Malgré l'attention accordée à la mort par les historiens du culturel, l'histoire des revenants a suscité peu d'intérêt. Notre démarche vise à alimenter la connaissance sur cette dimension en tentant de comprendre la croyance aux revenants à l'époque des Lumières, mais plus particulièrement les mécanismes de la croyance qui sont à l'oeuvre dans une affaire bien particulière. Notre dossier met en scène un prêtre qui est accusé d'avoir profité de la crédulité des gens du peuple: à la condition de dire des messes à leur intention, le prêtre Robert Pons certifiait que des agonisants consentent à revenir sur terre une fois morts pour indiquer l'emplacement de trésors. L'affaire, qui prend place à Paris, a été jugée par trois instances judiciaires, l'Officialité, le Châtelet et le Parlement de Paris. Notre propos se concentrera principalement sur le procès mené au Châtelet. Étant donné la complexité du concept de croyance, nous n'avons pas la prétention de repenser la façon de concevoir ce champ d'étude. Cependant, en s'appuyant sur l'historiographie récente en lien avec le processus d'acculturation, nous serons amenés à mettre de l'avant un concept où la flexibilité est de mise, c'est-à-dire que la croyance serait pensée en terme de rationalité, d'échanges et d'hétérogénéité. Par le fait même, notre démarche se propose de repenser le processus d'acculturation à la lumière des mêmes variables évoquées pour cerner le concept de croyance. Afin de mettre à l'épreuve nos thèses, notre propos s'articule autour de trois groupes: les gens du peuple, le prêtre Robert Pons et les magistrats. Une analyse approfondie des interrogatoires révèle que les croyances constituent un univers très complexe puisqu'une logique en paliers est nécessaire pour comprendre les multiples subtilités qui caractérisent l'univers mental des différents groupes. Lorsque nous esquissons la conception de la mort et de l'au-delà de nos protagonistes en fonction de leur groupe d'appartenance, des points de jonction peuvent être établis non seulement au sein d'un même groupe, mais aussi entre les différents groupes. Pour les magistrats, la croyance aux revenants peut sembler inconcevable. Or, en faisant appel au modèle explicatif de Michel de Certeau, nous sommes en mesure de constater que les croyances des gens du peuple et de Pons sont loin d'être irrationnelles. Notre démarche est complétée par une étude du discours des magistrats; en comprenant pourquoi les magistrats ne croient pas à l'affaire des revenants, nous sommes en mesure de confirmer les mécanismes qui génèrent une croyance. Encore une fois, le modèle explicatif de Certeau s'avère précieux et, par ricochet, permet d'introduire une nuance intéressante, à savoir que ce n'est pas parce que les magistrats ne croient pas aux revenants qu'ils rejettent nécessairement toute forme de surnaturel. En vertu des observations relevées dans notre démarche, il est inconcevable de penser l'acculturation comme un processus qui s'abat uniformément sur les masses. D'ailleurs, la figure de Robert Pons constitue une preuve éloquente selon laquelle ce processus est complexe, car, au lieu de maintenir les gens du peuple à l'écart des superstitions comme l'idéal tridentin l'impose, il alimente plutôt les croyances superstitieuses. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Revenants, Croyances, Superstitions, Crédulité, Justice, Paris, XVIIIe siècle.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.2499 |
Date | January 2009 |
Creators | Cantin, Caroline |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/2499/ |
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