La prise de conscience de l’implication des médicaments dans la genèse des accidents de la route date d’une vingtaine d’années. Les médicaments psycho-actifs peuvent altérer les capacités de conduite par leur action sur le système nerveux (par exemple, un effet sédatif le lendemain d’une prise d’hypnotique). D’autres médicaments sont susceptibles d’affecter les fonctions psychomotrices par leur action sur les fonctions physiologiques (tel que les hypoglycémies liées à un traitement antidiabétique). L’étude CESIR-A a été mise en place pour contribuer à la connaissance du lien épidémiologique entre médicaments et accidents de la route. L’étude utilise trois bases de données françaises : le Système National d’Information Inter-Régimes de l’Assurance Maladie (SNIIR-AM), les Procès Verbaux d’accidents (PV) et les Bulletins d’Analyse des Accidents Corporels de la circulation (BAAC). L’appariement de ces données a conduit à l’inclusion de 72,685 conducteurs impliqués dans un accident corporel sur la période juillet 2005-mai 2008. L’analyse a été réalisée grâce à deux méthodes: une analyse cas-témoin comparant les responsables aux non-responsables des accidents et une analyse dite en case-crossover. Les périodes d’exposition aux médicaments ont été estimées à partir des dates de délivrances de médicaments prescrits, puis remboursés par l’assurance maladie. L’étude des médicaments regroupés selon les quatre niveaux de risque sur la conduite définis par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) [du niveau 0 (pas de risque) au niveau 3 (risque élevé)], a montré que les utilisateurs de médicaments prescrits de niveau 2 et de niveau 3 ont un risque significativement plus élevé d’être responsables de leur accident (OR=1,31 [1,24-1,40] et OR=1,25 [1,12-1,40], respectivement). La fraction de risque attribuable à l’utilisation de ces médicaments était de 3,3% [2,7%-3,9%]. Le risque d’être responsable d’un accident était augmenté chez les utilisateurs de zolpidem (OR=1,28 [1,07-1,53]) mais pas chez les utilisateurs de zopiclone ou de benzodiazépines hypnotiques. Plus particulièrement, ce risque était augmenté chez les 139 conducteurs ayant eu plus d’un comprimé de zolpidem délivré par jour au cours des cinq mois précédant l’accident (OR=2,38 [1,61-3,52]). L’analyse case-crossover a mis en évidence un sur-risque d’accident de la route chez les utilisateurs de benzodiazépines hypnotiques seulement (OR=1,42 [1,09-1,85]). Les conducteurs exposés aux hypnotiques partagent les mêmes caractéristiques au regard du type d’accident, qui survenaient plus fréquemment sur autoroute. Dans notre base de données, 196 conducteurs ont été exposés à la buprénorphine et/ou à la méthadone, le jour de leur accident. Cette population spécifique était jeune, essentiellement masculine, avec d’importantes co-consommations, notamment d’alcool de médicaments de niveau 3. Les conducteurs exposés à la buprénorphine et/ou à la méthadone présentaient un risque accru d’être responsables de leur accident (OR= 2,19 [1,51-3,16]). Notre étude fournit des informations importantes sur la contribution des médicaments au risque d’accident de la route. D’après nos résultats, la classification de l’AFSSAPS semble appropriée concernant les médicaments de niveaux 2 et 3. Les sur-risques d’être responsable d’un accident chez les exposés au zolpidem ou aux traitements de substitution pourraient être liés, au moins en partie, au comportement à risque de ces conducteurs. L’amélioration du comportement des conducteurs représente un des défis pour la sécurité routière. L’objectif de la classification française et de la signalétique apposée sur les boîtes de médicaments est donc de fournir aux patients une information appropriée sur les effets des médicaments sur leur capacité de conduite. / In recent decades, attention has been increasingly focused on the impact of disabilities and medicinal drug use on road safety. Psychoactive medicines may impair driving abilities due to their action on the central nervous system (e.g. sedation in the morning following administration of a hypnotic), while other medicines may affect psychomotor functions by their action on physiological functions (e.g hypoglycaemic seizures related to diabetic treatment). The CESIR-A project was set up to improve the epidemiological knowledge on medicines and the risk of road traffic crashes. The study matched three French nationwide databases: the national healthcare insurance database, police reports, and the police national database of injurious crashes, leading to the inclusion of 72,685 drivers involved in an injurious road traffic crash from July 2005 to May 2008. Two methods were performed for data analysis: a case-control analysis in which cases where responsible drivers and controls non-responsible ones and a case-crossover analysis. Medicine exposures were estimated from prescription drug dispensations in the healthcare reimbursement database. The study of medicines grouped according to the four levels of driving impairment risk of the French classification system [from 0 (no risk) to 3 (high risk)], showed that users of level 2 and level 3 prescribed medicines were at higher risk of being responsible for the crash (OR=1.31 [1.24-1.40] and OR=1.25 [1.12-1.40], respectively). The fraction of road traffic crashes attributable to levels 2 and 3 medicines was 3.3% [2.7%-3.9%]. Zolpidem use was associated with an increased risk of being responsible for a road traffic crash (OR=1.28 [1.07-1.53]) whereas use of zopiclone and benzodiazepine hypnotics use was not. Responsibility risk was only increased in the 139 drivers with dispensing of more than one pill of zolpidem a day during the five months before the crash (OR=2.38 [1.61-3.52]). Case-crossover analysis showed an increased risk of crash for benzodiazepine hypnotic users only (OR=1.42 [1.09-1.85]). Hypnotic users shared similar crash characteristics, with crashes more likely to occur on highways. In our database, 196 drivers were exposed to buprenorphine and/or methadone on the day of crash. This specific population was young, essentially males, with important co-consumption of other substances, in particular alcohol and level 3 medicines. Injured drivers exposed to buprenorphine and/or methadone on the day of crash, had an increased risk of being responsible (OR=2.19 [1.51-3.16]). The case cross-over analysis did not demonstrate any association (OR=1.26 [0.93 - 1.70]). Our study provides evidence of the contribution of medicines to the risk of road traffic crashes. According to our results, the French risk classification seems relevant regarding medicines classified as levels 2 and 3 of risk for road traffic crashes. The observed increased risks of being responsible for a crash for zolpidem and substitution maintenance treatment users may be linked to risky behaviors. Improving driver behaviour is one of the challenges for road safety. Providing patients with proper information on the potential effect of medicines on their driving abilities is the main objective of drug and risk classifications such as the French one.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2010BOR21723 |
Date | 27 September 2010 |
Creators | Orriols, Ludivine |
Contributors | Bordeaux 2, Lagarde, Emmanuel |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French, English |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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