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Femmes, réseaux et subversion : l'organisation féministe de l'avortement illégal au Québec (1969-1988)

Dans ce mémoire, je m'intéresse à l'organisation de services d'avortement par des groupes féministes québécois entre 1969 et 1988, alors que l'avortement est illégal au Canada. Ces réseaux féministes se mettent en place au lendemain du Bill omnibus de Pierre-Eliott Trudeau (1969), qui autorise uniquement les avortements dits thérapeutiques et à condition qu'ils soient pratiqués dans les hôpitaux agréés. Les centres hospitaliers franco-québécois tardent toutefois à offrir ce service et les rares qui le font pratiquent très peu d'interventions au tournant des années 1970. Plusieurs groupes féministes créent donc des services de référence pour diriger les femmes vers des médecins montréalais qui acceptent de pratiquer des avortements dits sur demande¹, donc en dehors du cadre légal instauré par la réforme de 1969. Entre 1973 et 1976 cependant, les militantes se butent à une répression orchestrée par l'État québécois et décident de réorienter leurs services de référence vers New York. Puis, l'arrêt en 1976 des poursuites contre le Dr. Morgentaler crée une jurisprudence favorable à la pratique d'avortements en dehors des centres hospitaliers. À partir de cette date, les gouvernements successifs doivent alors tolérer les avortements effectués dans des cliniques privées étant donné le flou juridique qui entoure désormais cette pratique. Cette timide ouverture de l'État met fin à la période transnationale des réseaux féministes et leur permet de mettre sur pied des centres de santé des femmes offrant des avortements sur demande, ce qui débouche sur l'institutionnalisation de ce type de services. La période couverte par cette recherche se termine en 1988 avec la décriminalisation de l'avortement au Canada par l'arrêt Morgentaler c. la Reine. Cette recherche porte un intérêt particulier à la médicalisation de l'avortement ainsi qu'à l'adéquation entre féminité et maternité qui reflètent la position de l'État sur l'avortement jusqu'en 1988. Les groupes féministes s'opposent à ces prescriptions normatives en prônant la démédicalisation des services d'avortement et en soulignant le caractère sociopolitique du rôle reproductif attribué aux femmes. Ainsi, les réseaux d'avortement qu'ils mettent en place jouent un rôle éminemment subversif. ¹On parle d'avortement sur demande pour désigner les avortements effectués sans l'ingérence d'un comité d'avortement thérapeutique. Cette étiquette renvoie à la capacité de choisir des femmes. Une autre dénomination utilisée est l'avortement libre. / In this essay, I examine the organization of abortion services by Quebec feminist groups between 1969 and 1988, when abortion was illegal in Canada. These feminist networks were set up in the wake of Pierre-Eliott Trudeau's Omnibus Bill (1969), which allowed only therapeutic abortions to be performed in accredited hospitals. However, Franco-Quebec hospitals were slow to offer this service, and the few that did so performed very few procedures at the turn of the 1970s. Feminist groups, which were emerging at the same time, created abortion referral services to direct women to Montreal doctors, performing so-called abortions on demand, outside the legal framework established by the 1969 reform. Between 1973 and 1976, the referral service was subject to state repression. In response to this difficult political climate in Quebec, feminist activists redirected their service to New York. The termination of the prosecution of Dr. Morgentaler in 1976 created jurisprudence favorable to the practice of abortions outside of hospitals, marking the end of the transnational period of feminist networks. Between 1976 and 1988, successive governments interpreted the legal uncertainty surrounding abortion in Quebec to allow abortions performed in private clinics. This timid opening by the state allowed feminists to set up women's health centers where they offered abortions on demand, marking the institutionalization of feminist abortion networks. The period covered by this research ends in 1988 with the decriminalization of abortion in Canada through the Morgentaler v. the Queen decision. This research is particularly interested in the medicalization of abortion and the adequacy of femininity and maternity, which permeate the state's position on abortion in various ways until 1988. Feminist groups oppose these normative prescriptions by advocating the demedicalization of abortion services and emphasizing the socio-political character of women's reproductive role. Thus, feminist abortion networks play a highly subversive role.

Identiferoai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/73507
Date06 June 2022
CreatorsRaby, Marie-Laurence
ContributorsCharles, Aline
Source SetsUniversité Laval
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typemémoire de maîtrise, COAR1_1::Texte::Thèse::Mémoire de maîtrise
Format1 ressource en ligne (xi, 178 pages), application/pdf
CoverageCanada, Québec (Province), 20e siècle.
Rightshttp://purl.org/coar/access_right/c_abf2

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