En prenant comme point de départ l'interprétation de l'épopée homérique par Erich Auerbach, ce mémoire se consacre à la notion d'immersion fictionnelle, non sous son versant psychologique de phénomène contingent de la conscience imageante, mais sous son versant imaginaire, en tant que mythe sociétal d'immédiateté déterminant des stratégies esthétiques et médiatiques concrètes, que j'articule autour des poétiques contemporaines de construction de mondes (world building). L'enjeu est de saisir les répercussions esthétiques de ce fantasme d'une représentation qui occulterait à la fois sa médiateté et le réel-sensible, à une époque où la transfictionnalité et la transmédiaticité s'élèvent tranquillement comme modes narratifs dominants de notre culture occidentale contemporaine. Avec cette conviction que le terme d'immersion doit être replacé dans le cadre de ses effets, le premier chapitre s'affairera à démêler quelques difficultés théoriques que pose la notion en la problématisant sous l'égide des questions ontologiques de vérité et de la position phénoménologique de Sartre sur l'imaginaire. Tout en posant les outils théoriques nécessaires aux analyses subséquentes, le deuxième chapitre approfondit cette problématisation en empruntant aux théories modales des mondes possibles un cadre conceptuel opératoire, qui amènera, notamment grâce au concept formalisé de «~monde~», à concevoir la fiction comme un mouvement de distanciation. Appuyé par la lecture du roman tolkienien, le troisième chapitre tourne le fantasme d'immersion du côté d'une pulsion encyclopédique de complétude, concrétisée par des stratégies textuelles d'accumulation informationnelle et de virtualisation de données diégétiques laissées en suspens -- effets d'actualité que je qualifie d'extra-narratifs en les présentant en contraste des principes prescriptifs du \emph{muthos} aristotélicien formant une chaîne causale téléologique fondée sur une loi d'économie narrative. Le quatrième et dernier chapitre, articulé autour de la notion encore trop peu étudiée de canonicité, observe les poétiques de construction de mondes telles qu'elles se désamorcent elles-mêmes, dans le contexte des univers partagés, en engendrant des incohérences logiques donnant lieu à la tenue d'un discours auctorial-éditorial régissant les vérités fictionnelles comme moyen de maintenir l'immersivité de la représentation. L'analyse générique des comic-books de superhéros et une enquête sur la gestion éditoriale de l'univers de Star Wars permettront d'identifier les multiples modalités de délimitation de la frontière entre canon et apocryphe. En conclusion, je reviens brièvement sur la notion d'immersion, ainsi exemplifiée, en la resémiotisant comme une médiation compétitive de mise en présence de l'être. / Starting from Erich Auerbach's interpretation of the Homeric epic, this master's dissertation studies the notion of fictional immersion, not in
its psychological aspect of a contingent phenomena of human consciousness, but rather in its collective imaginary sense, as a societal myth of immediacy generating concrete aesthetic and media strategies that I investigate from the standpoint of contemporary poetics of world building. The objective is to apprehend the aesthetic repercussions of this desire for a mediation that would conceal both the real and its own mediacy, in a time where transfictionality and transmedia storytelling are becoming more and more the dominant narrative modes of our contemporary western culture. Under the conviction that immersion must be looked at as a set of cultural strategies, the first chapter unravels some theorical difficulties bounded to the term by problematizing it towards ontological questions of truth and Sartre's phenomenological stance on the imaginary. While laying a necessary theorical toolset for subsequent analyses, the second chapter examines these problems by borrowing to possible worlds modal theories a set of working concepts, which will lead to the assumption that fiction is a movement of distanciation, notably with the aide of the formal concept of ``world''. Through a reading of the tolkienian novel, the third chapter directs the desire for immersion towards an encyclopedic impulsion for completeness, embodied by textual strategies such as informational proliferation and allusion to virtual diegetic data -- strategies leaving an impression of the actual that I describe as extra-narrative in contrast to Aristote's \emph{muthos} forming a teological causal chain based on a principle of an unitary narrative. The fourth and final chapter, articulated around the still too little studied notion of canonicity, observes poetics of world building as they neutralize themselves, particularly with shared universes, by generating logical inconsistencies giving birth to authorial and editorial discourses stating fictional truths as a way of maintaining the mediation's immersivity. The analysis of the superhero comics genre and an inquiry of the editorial management of the Star Wars universe will exemplify the multiple modalities of this delimitation between the canon and the apocryphal. As a conclusion, I briefly come back to the notion of immersion itself by redescribing it as a competitive mediation of presence.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/24197 |
Date | 07 1900 |
Creators | de Maisonneuve, Laurent |
Contributors | Vitali-Rosati, Marcello |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Page generated in 0.003 seconds