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Analyse d’implantation d’un système de gestion intégrée en environnement et en santé et sécurité du travail

Les systèmes de gestion intégrée en environnement et en santé et sécurité du travail (SGI) sont un nouveau paradigme de gestion dans les organisations modernes. Ces systèmes sont construits à partir des normes ISO 14001 et d’OHSAS 18001, basées sur la prévention des risques et le principe de précaution.

La littérature sur les SGI témoigne d’un marasme conceptuel prédominant depuis plus de 10 ans; elle insiste sur l’urgence d’un consensus taxinomique et conceptuel afin de définir les systèmes de gestion intégrée et de différencier le mécanisme d’intégration de celui de l’implantation. Cette lacune conceptuelle enlise les connaissances dans un fossé épistémologique, retardant ainsi le débat dans ce nouveau champ d’études.

Les rares connaissances dont nous disposons dans ce domaine proviennent de quelques études théoriques et de six études empiriques, toutes préoccupées par la compatibilité des multiples systèmes et des avantages économiques de leur intégration. Les évidences engendrées par ces études sont insuffisantes pour appréhender la dynamique du nouveau paradigme dont les effets demeurent peu connus. Cette situation révèle l’urgence d’agir dans un contexte où l’utilisation des SGI se multiplie, et où leur tendance à minimiser l’importance des risques devient de plus en plus préoccupante.

Aucune étude ne s’est encore penchée sur l’implantation d’un SGI en environnement et en santé et sécurité du travail construit uniquement à partir des normes ISO 14001 et d’OHSAS 18001. Cette connaissance est importante pour expliquer les effets de tels systèmes. C’est dans cette perspective que nous avons réalisé cette première étude empirique d’un SGI selon les normes ISO 14001 et d’OHSAS 18001. Nos questions de recherche portent sur le mode, le degré d’implantation, les effets du SGI, ainsi que sur les facteurs contextuels qui interviennent pour expliquer les variations dans le degré d’implantation et les effets du SGI.

Il s’agit d’une recherche à prélèvement qualitatif qui repose sur un devis d’étude de cas, avec des niveaux d’analyse imbriqués, et comportant une double visée descriptive et explicative. Notre échantillon, de type raisonné, regroupait trente-cinq intervenants provenant de différentes instances hiérarchiques ; il incluait également des représentants syndicaux. Notre échantillon était composé de 7 usines, accréditées aux normes ISO 14001, OHSAS 18001, et dispersées dans différentes villes du Québec. Ces usines différaient tant par leur technologie, leur âge, leur taille, et leurs types de production. Nos données ont été recueillies en 2004; elles sont basées sur des entrevues semi dirigées, sur des observations directes lors de la visite des lieux; elles s’appuient aussi sur des consultations de documents internes et sur des outils électroniques implantés.

La transcription des entrevues effectuée, le contenu des discours a été catégorisé selon les cinq dimensions du SGI: engagement, planification, mise en opération, contrôle et revue de la direction. Une condensation horizontale avait précédé l’analyse de chaque cas et l’analyse transversale des cas selon une approche à la fois inductive et déductive.

Les résultats de notre recherche ont révélé deux modes d’implantation : le mode d’enrichissement et le mode de fusion. Ces modes dépendaient de la nature des structures fonctionnelles en place. La visée d’amélioration continue à la base du SGI n’avait pas réussi à concilier les approches traditionnelles bottom up et top down qui ont dominé cette implantation; son mécanisme était guidé par 4 types de stratégies : l’économie des ressources, le contrôle des forces d’influences, la stratégie des fruits faciles à cueillir et la stratégie à petits pas.

Pour analyser le degré d’implantation, nous avons tenu compte de l’effort de structuration du SGI et de la force d’utilisation des processus implantés à chacune des cinq dimensions du SGI. Les résultats de notre recherche révèlent une variabilité certaine du degré d’implantation entre les usines d’une part, et entre les processus associés aux cinq dimensions du SGI d’autre part. L’analyse des discours a permis de produire cinq hypothèses qui soutiennent l’effort de structuration et la force d’utilisation du SGI: (i) l’hypothèse de la force de cohésion, (ii) l’hypothèse de la spécificité du processus, (iii) l’hypothèse de la portée du processus, (iv) l’hypothèse de la capacité organisationnelle, (v) l’hypothèse de l’acceptation du changement.

