Il est de plus en plus admis depuis une dizaine d’années, et notamment en raison du poids croissant d’Internet, que le monde se présente désormais sous la forme d’un gigantesque réseau. Le phénomène du réseau apparaît dès lors comme le fait social total contemporain par excellence, théorisé et investi par des chercheurs, essayistes, militants, prophètes dans des buts très différents. Certains chercheurs voient dans le réseau la forme même enfin trouvée de la société-monde en gestation. D’autres au contraire, voient dans l’émergence des réseaux le vecteur de la disparition du monde commun et de la décivilisation et de la désymbolisation en marche. Quant à eux, ceux qui se présentent comme les prophètes et les hérauts des réseaux, voient le salut du monde dans les vertus démocratiques, solidaristes et oblatives des multitudes connectées dans leur lutte commune contre la privatisation et la marchandisation du monde. Malgré leurs divergences, ces approches font le constat qu’est en train de naître ce que l’on pourrait appeler une très grande société-monde virtuelle où priment les rapports sociaux à distance et dans l’immédiateté communicationnelle. Mais les interprétations de cette socialité virtuelle sont à ce point diverses et contradictoires que l’on ne parvient pas à distinguer la part de réalité qu’elles révèlent, et ce qui relève de l’idéologique, du prophétique, ou du catastrophisme. Ainsi, le discours des réseaux est-il confronté à deux impensés fondamentaux qu’il s’agit d’explorer : le rapport de la socialité virtuelle avec le face à face et les médiations institutionnelles d’une part ; et d’autre part, l’exploration du caractère vertueux ou néfaste des liaisons numériques, non pas intrinsèquement, mais dans leurs rapports aux formes néo-libérale et « parcellitaire » (tendance à l’éclatement, à l’atomisation et à la parcellisation des sociétés) contemporaines. Dès lors, cette thèse interroge le degré de réalité de cette nouvelle socialité, et le statut de l’individualisme réticulaire ou, plus précisément, quelle forme revêt la figure de l’individu entre l’émancipation par les réseaux annoncée par certains (reconnaissance de l’authenticité et réalisation de soi), et l’aliénation dénoncée par d’autres (tyrannies de la visibilité et de la connexité permanente). Cette question de l’émancipation (subjective et collective) nous conduit à interroger la place du don dans les dynamiques de la socialité virtuelle actuelle entre persistance de l’esprit du don, régénérescence voir radicalisation, et, via sa généralisation dans la forme parcellitaire actuelle, déconstruction et dépotentialisation. / As a result mainly of the increasing weight of Internet, especially in the last decade, it has become more and more acknowledged that the world appears as a gigantic network. The network phenomenon becomes into view as the archetypal contemporary total social fact, theorized and surrounded by researchers, essayists, activists, prophets, each of them pursuing its own agenda. Some academics appreciate the network as the "world society" in gestation. Others, on the contrary, see the emergence of networks as a vector towards the disappearance of communal world, and also of progressive decivilization and desymbolization. Those who appear as the prophets and heralds of networks believe that the world’s salvation lays in the democratic, solidaristic and donatist virtues of the connected multitudes in their common struggle against the world privatization and merchandization.Despite their antagonisms, these approaches converge on the idea that a very large virtual global society, where remote social relationships and communication immediateness are the rule, is in the making. Nevertheless, the interpretations of this digital sociality are too diverse and contradictory to help us distinguishing the part of reality they encompass, and what actually derives from ideology, prophecy and/or catastrophism. In this respect, the networks' axiomatic is confronted to two fundamental lacks, which need to be further explored: the relationship between virtual sociality and face-to-face relations and institutional mediations on the one hand; and the exploration of virtuous or harmful digital relations characteristic, not intrinsically speaking, but in the relationships it maintains with contemporary neo-liberal and “parcellitarian” (propensity towards explosion, atomization and fragmentation of societies) shapes in the other hand. This thesis therefore questions the degree of reality of this new sociality, and the status of reticular individualism or, more specifically, the shape which the figure of the individual take between emancipation through networks as proclaimed by some observers (recognition of authenticity and self-realization), and the alienation to them as decried by others (tyrannies of visibility and permanent connectivity). The question of emancipation (subjective and collective) drives us to question the place of giving in the dynamics of the current virtual sociality between subsistence of the spirit of giving, revitalization or even radicalization, and, via its generalization in the current “parcellitairian” shape, demolition and “depotentialization”.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013PA100157 |
Date | 04 December 2013 |
Creators | Borel, Simon |
Contributors | Paris 10, Caillé, Alain |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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