issues faced by the Japanese Government. Through a micro-sociological analysis of their strategies, I suggest to endogenize the explanation of policy change while integrating exogenous factors and extranational dynamics. The mobilisation of behavioural sciences in Japan’s energy policy results inseparably from the expansion of this body of knowledge in academia and in public policy in the US and in Europe; from the strategies of transnational, Japanese and American stakeholders; and from the stringency of climate and energy problems in Japan. The US plays a central role in the transnational circulation of behavioural sciences in the energy field, which can be explained by the “practical” and “consensual” dimension of these sciences.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017LYSE2046 |
Date | 20 June 2017 |
Creators | Granier, Benoit |
Contributors | Lyon, Lecler, Yveline, Brugidou, Mathieu |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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