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Trajectoires de soins de santé et de services sociaux avant un verdict de non-responsabilité criminelle : quelles implications pour l'organisation des services?

Au Canada et ailleurs dans le monde, le système judiciaire occupe une place de plus en plus importante dans la prise en charge des personnes vivant avec un trouble mental grave. Le rôle du système judiciaire comme levier d'accès aux soins est particulièrement évident dans le cas des personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux (NCR). La vaste majorité des personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux (NCRTM), formant la clientèle principale des services psycho-légaux, était déjà connue des services de santé mentale. Cela questionne la présente capacité du réseau à répondre aux comportements perturbateurs et fait ressortir la possibilité de prévenir le potentiel passage à l’acte et la trajectoire judiciaire subséquence.
La présente thèse de doctorat utilise des données administratives provenant des secteurs de la santé, de la justice et de la sécurité publique pour plus de 1 000 personnes qui ont reçu un verdict de non-responsabilité criminelle au Québec. Ces données sont complétées par des entrevues qualitatives avec des parties prenantes. Ensemble, l’analyse de ce corpus de données permettent de mettre en lumière les barrières à l'accès aux soins et les interruptions de services que subissent, dans leur parcours de soins, les personnes atteintes de troubles mentaux sévères et ayant des comportements perçus comme perturbateurs ou dangereux qui les rendent susceptibles d’être judiciarisés.
Le premier article décrit les tendances d’utilisation de services de santé et des réclamations de médicaments sur ordonnances dans l’année précédant une infraction qui a entraîné un verdict de NRCTM. Les résultats indiquent que – bien que des résultats antérieurs montrent que plus de 70 % des personnes NCRTM avaient déjà été en contact avec des services pour des raisons de santé mentale – moins de la moitié des personnes déclarées NCRTM avaient bénéficié d’une réelle prise en charge médicale avant l’incident. Les résultats montrent également qu’une personne sur cinq avait commis l’infraction moins d'une semaine après le contact de santé mentale le plus récent. Parmi celles qui avaient au moins une prescription pour un antipsychotique, près de la moitié ne prenaient pas d’antipsychotique au moment de l’infraction.
Le deuxième article identifie les facteurs individuels et contextuels facilitants et ceux faisant obstacles à l’accès aux services de santé mentale dans la période avant le délit. Les considérations géographiques jouent un grand rôle dans la possibilité d’accéder et de recevoir les services de santé mentale spécialisés – au-delà des facteurs individuels liés aux besoins. De plus, vivre avec des proches diminue de moitié la probabilité d’aller chercher des services de santé mentale et diminue l’intensité de l’utilisation de services de santé mentale spécialisés, même en tenant compte et ajustant les modèles pour les besoins.
Finalement, le troisième article repose sur l’analyse d’entretiens individuels et de groupes d’entretiens focalisés avec 16 personnes ayant de l’expérience vécue (pairs aidants, proches aidants), des praticiens et des administrateurs. Les résultats mettent en évidence comment les expériences passées de stigmatisation, de traumatisme, d'inefficacité et de discrimination au sein d'un système hospitalo-centrique influencent la capacité des utilisateurs de services et des proches aidants à chercher et à s'engager dans les soins. Les mécanismes d'accès existants en période crise, tels que l'intervention policière et les services d'urgence, sont des options inacceptables pour les utilisateurs de services et leurs aidants familiaux et sont donc souvent considérés comme des derniers recours. Par conséquent, les utilisateurs de services entrent dans le système de santé avec des besoins complexes qui sont difficiles à traiter avec les connaissances cliniques actuelles et qui résultent bien souvent en des mesures coercitives plutôt qu’axées sur le rétablissement.
Les résultats peuvent être interprétés à la lumière de la stigmatisation structurelle, qui fait référence aux politiques et pratiques institutionnelles qui ont un impact négatif sur les opportunités des personnes atteintes de maladies mentales. Dans le cas présent, la stigmatisation structurelle réduit l'accès aux soins en raison d'une allocation de ressources inadéquate, d'un manque de collaboration intersectorielle et d'intégration des soins, d'attitudes et de pratiques négatives des praticiens de la santé, et d'une surutilisation d'approches coercitives. Nous proposons des stratégies pour réduire les barrières à l’accès liées au système et aux prestataires de soins. / In Canada and elsewhere, the justice system is playing an increasingly important role in the care of individuals with severe mental illness. The role of the justice system as a lever for accessing care is particularly evident in the case of individuals found not criminally responsible on account of mental disorder (NCR). The vast majority of individuals found NCR, who make up the majority of forensic mental health service users, were already known to mental health services. This raises questions about the current capacity of the mental health system to respond to disruptive behaviors and highlights the potential for preventing future justice involvement.
This doctoral thesis uses administrative data from the health, justice, and public security sectors for over 1,000 individuals who received a verdict of NCR in Québec. These data are complemented by qualitative interviews with stakeholders. Together, the analysis of this data corpus highlights the barriers to accessing care and service interruptions that individuals with severe mental illness and behaviors perceived as disruptive or dangerous encounter in their care pathway, leading to the risk of judicial involvement.
The first article describes trajectories in health services use and prescription drug claims in the year preceding an offense that led to a NCR verdict. The results indicate that, although previous research has shown that over 70% of NCR individuals had already been in contact with mental health services, less than half of NCR individuals had received no consistent care prior to the offense. The results also show that one in five individuals committed the offense less than a week after their most recent mental health contact. Among those who had at least one prescription for an antipsychotic, nearly half were not taking an antipsychotic at the time of the offense.
The second article identifies individual and contextual factors that facilitate or hinder access to mental health services in the period prior to the offense. Geographic considerations play a major role in the possibility of accessing and receiving specialized mental health services, beyond individual factors related to needs. Additionally, living with family members decreases the likelihood of seeking mental health services by half and decreases the intensity of specialized mental health service use, even after adjusting for models based on needs.
Finally, the third article is based on the analysis of individual interviews and focus groups with 16 individuals with lived experience (peer support workers, family caregivers), practitioners, and administrators. The results highlight how past experiences of stigma, trauma, inefficiency, and discrimination within a hospital-centric system influence the ability of service users and family caregivers to seek and engage with care. Existing access mechanisms during crisis periods, such as police intervention and emergency services, are unacceptable options for service users and their family caregivers and are often considered as a last resort. As a result, service users enter the healthcare system with complex needs that are difficult to address with current clinical knowledge and often result in coercive measures rather than recovery-oriented care.
The results can be interpreted in light of structural stigma, which refers to institutional policies and practices that negatively impact the opportunities of people with mental illness. In this case, structural stigma reduces access to care through inadequate allocation of resources, lack of intersectoral collaboration and care integration, negative attitudes and practices of healthcare practitioners, and overreliance on coercive approaches. We propose strategies to reduce system-level and provider-level barriers to access.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/32128
Date04 1900
CreatorsLeclair, Marichelle
ContributorsCrocker, Anne
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse
Formatapplication/pdf

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