Le point de départ de ce travail est la volonté de réévaluer la signification et l'éventuelle portée politique du premier roman d'Hubert Aquin, Prochain épisode (1965), à partir de deux éléments : la définition singulière de « politique » élaborée par Jacques Rancière et un ensemble d'articles rédigés par Aquin durant la première moitié des années soixante. Ce travail se propose plus précisément d'identifier le projet romanesque aquinien (« l'enracinement ») tel qu'il se manifeste dans ces articles, à l'aide des travaux de Rancière. Ce n'est qu'à la fin, en guise de conclusion, que nous aborderons Prochain épisode avec l'intention de l'étudier en tant que réalisation de cet« enracinement ». Les notions développées par Jacques Rancière, notamment celle de « partage du sensible », permettront de comprendre l'objectif politique de l'œuvre littéraire projetée par l'enracinement, en évitant certaines positions théoriques courantes dans les études aquiniennes : une opposition marquée entre le texte et le réel et l'éventualité de la Révolution québécoise (ou l'annonce de son échec) comme élément principal d'explication du texte aquinien. Plutôt que de mettre le texte en relation avec un avenir possible, il s'agira ici de déterminer comment l'œuvre (ou l'œuvre projetée par l'enracinement), par le biais de la configuration de la communauté qu'elle suppose (un partage du sensible), entre en conflit avec le contexte qui la voit apparaître (celui-ci reposant sur un partage du sensible différent). Les notions ranciériennes seront d'abord appliquées à la lecture de « La fatigue culturelle du Canada français » (1962), un article dans lequel Aquin explique comment il comprend le contexte historico-politique de la Révolution tranquille (1960-1966). Il sera question notamment du rapport entre le Canada français et le Canada anglais et du déterminisme historique. Nous présenterons ensuite le portrait du Canadien français décrit dans ce texte : un « personnage » caractérisé par la « fatigue culturelle » et une « propension à l'exil ». Il s'agira de comprendre, en outre, comment l'article, étant donné le partage du sensible qu'il met en application, entre en conflit (« dissensus ») avec son contexte. Nous verrons que ce conflit est aussi l'objectif de l'enracinement aquinien. Pour déterminer plus précisément ce programme littéraire, nous étudierons « Profession : écrivain » (1963), un autre article d'Aquin, à la lumière de « La fatigue culturelle » et des notions ranciériennes. Une des hypothèses de ce travail est que le portrait du Canadien français dépeint dans « La fatigue culturelle » se retrouve au cœur du projet romanesque aquinien, tel qu'il se manifeste dans « Profession : écrivain ». Pour terminer, nous tenterons de montrer que l'enracinement prescrit, dans une visée politique, l'organisation de la forme et du contenu du texte littéraire, sur la base de ce personnage du Canadien français.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Aquin Hubert, «La fatigue culturelle du Canada français», «Profession : écrivain», Littérature québécoise, Politique, Révolution tranquille, Rancière Jacques.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.3962 |
Date | 03 1900 |
Creators | Chevrier, Julien |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/3962/ |
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