L’implantation du SGI était soumise à l’influence de multiples facteurs; ils étaient de nature politique, structurelle et organisationnelle. Ces facteurs avaient agi sur le processus d’implantation en amorçant une cascade d’interactions au cours desquelles leurs forces d’influences se renforçaient, se neutralisaient ou s’additionnaient pour affecter le degré d’implantation. Les facteurs facilitant touchaient surtout l’effort de structuration ; ils incluaient : l’expérience des systèmes de gestion, l’implication de la direction, celle du syndicat ou du CSS, la structure organisationnelle, le niveau d’éducation, l’âge et la taille de l’usine. Quant aux facteurs contraignants, ils agissaient sur la force d’utilisation ; ils incluaient : la lourdeur procédurale, le manque de temps, le manque de formation, le manque de ressources, la culture organisationnelle, la structure organisationnelle, le fossé intergénérationnel, l’absence du syndicat et l’âge de l’usine.

Trois effets proximaux escomptés par l’entreprise ont été observés. (i) La rigueur de la gestion était associée à l’application des exigences du SGI; elle touchait la gouvernance en environnement et en santé et sécurité du travail, les mécanismes de gestion et les procédés de production. (ii) La standardisation était reliée au mode d’implantation du SGI; elle concernait les pratiques, les outils, les méthodes de travail et l’organisation des ressources. (iii) La rupture des silos est un effet relié au mode d’implantation du SGI; elle touchait les structures départementales, les frontières professionnelles, les relations et climat de travail. Ces effets proximaux avaient provoqué plusieurs effets émergents, plus distaux: une augmentation du pouvoir de contrôle syndical, un renforcement de la légitimité des recommandations soumises par les spécialistes professionnels, la création de réseaux inter organisationnels et le transfert du savoir.

L’implantation du SGI avait transformé la gouvernance et les pratiques en environnement et en santé et sécurité du travail dans les sept usines. Toutefois, elle ne semblait pas garantir l’immunité du processus de gestion des risques à l’environnement ni à la santé et sécurité du travail. Sa capacité à diluer les risques devait retenir l’attention des politiques de santé publiques et des programmes de prévention des risques à l’environnement et à la santé et sécurité du travail. L’amélioration de la gestion des risques demeurait un effet attendu non observé et soumis à des facteurs contextuels qui pourraient l’empêcher de se concrétiser. À cet égard, le transfert du savoir, renforcé par l’émergence des réseaux inter organisationnels, semblait offrir une avenue beaucoup plus prometteuse et accessible. C’est l’une des contributions de cette recherche. Elle a aussi (i) proposé une typologie des modes d’implantation et des effets du SGI (ii) préconisé une méthode détaillée d’une meilleure appréciation du degré d’implantation (iii) précisé le rôle des facteurs contextuels dans l’explication des variations du degré d’implantation et dans la production des effets, (iv) proposé des hypothèses sur la structuration et l’utilisation du SGI (v) offert une perspective plurielle et approfondie de la dynamique de l’implantation du SGI grâce à la variété de l’échantillon des répondants et des usines. Il s’agit de la première étude de terrain dans le domaine. À notre connaissance, aucune autre étude n’a eu de tels résultats.

Mots Clés : ISO 14001, OHSAS 18001, gestion intégrée, environnement, santé et sécurité du travail, risques environnementaux, risques en santé et sécurité du travail, analyse d’implantation, degré d’implantation, SGI, transfert du savoir. / Integrated environmental, health and safety management systems (IMS) are a new management paradigm of modern organizations. These systems are built mainly from the ISO 14001 and OHSAS 18001 norms, which are based on risk prevention and the precautionary principles.

For the past ten years, the literature on IMS has been governed by a conceptual stagnation, which is now begging for a taxonomic consensus in order to define IMS, clarify both integration and implementation processes, and to move beyond structures to address processes. As a result, the knowledge about IMS has been embroiled in an epistemological ditch, thus delaying debates in this emerging field of study.

Scarce publications about IMS come from a few theoretical papers and six empirical investigations, all preoccupied by systems compatibility and the economic advantages of management systems integration. Evidence generated by these studies is not sufficient to apprehend the dynamics of the new paradigm, whose effects remain little known about until now. This situation is becoming alarming in a context where the use of integrated environmental health and safety management systems is increasing and where these IMS are raising concerns about their capacity to minimize risk in one domain or another.

