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Entre refuge et exil : l’expérience de femmes palestiniennes du camp de Bourj El Barajneh

Le conflit israélo-palestinien dure depuis plus de 60 ans. Non seulement perdure-t-il, il gagne aussi en complexité. Cette thèse s’intéresse à l’expérience d’exil des Palestiniens et plus particulièrement à celle de femmes palestiniennes vivant en camp de réfugiés au Liban. La mémoire palestinienne a longtemps été, dans son ensemble, occultée dans la littérature, et qui plus est l’expérience des femmes; la façon dont leurs récits sont construits nous le démontre bien. La présente étude s’inscrit donc dans la lignée de travaux qui font une place aux « voix silencieuses » que sont souvent celles des femmes réfugiées palestiniennes des camps. Cette thèse s’appuie sur une approche qualitative – récits de vie et observation participante – et fait suite à une recherche qui a été menée entre 2009 et 2011 dans le camp palestinien de Bourj El Barajneh au Liban.

Les résultats dégagés confirment que, dans l’exil, une partie de l’expérience de la nakba palestinienne telle que vécue par les femmes s’est perdue. Ceci dit, si la quasi-absence des femmes caractérise l’exode, on voit ces dernières s’affirmer au fil de l’exil qui devient une réalité durable. Au cours des deux premières décennies, les femmes apparaissent comme des « résistantes du quotidien ». Puis, la montée du sentiment national palestinien et l’éclatement de la guerre civile libanaise amènent les femmes à investir de plus en plus l’espace public. En temps de guerre, toutes les femmes participent à la survie de la communauté, et cela, par l’extension de leurs tâches domestiques et sociales. Plus le conflit prend de l’ampleur, plus leurs activités se diversifient : elles intègrent d’autres tâches à celles qui leur sont traditionnellement assignées. À l’issue du conflit, une grande partie des femmes palestiniennes commencent à prendre leurs distances de la lutte nationale partisane. Pour plusieurs d’entre elles, la fin de la guerre est aussi la fin des illusions : elles ont le sentiment d’avoir été abandonnées par la classe politique. Ainsi, le mouvement nationaliste palestinien a certes bousculé les rôles de genre, mais il n’a pas permis d’induire des changements durables.

Dans les récits des femmes, on voit qu’à travers l’exil s’est créé un lien avec ce milieu que l’on croyait temporaire, le camp de Bourj El Barajneh : un lien qui se situe au cœur d’une tension entre un pôle réel et un pôle symbolique. Le camp « réel » est décrit comme insalubre, instable et non sécuritaire, et la vie dans ce camp est à ce point précaire et difficile que les femmes s’accrochent à cet autre camp qui, lui, est porteur de mémoire, de souvenirs, de relations et de rêves. C’est d’ailleurs parce que ce second pôle existe que la vie dans le camp peut être tolérée.

Si la lutte nationale a été pour une certaine génération de Palestiniennes la préoccupation première, la fin de la guerre signe la perte de vitesse de cette lutte qui s’est longtemps avérée structurante. Ceci dit, le modèle de résistance, lui, persiste. Les femmes continuent de lutter et apparaissent comme des « actrices de la transmission ». L’un de ces projets qu’elles font leur, la transmission de l’identité religieuse, prend rapidement de l’ampleur alors que la communauté palestinienne peine à se relever des affres de la guerre. Nombreuses sont les femmes qui cherchent un sens à la vie dans ce cumul de catastrophes, et la religion les soutient dans cette quête, mais en plus c’est à travers elle que le projet du retour en Palestine est porté. D’ailleurs, la mémoire de la Palestine est une autre valeur que les femmes cherchent à transmettre d’une génération à l’autre. Maintenir la mémoire de la Palestine est un rôle traditionnel de la femme palestinienne. Ceci dit, les femmes ne remplissent pas ce rôle « aveuglément » : elles transmettent une mémoire, un message qu’elles ont cherché, reconstruit, évalué et parfois critiqué. Enfin, un autre projet se manifeste rapidement dans l’exil : la transmission des connaissances, une valeur phare pour les Palestiniennes puisque à la fois stratégie de survie, de développement et d’ascension sociale. Mais pour quelques-unes, l’éducation est une lutte parce que confrontée à des contraintes contextuelles et au poids des traditions. Ainsi, c’est par des valeurs traditionnellement portées et transmises par les femmes – l’identité religieuse, la mémoire et l’éducation – que l’oppression et la colonisation des Palestiniens se combattent au quotidien. / The Israeli-Palestinian conflict has lasted more than 60 years and persists not only in time but also in complexity. This thesis focuses on the Palestinian exile and particularly, the experience of exile of Palestinian women living in refugee camps in Lebanon. Palestinian memory has for a long time been occulted in the literature and specifically, the experience of women and how their stories are constructed by gender. The present study is therefore in a line of work that gives a place to these “silent voices” that are often those of the Palestinian women of the camps. This research is based on a qualitative methodology – life stories and participant observation –, research that took place between 2009 and 2011 in the refugee camp of Bourj El Barajneh in Lebanon.

The results show that, in exile, a part of the Palestinian nakba experienced by women, has been lost. That said, if a virtual absence of women characterizes the exodus, over exile, women become more assertive. During the first two decades in exile in Lebanon, women appear as “everyday resistant”. Then, the rise of a national sentiment which was rapidly followed by the outbreak of the Lebanese civil war, made women more and more present in the public space. Indeed, in wartime, all the women were involved in the community’s survival, and that, by an extension of their domestic and social roles. The longer the conflict lasts, the more diverse are their activities: it includes other tasks than those traditionally assigned to them. At the end of the conflict, a large part of Palestinian women are beginning to distance themselves from the national struggle. For many, the end of the war also means the end of illusions: they feel they have been abandoned by the political class. Thus, if the Palestinian nationalist movement has certainly brought changes in gender roles, it has failed to bring about lasting changes.

Also, in the women's narratives, we see that in time, a bond is created with the space “Bourj El Barajneh camp”, a, bond that is located in a tension between two poles. First, there is a “real pole” where the camp appears as unsafe and unstable. Second, life in the camp is so precarious and difficult that women cling to another pole, a “symbolic pole” which represents the camp as a bearer of memories, relationships and dreams. And it’s because this last pole exists that life in the camp can be tolerated.

If the Palestinian national struggle – for a certain generation of Palestinian women – was the main struggle, the end of the war signed “the end of illusions” and the slowing of the national struggle which has long proven structuring. That said, the pattern of resistance persists while women continue to resist and appear as “actresses of transmission”. The transmission of religious identity quickly gained in importance as the Palestinian community struggled to recover from the horrors of war. Through religion, many women found meaning in a life and it is also through religion that the return to Palestine is now carried. Moreover, the memory of Palestine is another value that women seek to pass on from a generation to another. Even though, passing on the memory of Palestine is a role traditionally carried by women, they do not fulfill it “blindly” but they convey a message that has been sought, rebuilt and sometimes criticized. Finally, another project arrives rapidly in exile: the transmission of knowledge, a core value for Palestinian women as it is a strategy for survival, development and social mobility. But for some, because faced with contextual constraints and the weight of tradition, education is still a struggle. Thus, it is because women carry and transmit traditional values – religious identity, memory and education – that the oppression and colonization of Palestinians can be fought everyday.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/9112
Date10 1900
CreatorsCaron, Roxane
ContributorsDamant, Dominique, Antonius, Rachad
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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