Le cerveau des primates, et plus encore celui de l’homme, a évolué en s’adaptant à un environnement socialement complexe. Le nombre élevé d’individus qui composent le groupe, la sophistication des modes d’interaction et le risque de manipulation constituent autant de pressions de sélection exercées sur le cerveau. Cette perspective évolutionnaire a alimenté tout un courant de recherche en psychologie développementale tourné vers la cognition dite sociale. Ces recherches se sont portées sur la lecture des intentions, la distinction soi/autrui, l’altruisme, l’empathie, la morale, la compétition et la coopération. Toutes ces capacités constituent les premières briques de ce que l’on pourrait appeler une sociologie naïve. Mais certaines de ces capacités sont restées au second plan, et l’objectif général de ce projet sera d’aborder l’une des plus ignorées mais pas des moins centrales : l’aptitude à traiter les hiérarchies. Les relations dominance, ou d’ascendance, constituent une dimension essentielle de la vie des espèces sociales. Sur le plan évolutionniste, un rang social élevé confère des avantages adaptatifs décisifs car il garantit un accès privilégié aux ressources nutritives et reproductives. Le rôle crucial du rang social va dès lors exercer un certain nombre de contraintes cognitives. Les individus doivent, par exemple, être capables d’identifier l’organisation hiérarchique de leurs groupes et représenter les avantages offerts par le statut. On peut donc penser que chez bon nombre d’espèces sociales, des mécanismes cognitifs dédiés aux hiérarchies sociales aient évolué selon un processus sélectif. Néanmoins, les hiérarchies sociales chez l’homme se distinguent de celles des autres espèces par deux aspects importants. Premièrement, les attributs qui définissent la dominance sont beaucoup plus diversifiés et dépassent le simple cadre des relations agonistiques. Deuxièmement, à la différence des primates, les cultures humaines présentent des variations fortes dans le degré de structuration hiérarchique des sociétés. Il est donc possible d’imaginer que les mécanismes cognitifs impliqués dans le traitement des hiérarchies soient modulés par l’environnement culturel. La méthode interculturelle suivie ici permettra d’identifier des mécanismes potentiellement universels et d’autres sujets à une variation culturelle. Au cours des années 70 et 80, l’étude des hiérarchies chez l’enfant a connu une période féconde. Les travaux produits, largement inspirés par l’éthologie, ont permis de montrer que les relations de dominance étaient fréquentes, même chez des enfants très jeunes (1 à 2 ans), et qu’elles s’organisaient selon des structures linéaires. Néanmoins ces études, de part les méthodologies employées, ont largement négligé la perspective cognitive et n’ont pas donc permis d’établir des mécanismes précis impliqués dans le traitement des hiérarchies. Cette thèse vise à réintroduire l’étude de la dominance sociale au sein de la psychologie cognitive du développement. Elle s’articule autour de deux axes principaux : 1) Identifier la dominance : la capacité à identifier le statut hiérarchique et ses différents attributs et inférer les avantages que confère un statut élevé. 2) Agir face à la dominance : la distribution de ressources en fonction du statut et la préférence sociale en fonction du statut. Huit expériences sont rapportées dont une incluant une comparaison inter-culturelle entre la France, le Liban et le japon. Ces expériences ont montré la capacité des enfants dès 3 ans à identifier les relations de dominance et à inférer un certain nombre de caractéristiques à partir de ces relations. Les inférences de la dominance aux caractéristiques des individus incluent l'asymétrie de ressources, de compétences ainsi que le genre ; les enfants de trois cultures différentes ont associé le genre masculin au personnage dominant........ / According to the social brain hypothesis, the computational demands of living in large and complex societies favored the selection of unusually large brains and complex cognitive capacities (Dunbar & Shulz, 2007). Social cognition, that is, the cognitive processes devoted to monitor, control, and predict the behaviors of others, is vital to navigate the social world. It is especially essential for humans, who live in societies characterized by a dense convolution of social relationships. Given the importance of asymmetrical relationships within and across social groups (Sidanius & Pratto, 2001; Bente, Leuschner, Al Issa & Blascovich, 2010), the perceptual and inferential strategies necessary for processing dominance are certainly central to social cognition. Dominance is indeed pervasive in the human species (Fiske, 1992), it affects reproductive success (Ellis, 1995; Fieder, Huber, Bookstein, Iber, Schäfer, Winckler & Wallner, 2005; Kanazawa, 2003) and plays a central role in the formation of short and long-term alliances (Watts, 2010). Work in the human ethological tradition has described preschoolers' spontaneous social dominance structures: they are linear and stable (Strayer and Strayer, 1976; Lafrénière & Charlesworth, 1983); based on verbal and physical strategies (Hawley, 1999; Pellegrini, 2008) and are associated to social competence and affiliative structures (Vaugh & Waters, 1981; Hold, 1976). However, the observational approach adopted in these studies and the methodological shortcomings of some parallel experimental attempts (Omark & Edelman, 1975; Sluckin & Smith, 1977) preclude conclusions about the specific cognitive mechanisms responsible for coping with dominance relations.In line with the naïve sociology framework proposed by Jackendoff (1992) and Hirschfeld (1995), the present thesis takes an experimental developmental psychology approach to highlight the cognitive strategies that allow children to identify dominance relations, to form relevant expectations and to take action on the light of these expectations. A series of eight experiments investigated preschoolers’ abilities to make sense of social dominance situations, following two axes:Dominance Identification: the capacity to identify hierarchical status using several cues and to infer advantageous consequences of high status. Taking action in dominance contexts: allocation of resources and social choices in dominance contexts. The first set of experiments showed that preschoolers are able, from 3-years-old, to infer dominance not only from physical supremacy but also from decision power, age and resources. The second set of experiments showed that preschoolers have some expectations regarding how a dominant and subordinate individual are likely to differ. In particular, they expect that an individual who imposes his choice on another will exhibit higher competence in games and will have more resources. Another, intercultural experiment showed that children from 3 countries differing in gender equality norms associated masculine gender to dominant behavior since their 4th year. The three final experiments belonged to the second axis and showed a systematic age effect that suggests that choices that reinforce the status-quo are more salient before 5-years-old.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013LYO20123 |
Date | 17 December 2013 |
Creators | Charafeddine, Rawan |
Contributors | Lyon 2, Van der Henst, Jean-Baptiste, Reboul, Anne |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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