Cette thèse est inspirée d’un phénomène paradoxal dans l’histoire politique récente de la Russie, soit le soutien d’un grand nombre de figures célèbres de l’intelligentsia libérale, au début des années 1990, à la concentration des pouvoirs dans les mains d’une élite « éclairée », contribuant ainsi à l’épuisement de la démocratie qu’ils cherchaient à consolider. Sur la base d’une étude contextualiste de la pensée politique d’auteurs qui sont au cœur des débats de la perestroïka, cette recherche met en lumière la perspective morale de l’intelligentsia libérale soviétique. Elle montre aussi comment ces postulats et idéaux moraux sont mis à l’épreuve de l’émergence de la vie politique pluraliste à partir de 1989. L’une des principales conclusions de cette étude est de remettre en question une fréquente présomption de similarité entre la pensée politique des libéraux soviétiques et le libéralisme tel qu’il est communément défini en Occident. Le projet moral de la perestroïka porté par les libéraux soviétiques, en effet, ne vise pas à assurer l’indépendance individuelle par la neutralité de l’État : c’est un projet perfectionniste confié à un pouvoir étatique réformateur visant à l’épanouissement d’un bien moral substantiel par le démantèlement du système communiste. Cela ne signifie, pour autant, que la vision politique des libéraux soviétiques soit simplement « immature » ou « utopique », comme on leur reproche parfois. Leur réflexion sur le renouvellement moral nécessaire à la démocratisation s’inscrit au contraire dans une riche tradition de réflexion, dans la philosophie politique occidentale, sur les conditions morales et institutionnelles de la fondation de la liberté. / This dissertation is inspired by a paradoxical phenomenon in recent Russian political history: the support for the concentration of power in the hands of an “enlightened elite” by a large numbers of distinguished figures of the liberal intelligentsia, who thus favored the conditions of the demise of their own political project. Based on a contextual study of the political thought of authors who were at the heart of the debates at the time, this research sheds light on the specific moral perspective of the liberal intelligentsia. It also demonstrates how these moral assumptions and ideals were challenged in the crucible of pluralist politics, from 1989 on. One of the main conclusions of this study is to question a pervasive presumption of similarity between the ideas of Soviet liberals and the Western liberal canon. Indeed, the moral project of perestroika, as it was conceived by Soviet liberals, did not aim at the guarantee of individual independence and state neutrality about the definition of the good. It was rather a perfectionist project in which the reformers were expected to create the political and economical conditions of the thriving of a substantial good, by way of the dismantling of the administrative and ideological control of the communist system. This does not mean, however, that Soviet liberals were merely ‘immature’ or ‘utopian’ in their understanding of politics, as they are also accused of. We argue that it is more fruitful to situate their association of democratization with moral renewal in a long tradition of reflection, in Western political philosophy, on the institutional and moral conditions for the foundation of freedom.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016IEPP0040 |
Date | 13 December 2016 |
Creators | Sauvé, Guillaume |
Contributors | Paris, Institut d'études politiques, Rousselet, Kathy |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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