So far, no study has investigated the implementation of integrated environmental health and safety management systems built from ISO 14001 and OHSAS 18001 norms. Such knowledge is cardinal to help explain the effects of such IMS. It is in this perspective that we have undertaken this first empirical study of an IMS built from ISO 14001 and OHSAS 18001. Our research questions address the mode of implementation, the degree of implementation and the effects of the IMS, as well as the contextual factors whose influence on the implementation help explain the variations in the degree of implementation and the effects of the IMS.

This qualitative inquiry uses a single case study with multiple levels of analysis. Our purposeful sample of thirty five participants was drawn from different levels of hierarchy, including union executives and representatives. Our purposeful sample of plants consisted of seven ISO 14001 and OHSAS 18001 certified plants located in different cities in Quebec, Canada. These plants differed by their technology, their age, their size and their types of production. Our data were collected in 2004 from semi-directed interviews, direct observation during site visits, and consultation of documentation and assessment of functionalities of implemented management tools.

Interviews were transcribed verbatim and their content was categorized based on the five dimensions of the IMS: commitment policy, planning, deployment, control and management review. Horizontal condensation preceded within case and transversal analysis, using both inductive and deductive approaches.

Our results indicate two implementation modes: the enrichment mode and the fusion mode, both related to the functional structures in place. Despite its aim of continuous improvement, the IMS was unable to reconcile the two traditional approaches of top down and bottom up, which have dominated this implementation which was supported by four strategies: economy of resources, control of influence, low hanging fruits and the small steps strategy.

In order to analyze the degree of the IMS implementation, we have taken into consideration two aspects of the process: The effort of structuring the IMS and the scope of utilization of the implemented processes. Our results showed evidence of variation in the degree of IMS implementation; this variation was observed among the plants as well as among the processes implemented at each one of the five IMS steps. The analysis of discourses has allowed the production of five hypotheses that support IMS structuring and utilization (i) Cohesion forces hypothesis (ii) Process specificity hypothesis (iii) Scope of process hypothesis (iv) Organizational readiness hypothesis (v) Acceptance of change hypothesis.

IMS implementation was influenced by political, structural and organizational factors. These factors have played their influence by catalyzing non -linear interactions, during which their influence could be neutralized, added or reinforced, hence generating variations in the degree of implementation.

Facilitating factors have affected the effort of IMS structuring and included: experience working with management system, upper management commitment, implication of union or of health and safety committee representatives, organizational structure, level of education, plant age and plant size.

Inhibiting factors have affected mainly the utilization of implemented processes. These factors included: procedural heaviness, lack of time, lack of training, lack of resource, organizational culture, organizational structure, intergeneration gap and lack of union implication.

Three proximal effects anticipated by the organization under study were observed. (i) Increase in the rigor of management is an effect which was associated with the application of IMS requirements. It implied EHS governance, integrated management mechanisms and production processes (ii) Standardization is an effect which was associated rather with the implementation mode. It implied EHS practices, tools, work methods and organization of resources. (iii) Rupture of departmental silo is an effect associated with the mode of implementation. It involved organizational structures, professional boundaries and the working relations and climate. These proximal effects have induced several emerging effects, which were more distal. These were: increased control power of the union; increased legitimacy of recommendations by EHS professionals; creation of inter-organizational network and knowledge transfer.

The implementation of an integrated management system in environment, occupational health and safety has transformed EHS governance and practice in all seven plants. However, this was not sufficient to grant immunity to EHS risk management processes. The potential of IMS to dilute risks should be of concern to public health policies, as well as to risk prevention programs on environment and on occupational health and safety. Improvement of EHS risk management was an expected effect but was not observed at the moment of our study. Several contextual factors may have intervened to alter its occurrence. To this regard, knowledge transfer, reinforced by the emergence of intra-organizational networks, seem to offer a very promising and affordable alternative. This is one of the contributions of our study research, which, in addition has (i) proposed a nomenclature to classify the modes of implementation and effects of IMS (ii) proposed a detailed method to appreciate the degree of implementation (iii) stated the roles played by contextual factors in explaining variations in the degree of IMS implementation and in the production of effects (iv) proposed a hypothesis on IMS structuring and utilization (v) through the diversity of our sample, offered a plural and sound perspective on the dynamics of IMS implementation. This is the first field study of this new paradigm. To our knowledge, no other study has produced such results.

Keywords : ISO 14001, OHSAS 18001, integrated management system, IMS, environment, Occupational Health and Safety, environmental risks, occupational health and safety risks, implementation analysis, implementation level, knowledge transfer.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/3500
Date09 1900
CreatorsSavary, Saôde
ContributorsFarand, Lambert, Gérin, Michel
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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