L’énergie apparaît comme un problème public majeur, dans la résolution duquel les pouvoirs publics s’engagent régulièrement. Mais, à l’autre bout de cette chaîne, comment les individus ordinaires s’approprient-ils le problème public de l’énergie ? Dans les mesures classiques de l’opinion publique, les questions énergétiques et environnementales sont souvent loin d’occuper les premières places dans la hiérarchie des priorités. Or, pour réduire la pression engendrée par nos modes de consommation sur les écosystèmes, le changement des comportements et des attitudes de consommation est présenté comme un levier majeur. La question énergétique est-elle alors un enjeu politique pour tous mais un problème pour personne ? Pour répondre à cette question nous nous interrogeons sur la fabrique des opinions ordinaires et nous proposons de considérer ces dernières comme des énoncés discursifs testés dans des situations sociales plus ou moins complexes, conflictuelles et publiques. En amont, bon nombre d'acteurs ayant accès à l'espace public contribue à orienter et promouvoir certaines injonctions normatives pour définir la « bonne » pratique. Mais ces injonctions ne sont ni stables, ni homogènes : elles font l'objet de controverses et donnent lieu à des reformulations discursives parfois dissonantes. Entre enjeux technologiques, économiques, écologiques, sociétaux, etc. l’énergie comme problème public est alors soumise à un cadrage par des ordres normatifs dynamiques définissant certaines déviances et se voit proposer des solutions reconnues comme légitimes sous l’effet, entre autres, de l’action publique. Mais, ce niveau de description fait l’économie de la parole des citoyens « ordinaires », couvrant ainsi un présupposé instrumental commun qui estime que les citoyens dotés de la « bonne » information agissent « correctement ». Ce présupposé est contestable. Certes, une majorité écrasante d’enquêtés souligne son accord de principe aux économies d’énergie, témoignant ainsi de sa connaissance – même partielle – de l’existence d’un « problème public de l’énergie » et d’un engagement – même limité – aux injonctions à la modération en termes de consommation énergétique. Mais cet accord tacite se heurte à d’autres injonctions, à la compétition des problèmes, des pratiques sociales et à la mise en œuvre pratique des solutions. Ni surcompétents, ni incompétents, les citoyens ordinaires construisent donc du sens à travers des ordres normatifs concurrentiels et cherchent à le rendre compatible avec leurs modes de vie. Pour ce faire, la confrontation de leurs opinions et l’ajustement collectif de leurs représentations sont nécessaires. En reprenant certaines notions du pragmatisme, nous interrogeons la manière dont les perceptions du problème de l’énergie varient selon les scènes sociales où il est discuté, leur publicité ou encore le degré de conflictualité qu’il génère, et nous montrons que des communautés locales interprétatives d’un problème – et éventuellement de solutions – peuvent émerger et contribuer à alimenter la légitimité du problème dans l’espace public. Par ce biais, nous soulignons qu’il existe des espaces adossés au politique mais qui ne répondent pas toujours aux critères de conflictualisation et montée en généralité. Ces espaces illustrent l’intérêt de prendre en compte l’ambivalence et la labilité des opinions dans l’appropriation d’un problème public et la normalisation de ses solutions. / Energy appears to be a major public problem, in which the public authorities regularly commit. But at the other end of this chain, how do ordinary individuals appropriate the public problem of energy? In the classical measures of public opinion, energy and environmental issues are often far from the top of the hierarchy of priorities. However, to reduce the pressure generated by our consumption patterns on ecosystems, the change in consumer behavior and attitudes is presented as a major lever. Is the energy issue then a political issue for all but a problem for no one? In order to answer this question, we question the fabric of ordinary opinions and propose to consider them as discursive statements tested in more or less complex, conflicting and public social situations.Upstream, many actors with access to public space help to guide and promote certain normative injunctions to define "good" practice. But these injunctions are neither stable nor homogeneous: they are the subject of controversies and give rise to discursive reformulations, sometimes dissonant. Between technological, economic, ecological, societal, etc. energy as a public problem is then subjected to a framing by dynamic normative orders defining certain deviations and is offered solutions recognized as legitimate under the influence of, inter alia, public action.But this level of description does not take "ordinary" citizens into account, and covers a common instrumental presupposition that citizens with "good" information act "correctly". This presupposition is questionable. Admittedly, an overwhelming majority of respondents stressed their agreement in principle to energy savings, thus demonstrating their knowledge - even partial - of the existence of a "public energy problem" and a commitment - even limited - to injunctions to moderate their energy consumption. But this tacit agreement comes up against other injunctions, competition between problems, social practices and the practical implementation of solutions.Neither overcompetent nor incompetent, ordinary citizens construct meaning through competitive normative norms and seek to make it compatible with their lifestyles. To do this, the confrontation of their opinions and the collective adjustment of their representations are necessary. By taking up some of the notions of pragmatism, we examine how the perceptions of the energy problem vary according to the social scenes in which it is discussed, their publicity or the degree of conflict that they generate, and we show that local communities with a common interpretation of a problem - and possibly solutions - can emerge and help fuel the legitimacy of the problem in public space. In this way, we emphasize that there are more or less public spaces but which do not always meet the criteria of conflictualization and rise in generality. These spaces illustrate the importance of taking into account the ambivalence and the lability of opinions in the appropriation of a public problem and the standardization of its solutions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017GREAH021 |
Date | 12 September 2017 |
Creators | Bouillet, Jérémy |
Contributors | Grenoble Alpes, Schemeil, Yves |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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