Cette thèse s’intéresse aux activités créatrices et de conformisation sollicitées dans des dispositifs de serious gaming et à leur impact sur les situations réelles de travail des cadres. Pour explorer cet impact, nous sommes intervenus dans un programme de formation utilisant un simulateur d’hélicoptère de l’armée qui a été adapté pour former des cadres au management d’équipe. La recherche a duré deux ans et nous avons observé 16 sessions de jeu, rencontré 44 cadres de la même entreprise, tous volontaires. La recherche a analysé l’écart entre le travail prescrit et réel. En anglais, contrairement au français, deux mots définissent le mot jeu : « play » et « game ». Winnicott (1971) s’appuie sur le jeu en train de s’élaborer spontanément (play), plutôt que sur le jeu organisé et défini selon des règles précises (game). Ce « play » est considéré par Winnicott, comme un espace transitionnel : espace de développement où la créativité est prépondérante. La compréhension de ce qui se joue dans cet espace intermédiaire est essentielle pour explorer la relation entre le « jeu sérieux » et le travail réel. Nos observations et analyses des sessions de jeu et des entretiens nous conduisent à souligner le peu d’inventivité, de créativité à la fois pendant l’activité du jeu et ensuite dans le travail réel. La réorganisation du travail, le changement de rôles, la renormalisation du temps et le sentiment de décisions sont rares. Ceci nous a amenés à analyser ce qui a empêché les cadres d’entrer dans cette aire intermédiaire où la créativité est sollicitée. Ces empêchements concernent la quête du « bien faire », la pression temporelle, la culture d’entreprise, les contraintes matérielles et la compétitivité. De plus, une autre activité vient empêcher celle du jeu : la plupart des cadres se sont sentis évalués, et s’auto-évaluent, en tant que managers. Notre recherche tend à démontrer que le jeu suspend la réflexion, la délibération entre pairs, ce qui favorise une conformisation aux prescriptions. La suspension de la réflexion permettrait, notamment, de s’affranchir d’éventuels conflits de valeurs et de culpabilité quand les prescriptions supposent de faire du « sale boulot » (c’est-à-dire de commettre des actes que la morale ou l’éthique peuvent réprouver). Enfin, nous interrogeons l’impact de cette expérience dans l’environnement virtuel du dispositif de formation sur les pratiques des managers en situations réelles : le transfert des apprentissages dans l’expérience du jeu opère par la médiation de la réflexivité suscitée par le changement de place dans la communication au sein de l’équipe (récepteur et non plus émetteur de consignes) et par les affects éprouvés lors de l’exercice simulé. L’éprouvé devient alors un instrument de travail pour réévaluer la manière dont ils tiennent leur rôle de manager et les activités associées. / This thesis speaks about the creativity and conformity in serious gaming and the link with real work situations of executives. To explore this link, we conducted a training program using an army helicopter flight simulator that had been redesigned to train executives in teamwork. The study was conducted over two years in 16 game sessions with 44 volunteer participants from the same company. The research analyzed the gap between prescribed and real work. In English, contrary to French, there are two words for games: "play" and "game". Winnicott (1971) is inclined more towards spontaneously developed games (play), rather than on games organized and defined according to precise rules (game). He considers "play" to be a transitional space. This transitional space is a third area, a paradoxical space, because it is situated between the interior and exterior of the player. It is a space of development where creativity is dominant. Understanding what takes place in this intermediate space is essential to explore the relationship between serious gaming and real work: a space in which group dynamics can enhance or inhibit individual creativity. From observation and analyses of game sessions and associated interviews, we identified several instances of creativity during the game and afterwards at work, including: reorganization of the work, exchanging roles, negotiating the length of games, and virtual empowerment leading to real-world decision-making. Then, we analyzed what prevented the executives from entering this intermediate area and from "play" with the equipment: the "pursuit of excellence", the temporal pressure, the corporate culture, equipment limitations, self-consciousness, and competitiveness. Furthermore, most participants were concerned that their competence as managers was being evaluated and they self-evaluated their skills. Afterwards, we analyzed the contention that lack of deliberation before executing the game prescriptions. Our research demonstrates that suspension of reflection allows freeing itself from possible value conflicts and guilt when the prescriptions lead to performing "dirty work" (that is, to commit morally or ethically questionable acts). At a minimum, we observe that executives see themselves acting in situ and become aware of the impact of their transmitters' role in communication with the team. Executives use this experience to revitalize their thinking about professional practice, which thus becomes a tool to gain a different view of their managers’ role.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015CNAM1009 |
Date | 14 December 2015 |
Creators | Martin, Lydia |
Contributors | Paris, CNAM, Lhuilier, Dominique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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