Thèse numérisée par la Direction des bibliothèques de l'Université de Montréal. / L'évaluation de l'aptitude à subir son procès (ASP) constitue un volet important de l'interface entre le système de santé mentale et le système judiciaire. Toutefois, l'on connaît encore peu de choses concernant les différences inter-sexe des personnes évaluées pour ASP et des biais liés au genre lors de telles évaluations. Au Québec, très peu de données sont actuellement disponibles, mais ici, comme en bien d'autres lieux, les cliniciens responsables des évaluations psycho-légales utilisent encore leurs propres méthodes d'évaluation, ce qui tend à limiter la comparabilité des études et à augmenter la possibilité de biais dans le processus de prise de décision. Pourtant, au cours des dernières années, un nombre important d'instruments d'ASP ont été développés et plusieurs études se sont penchées sur la validation et l'utilisation de tels outils qui pourraient favoriser une évaluation plus systématique de l'ASP.
La présente thèse s'articule donc autour de deux axes principaux. Le premier se penche sur le rôle du genre de l'accusé dans le processus d'évaluation de l'ASP. À l'heure actuelle, une des grandes lacunes du domaine des évaluations psycho-légales réside dans l'exclusion quasi systématique des femmes comme groupe d'intérêt dans les recherches. La plupart des études portant sur ces évaluations s'attardent à des populations masculines ou, lorsqu'elles comportent des populations féminines, les échantillons sont tellement petits que toute spécificité possible selon le genre se trouve noyée dans la masse de participants masculins.
Le premier article, centré autour de ce premier axe, comporte trois objectifs principaux : 1) comparer les caractéristiques des ordonnances et des évaluations d'ASP d'hommes et de femmes; 2) identifier les facteurs associés aux recommandations d'ASP que font les professionnels en santé mentale; 3) explorer les différences inter-sexe quant aux facteurs associés à la recommandation d'aptitude ou d'inaptitude.
Toutes les évaluations d'ASP effectuées dans un hôpital de psychiatrie légale et deux centres de détention de la région de Montréal sur une période de cinq ans ont été identifiées. Parmi celles-ci, toutes les évaluations concernant des femmes (N = 107), et celles d'un échantillon aléatoire concernant des hommes (n = 284) ont été retenues. Les dossiers légaux et médicaux associés aux évaluations d'ASP ont été utilisés comme source d'informations socio-démographiques, psychopathologiques et criminelles.
Les résultats indiquent que les profils psycho-criminels des hommes et des femmes faisant l'objet d'une évaluation de l'ASP sont semblables. Toutefois, les évaluations au sujet des femmes sont deux fois plus susceptibles de se solder en une recommandation d'inaptitude que celles des hommes et ce, indépendamment de l'âge, des antécédents psychiatriques et criminels, de la sévérité du délit ayant mené à l'ordonnance d'ASP et de la présence d'au moins un symptôme de psychose des individus évalués. Des analyses statistiques effectuées parmi les évaluations d'hommes et de femmes séparément révèlent que pour ces dernières, seule la présence d'un symptôme de psychose durant la période d'évaluation prédisait la recommandation d'inaptitude et qu'un seul symptôme psychotique, le comportement désorganisé, se retrouvait significativement plus fréquemment dans les rapports des experts lors de recommandations d'inaptitude que d'aptitude. Par contre, pour les hommes faisant l'objet d'une évaluation, la présence d'au moins un symptôme de psychose en plus d'un délit de nature violente étaient de bons prédicteurs de l'inaptitude. De plus, chez ces derniers, les symptômes d'hallucination, de délire, de comportement et de discours désorganisés ainsi que de méfiance étaient tous plus souvent cités dans les rapports d'expertise d'inaptitude que d'aptitude. Ces résultats tendent à soutenir l'hypothèse d'une pratique différentielle selon le sexe dans les évaluations de l'ASP et sont discutés à la lumière des études précédemment menées dans ce domaine.
Dans le but de trouver des outils pratiques pour diminuer les biais lors d'évaluations d'ASP et augmenter la comparabilité inter-juridiction, le deuxième volet de la recherche aborde l'étude des méthodes d'évaluation de l'ASP disponibles. Il vise donc à recenser la documentation scientifique des trente dernières années concernant les instruments d'évaluation de l'ASP. Les résultats de cette recension indiquent que plusieurs tentatives de systématisation de l'évaluation de l'ASP ont été effectuées, surtout aux États-Unis. Ces instruments comportent toutefois certaines limites. D'une part, il existe une grande variabilité dans les qualités psychométriques de ces derniers; à l'exception d'un seul (le Fitness Interview Test), leur pertinence quant au système judiciaire canadien demeure incertaine. D'autre part, aucun instrument n'a été adapté pour desservir une population francophone. En outre, bien que la plupart des études portant sur les facteurs associés aux décisions d'aptitude ou d'inaptitude rapportent l'importance du diagnostic psychopathologique, aucun des instruments de type psycho-légal ne fournit une démarche diagnostique systématisée. Finalement, très peu d'instruments ont été validés auprès de populations féminines. Toutefois des études récentes montrent qu'il est utile et nécessaire d'intégrer l'utilisation d'instruments d'ASP dans la pratique des évaluations psycho-légales tant au niveau du processus clinique, judiciaire qu'à celui de la recherche.
Les résultats et interprétations sont discutés à la lumière de l'ensemble de la documentation scientifique se rapportant à l'ASP et dans une perspective de recherches futures.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/33274 |
Date | 08 1900 |
Creators | Crocker, Anne |
Contributors | Favreau, Olga Eizner |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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