Considérant l’orientation professionnelle comme un processus complexe, dynamique et imprévisible, cette démarche de construction de soi semble se complexifier pour les jeunes d’orientation homosexuelle, bisexuelle ou en questionnement, selon les représentations de la majorité des conseillers et conseillères d’orientation ayant participé à notre recherche. Elle s’opère effectivement dans une société normée par un système catégoriel de sexe (homme/femme), de genre (masculinité/féminité) et de sexualité (hétérosexualité/homosexualité) fondé sur le binarisme, l’opposition et la hiérarchisation. Se traduisant par l’enjeu central du travail, ce système produit et reproduit un différentiel de rapport qui tient tant à l’inégalité des conditions dans lesquelles les hommes et les femmes se trouvent qu’à la dévalorisation des professions et positions qu’occupent les femmes (Bidet-Mordrel et Bidet, 2010). Ce système est d’évidence à l’origine de stéréotypes sexuels, de préjugés homophobes, de l’intimidation et de la stigmatisation qui fragilisent l’estime de soi et la confiance en soi de nombre de jeunes d’orientation homosexuelle ou bisexuelle, présumés comme tels en raison d’une non-conformité de genre ou en questionnement par rapport à leur orientation sexuelle. « Pour que les adolescents [et les jeunes adultes de la diversité sexuelle] […] puissent se développer et envisager l’avenir avec sérénité, les institutions et la société tout entière devront faire un travail sur elles-mêmes » (Dorais, 2014, p. 161). Qu’en est-il pour les conseillers et conseillères d’orientation qui oeuvrent auprès des jeunes? Dans leur pratique, sont-ils témoins de certaines préoccupations ou de défis particuliers rencontrés par les jeunes gais, lesbiennes, bisexuel(le)s ou en questionnement? Quel rôle sont-ils amenés à jouer au regard des besoins et réalités des jeunes d’une orientation sexuelle minoritaire? Compte tenu du modèle social dominant fondé sur l’alignement du sexe, du genre et de l’orientation sexuelle (c.-à-d. l’homme masculin hétérosexuel ou la femme féminine hétérosexuelle), de quelles manières le poids de ce modèle naturalisé se traduit-il dans leur pratique? Comment intègrent-ils les différents -ismes et -phobies (sexisme, hétérosexisme, homophobie, efféminophobie, lesbophobie, biphobie) aux problématiques de l’orientation professionnelle? Quelles interventions mettent-ils en oeuvre? Il s’agit là de quelques-unes des nombreuses questions auxquelles nous nous sommes intéressé dans cette recherche. Notre recherche porte sur une problématique encore peu développée malgré l’importance des enjeux et défis de l’orientation professionnelle des jeunes gais, lesbiennes, bisexuels ou en questionnement. De nos jours, les jeunes peuvent observer que le modèle hétérosexuel n’est pas le seul. Une diversité de façons de vivre est désormais possible dans les sphères privées et publiques. Malgré ces nouvelles réalités, les jeunes d’une orientation sexuelle minoritaire sont trop souvent en première ligne du harcèlement à l’école, au cégep, à l’université ou, encore, dans les milieux de travail. Sans surprise, leur souffrance est grande. Parce que l’homophobie, la biphobie et l’hétérosexisme persistent, et leurs effets sur l’orientation professionnelle sont méconnus, notre recherche se penche sur les représentations que se font les conseillers et conseillères d’orientation qui pratiquent auprès des jeunes concernant l’articulation de l’orientation professionnelle et de l’orientation sexuelle. Pour dégager et décrire les représentations de ces professionnels et professionnelles, nous nous sommes basé sur l’approche structurale associée à la théorie du noyau central (Abric, 2002, 2011; Rateau, 1995). Selon cette théorie, les éléments nodaux déterminent les priorités de l’action et leur justification quant aux conduites à suivre, d’où la pertinence de s’y intéresser afin d’examiner pour mieux comprendre comment s’expriment ces représentations dans un contexte de pratique auprès des jeunes d’orientation homosexuelle, bisexuelle, perçus comme tels ou en questionnement. Deux méthodes ont été choisies pour recueillir les informations : un questionnaire écrit a d’abord été rempli par 155 conseillers et conseillères d’orientation, puis des entretiens en dyade et de groupe ont été réalisés auprès de 25 de ces professionnels et professionnelles. Les données recueillies ont été traitées à l’aide de l’analyse thématique et du logiciel d’analyse de données textuelles Alceste. Cinq éléments nodaux émergent de ce travail d’analyse, soit : (1) le caractère fondamental de l’identité, (2) l’omniprésence des stéréotypes sexuels, (3) la pression ressentie de l’entourage, (4) la complexité du choix professionnel et (5) la fonction de l’accompagnement. Les retombées de cette recherche se situent à un double niveau : l’avancement des connaissances sur un sujet peu documenté et l’approfondissement des pratiques d’orientation auprès des jeunes gais, lesbiennes, bisexuels ou en questionnement.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/35377 |
Date | 04 July 2019 |
Creators | Veilleux, Andy Dimitri |
Contributors | Boivin, M.-Denyse, Goyer, Liette |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xviii, 278 pages), application/pdf |
Coverage | Québec (Province) |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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