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Simulation expérimentale de la chimie atmosphérique de Titan : Suivi des espèces produites et comparaison à un modèle cinétique

Depuis plusieurs années, le Groupe de Physico-Chimie Organique Spatiale au sein du LISA a développé un programme expérimental en laboratoire ayant pour objectif de simuler la chimie atmosphérique de Titan. Des techniques d'analyse ont été développées pour détecter et quantifier les composés formés au cours de ces simulations : spectrométrie d'absorption IR et Chromatographie en Phase Gazeuse Couplée à la Spectrométrie de Masse (CPG-SM) pour les composés gazeux, analyse élémentaire et pyrolyse couplée à la CPG-SM pour les composés solides déposés sur les parois du réacteur. Cependant, vu la complexité de la chimie étudiée, les mécanismes de formation des espèces dans le réacteur (et notamment des analogues d'aérosols de Titan) n'étaient toujours pas compris et la représentativité de l'énergie utilisée dans ce type d'expérience par plasma froid (électrons au lieu de photons UV) pour simuler les conditions stratosphériques de Titan sérieusement contestée. A l'aide d'un couplage entre l'expérience et un modèle cinétique du plasma froid, nous avons pour la première fois expliqué les mécanismes ayant lieu dans cette simulation expérimentale. Nous avons déterminé l'énergie déposée par les électrons dans la décharge; détecté, en plus des composés gazeux, les espèces à courte durée de vie (radicaux, ions, espèces excitées) in situ par spectrométrie d'émission UV-Vis; et comparé l'évolution de l'abondance relative des espèces avec les sorties du modèle. Le radical CH a été détecté dans nos simulations alors qu'il n'est pas pris en compte par la plupart des modèles photochimiques de l'atmosphère de Titan. Ainsi, s'il est présent dans l'atmosphère de Titan, il pourrait entraîner la formation de C2H2, dont l'abondance est actuellement sous-estimée d'environ 30% par les modèles photochimiques. Nous avons détecté l'ammoniac (NH3) parmi les produits majoritaires dans nos expériences. Sa présence possible sous forme condensée pourrait expliquer le comportement de l'albédo de Titan vers 5 µm avec une forte absorption des glaces d'ammoniac autour de 5,25 µm. Si sa présence se révélait confirmée par CIRS, le spectromètre IR embarqué à bord de la mission Cassini-Huygens, ce composé d'intérêt exobiologique interviendrait dans les processus de croissance des aérosols de Titan, et notamment pourrait réagir avec l'acide cyanhydrique (HCN) pour former NH4CN, qui peut produire, en présence d'eau, des bases puriques telles que l'adénine et la diaminopurine. Provenant des apports cométaires et météoritiques, la présence en quantité notable de composés oxygénés (CO, CO2 et H2O) dans l'atmosphère de Titan nous a conduit à mener la première simulation expérimentale contenant initialement N2/CH4/CO (98/1,99/0,01) afin de vérifier l'impact du monoxyde de carbone (CO), composé oxygéné majoritaire dans l'atmosphère de Titan, sur la composition de la phase gazeuse. Nous avons identifié par deux techniques d'analyse (spectrométrie IR et CPG-SM) l'oxyrane (ou oxyde d'éthylène, C2H4O) comme composé organique oxygéné majoritaire. Ce composé a été détecté dans le milieu interstellaire et sa possible présence sur Titan pourra être confirmée par CIRS (signature à 11,4 µm). L'évolution de l'abondance des espèces dans la décharge ainsi que celle de la composition atomique des tholins en fonction des paramètres expérimentaux a permis de proposer un processus de remplacement d'un hydrogène porté par un carbone par un radical C≠N ayant lieu sur les composés organiques gazeux. Cette hypothèse est en accord avec des réactions proposées par les modèles de chimique atmosphérique : HCN + CN  C2N2 + H k = 6,31.10-17 Tg1,57 exp (-50/Tg) cm3.s-1 C2H2 + CN  HC3N + H k = 5,67.10-9 Tg-0,55 exp(-4/Tg) cm3 s-1 C2H4 + CN  CH2CHCN + H k = 1,25.10-10 (Tg/300)0,7 exp(-30/Tg) cm3 s-1 Ce type de réactions serait aussi possible avec les polyynes pour former des cyanopolyynes : C4H2 + CN  HC5N + H k = 2.10-10 cm3 s-1 C6H2 + CN  HC7N + H k = 2.10-10 cm3 s-1 C8H2 + CN  HC9N + H k = 2.10-10 cm3 s-1 Concernant les tholins, le même type de mécanisme aurait lieu sur une structure constituée de systèmes conjugués. La comparaison entre l'énergie déposée dans le réacteur et celle arrivant dans l'atmosphère de Titan a pour la première fois été réalisée, permettant ainsi de discuter de la représentativité énergétique du plasma. La puissance fournie par les électrons dans le plasma est 108 fois plus importante que celle apportée par les photons dans les domaines d'énergie correspondant aux dissociations du méthane et de l'azote (> 10eV ; < 150 nm). Une comparaison avec les taux de production des composés solides a montré que la simulation expérimentale a un taux de production environ 104 fois inférieur à celui de Titan (taux rapporté à la puissance déposée).

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00008510
Date22 September 2004
Creatorsbernard, jean-michel
PublisherUniversité Paris-Diderot - Paris VII
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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