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Ethique et identité professionnelle des ingénieurs. Enquête sur les diplômés des écoles du Nord de la France

Après une étude des discours sur l'éthique produits pas les associations d'ingénieurs aux Etats-Unis, au Québec et en Allemagne, j'ai tenté d'expliquer leur absence, jusqu'à récemment en France. Cherchant des éléments constitutifs de l'ethos des ingénieurs français, j'ai alors étudié l'histoire des contenus de formations, et en particulier des humanités, au sein desquels est apparue récemment l'éthique. J'ai montré que les contenus des " humanités " s'inscrivait dans les histoire des écoles : l'idéal encyclopédique s'opposant à celui de l'engagement social, les deux s'opposant à l'approche professionnelle de la formation des ingénieurs instrumentalisant les contenus dits " non techniques". Mais les rhétoriques éthique des associations d'ingénieurs et les projets de formation éthique pour les futurs ingénieurs ne disent rien de la représentation qu'ont les acteurs eux-mêmes des enjeux éthiques liés à leur profession. Afin d'étudier l'ethos des ingénieurs Ainsi, j'ai mis en place une enquête quantitative auprès d'ingénieurs diplômés, contacté par l'intermédiaire des associations d'anciens élèves des écoles de la région nord Pas-de-Calais. Après avoir élucidé l'étendue la plus large possible du champ couvert par " l'éthique du génie ", j'ai visé à travers l'analyse des représentations qu'ont les ingénieurs des relation entre les sciences, les techniques, la société et leur profession, de rendre compte de certains aspects de l'ethos de la profession. Cet ethos professionnel est d'abord apparu comme déterminé par l'identité professionnelle subjective des ingénieurs. Ceux qui ont une vision positive de leur profession et de son rôle dans la société sont moins inquiets que les autres des impacts négatifs du développement techniques. Ceux qui sont plus proches d'une identité de manager se montrent très sensibles à l'importance du " facteur humain " tandis que les " experts " défendent la neutralité de leur travail et rejette l'idée d'une responsabilité personnelle pour la finalité ultime des techniques auxquelles ils contribuent. Parce que la question de l'éthique des techniques est entrée en politique, les représentation des enjeux éthiques de la profession et des techniques dépendant aussi des attitudes politiques des ingénieurs. Les ingénieurs de droite sont plus optimistes à l'égard des techniques et sont favorables à une régulation par la profession elle-même, tandis que ceux de gauche se montrent plus ouvert à une démocratisation des décisions techniques. Mais, finalement, la grande majorité à une vision technocratique des décisions. Par ailleurs, leur position vis-à-vis de la politique un peu distante les laisse à l'écart d'une préoccupation majeure de l'éthique de la technologie : la maîtrise citoyenne des techniques. Parce que le catholicisme est engagé d'une façon particulière dans la formation morale des croyants, les représentations éthiques des enjeux éthiques de la profession dépendent aussi des attitudes religieuses des ingénieurs. Les ingénieurs catholiques se montrent plus favorables à une codification de l'éthique et à une morale de principe, en général. Porteur d'une vision de la technique au service de l'Homme, ils se montrent plus confiants dans les techniques que les autres ingénieurs. Ainsi leur désir de repères éthiques rencontre peu une des questions centrales de l'éthique des technologies : le risque. L'enquête montre aussi que les ingénieurs constituent un groupe très homogène du point de vue de ses valeurs professionnelles. Pour l'avenir, on pourrait penser que la féminisation apporte un regard nouveau et donc une modification, au fur et à mesure de leur percée dans le métier, de l'ethos collectif. Dans les faits, le partage du travail dans la profession entre les genres pourrait réduire de beaucoup l'impact de cette évolution. Tandis que les propos sur l'éthique émis au sein de la profession d'ingénieur dépendent fortement des contextes légaux et culturels dans lesquels ils sont produits, l'émergence de cours d'éthique dans les formations en France, au cours des dix dernières années, procède de deux dynamiques. Ils sont portés, selon le cas, par un idéal culturel ou par un idéal d'engagement social ; tous les deux s'opposent d'ailleurs à l'approche strictement professionnelle de la formation qui est, en définitive, la plus courante. Mais les rhétoriques éthique et les projets pédagogiques ne sont que des indicateurs des préoccupations éthiques des ingénieurs. Ainsi, après avoir élucidé les limites du champ de "l'éthique du génie", une enquête a été mise en place auprès d'ingénieurs diplômés, afin d'étudier leur éthique professionnelle. Il est apparu que les contours de cette éthique est déterminée par l'identité professionnelle subjective des ingénieurs. Les optimistes professionnels semblent, par exemple, moins inquiétés que les autres par les impacts négatifs du développement technique ; ceux qui se sentent plutôt manager se montrent très sensibles à l'importance du facteur humain, tandis que les experts défendent la neutralité de leur travail et rejette l'idée d'une responsabilité personnelle pour la finalité ultime des techniques auxquelles ils contribuent. Mais les positionnements éthiques des ingénieurs dépendent aussi de leurs attitudes politiques : ceux de droite, plus optimistes à l'égard des techniques, préfèrent que la régulation provienne de la profession, ceux de gauche, plus critiques, sont plus ouvert à une démocratisation des processus de décisions. Mais, finalement la vision majoritaire est technocratique et la position des ingénieurs, souvent à distance de la chose publique, les laisse à l'écart d'une préoccupation majeure de l'éthique de la technologie : la maîtrise citoyenne des techniques. Enfin, l'éthique des ingénieurs dépend des attitudes religieuses. Ainsi, les catholiques se montrent plus favorables à une codification de l'éthique et à une morale de principe. Mais parce qu'ils sont trop confiants dans les impact des techniques au service de l'Humain, leur désir de repères éthiques rencontre peu la question du risque qui est pourtant au cœur de l'éthique des technologies.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00779651
Date10 December 2002
CreatorsDidier, Christelle
PublisherEcole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS)
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
Languagefra
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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