La thèse que je propose ici est une recherche sur les rapports entre la mémoire, l'histoire et l'identité des Roumains à la sortie de l'époque communiste. Mon analyse part de l'examen d'un scandale politique qui a éclaté au Parlement roumain en 1999 autour de la publication d'un manuel scolaire d'histoire. Cet événement a été nommé « le scandale Sigma » du nom de la maison d'édition. Le manuel en question a été publié dans le cadre de la réforme de l'enseignement en Roumanie postcommuniste. Pour remplacer le manuel unique de l'époque totalitaire, la reforme visait la mise à la disposition des enseignants plusieurs manuels scolaires dits « alternatifs » pour la même discipline. Les auteurs, ainsi que les initiateurs de la réforme, le ministère de l'Éducation y compris, voulaient que les manuels alternatifs d'histoire rétablissent à l'école le statut de l'histoire, gravement touché par la manipulation politique. Le « manuel Sigma » déclencha de vives réactions publiques et, accusé d'« antinationalisme », sera par la suite interdit. L'événement invoqué ici est pour moi un paramètre d'étude de l'impact mnémonique du pouvoir communiste sur la mémoire collective. Par une approche d'histoire culturelle, je m'intéresse donc à déchiffrer à la fois les « compulsions mémorielles » mélancoliques d'une certaine partie de la société roumaine envers l'ancien régime Ceausescu, ainsi que les représentations identitaires des Roumains à l'issue du communisme. Je situe donc ce scandale comme symptôme d'une maladie de mémoire. Analysant les récits d'une quinzaine des manuels scolaires des derniers vingt ans, je me penche sur le rapport entre la narration historique et l'appropriation sociale de ces textes à l'issue du communisme. Bâtie sur deux volets théoriques, la première partie de la thèse cherche à dégager la consistance idéologique de la « mémoire enseignée » durant les régimes communistes à travers l'inventaire des accusations portées contre ce manuel. Dans le premier volet, mon champ d'investigation s'appuie sur les démarches théoriques des historiens Roger Chartier et Domnick LaCapra afin d'éclairer la manière dont un texte est appréhendé socialement et comment il produit des « biens symboliques » reconnaissables ou non par les récepteurs de son époque. Mon deuxième volet théorique, basé sur les études de Paul Ricœur effectués dans le domaine de la phénoménologie de la mémoire et de l'herméneutique de la connaissance historique, me permet d'interroger la nature de l'expérience traumatique de la société communiste. La deuxième partie de la thèse reconstitue à travers trois niveaux d'interrogation - textuel, visuel et autorité du pouvoir le canon historiographique dans les manuels d'histoire d'avant la chute du dernier dictateur communiste, Nicolae Ceausescu. J'y mets en lumière autant la dynamique des rapports entre narration, mémoire et la construction de l'identité politique. À travers la lecture de la signification sociale de l'histoire, la confrontation entre la mémoire du communisme et le récit des manuels scolaires d'histoire, mène à la compréhension des régimes d'historicité du communisme. Articulant les deux démarches, j'arrive à conclure que la société roumaine - comme toute autre société est-européenne traumatisée par l'expérience totalitaire - démontre un déficit de mémoire, dû à Fus et à l'abus du pouvoir. Ma démarche souligne ainsi l'importance de l'exercice critique historique pour permettre au « travail de mémoire » de s'accomplir. / Québec Université Laval, Bibliothèque 2014
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/17846 |
Date | 11 April 2018 |
Creators | Marin, Gabriel |
Contributors | Jewsiewicki, Bogumil |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | ix, 369, xxi f., application/pdf |
Coverage | Roumanie |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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