INTRODUCTION : La présente étude s'intéresse aux besoins des hommes subissant de la violence conjugale dans le cadre de relations hétérosexuelles en termes d'aide et de soutien. Bien que ce sujet demeure controversé, les victimes masculines existent et les conséquences rapportées au sein de la littérature sont suffisamment importantes pour justifier de s'y attarder. De plus, alors qu'ils sont reconnus comme clientèle particulière dans la principale politique québécoise en matière de violence conjugale depuis 1995, aucune étude en contexte québécois ne s'est encore intéressée à leur vécu.
OBJECTIFS : En s'appuyant sur un cadre conceptuel alliant les études de besoins en sciences sociales, les études sur les hommes et les masculinités et la victimologie, la présente recherche vise à faire ressortir les enjeux relatifs à la perception des besoins et à leur expression chez les hommes hétérosexuels subissant de la violence conjugale en se basant sur leurs expériences ainsi que sur celles de professionnels susceptibles d'intervenir auprès d'eux. De manière plus spécifique cette recherche esquisse un portrait du vécu de la violence subie par les hommes (le problème), illustre en quoi les hommes se perçoivent ou non comme victimes de leur conjointe (les besoins perçus), examine les réactions des hommes à la violence subie et analyse les éléments qui favorisent ou font obstacle au dévoilement et à la dénonciation des violences (les besoins exprimés).
MÉTHODOLOGIE : La recherche adopte une perspective qualitative. Un total de 13 hommes s'identifiant comme ayant subi de la violence conjugale de la part de leur conjointe ou ex-conjointe ainsi que 11 professionnels (4 intervenants de ressources spécialisées pour hommes, 4 intervenant.e.s du réseau de la Santé et des Services sociaux, 3 policières) ont été interrogés dans le cadre d'entretiens semi-dirigés. Les répondants ont été recrutés par le biais d'annonces au sein d'organismes communautaires québécois, par une communication auprès des membres d'un ordre professionnel et grâce à une demande de collaboration auprès d'un corps policier. Les propos des répondants ont été retranscrits intégralement et analysés par thèmes au moyen d'un logiciel d'analyse qualitative.
RÉSULTATS : Principalement, les hommes subissent une violence psychologique qui affecte leur santé mentale mais également un contrôle relationnel et des abus financiers qui peuvent instaurer une dynamique de pouvoir à l'avantage de la conjointe au sein de la relation. Bien qu'elle cause peu de blessures, la violence subie entraîne des conséquences importantes, surtout au niveau psychique, affectif et relationnel mais également au niveau financier, légal et professionnel. Les hommes subissant de la violence se voient difficilement comme victimes en raison de stratégies de normalisation des abus, d'éléments liées à la socialisation masculine et d'une identification plus facile au rôle d'agresseur. Plusieurs ont besoin d'un regard extérieur, principalement de la part d'intervenants sociaux, pour voir leur victimisation. Concernant leurs réactions à la violence subie, la majorité des hommes optent d'abord pour endurer les agressions. Toutefois, après un temps, certains vont agir de la résistance violente ; réaction qui a le potentiel de devenir de la violence bidirectionnelle. Les hommes subissant de la violence sont également peu enclins à quitter la relation violente, que ce soit parce que celle-ci est importante pour eux, qu'ils s'en sentent prisonniers, qu'ils veulent protéger leurs enfants ou craignent une amplification de la violence post-séparation. Les hommes vont quitter la relation violente principalement lorsqu'ils acquièrent la conviction que les coûts associés à demeurer dans la relation outrepassent ceux qu'ils anticipent s'ils quittent. Finalement, les hommes dévoilent peu la violence subie parce qu'ils ne veulent pas inquiéter leurs proches ou parce qu'ils ne veulent pas nuire à la réputation de leur conjointe. Cet argument est également un des motifs principaux pour lesquels les hommes ne portent pas plainte à la police.
CONCLUSION : La très grande visibilité de la violence faite aux femmes, la socialisation masculine ainsi que les normes de genre font en sorte qu'il est difficile pour les hommes subissant de la violence conjugale et pour les professionnels susceptibles d'intervenir auprès d'eux de voir leur victimisation. Pour que les hommes en prennent conscience et puissent agir sur leur situation, ils ont besoin d'être accueillis et crus, d'être aidés et soutenus et d'être protégés. / INTRODUCTION: The present study focuses on the help and support needs of men experiencing intimate partner violence in heterosexual relationships. Although the subject remains controversial, male victims do exist, and the consequences reported in the literature are significant enough to warrant attention. What's more, while they have been recognized as a special clientele in Quebec's main domestic violence policy since 1995, no study in the Quebec context has yet focused on their experiences.
OBJECTIVES: Using a conceptual framework combining social sciences needs assessment studies, men's studies and victimology, this research aims to highlight the issues surrounding the perception of needs and their expression among heterosexual men experiencing domestic violence, based on their experiences as well as those of professionals who can potentially intervene with them. More specifically, this research sketches a portrait of men's experience of violence (the problem), illustrates how men do or do not perceive themselves as victims of their partner (perceived needs), examines men's reactions to the violence they have experienced, and analyses the factors that promote or hinder the disclosure and denunciation of violence (expressed needs).
METHODOLOGY: The research adopts a qualitative perspective. A total of 13 men who identified themselves as having experienced domestic violence at the hands of their partner or ex-partner, as well as 11 professionals (4 men's ressources workers, 4 health and social services workers, 3 policewomen) were interviewed through semi-structured interviews. Respondents were recruited through advertisements in community organizations, by contacting members of a professional order, and through a request for collaboration from a police force. Respondent's discourses were fully transcribed and analysed thematically using qualitative analysis software.
RESULTS: Mostly, men suffer psychological violence that affects their mental health, but also relational control and financial abuse that can create a power dynamic in the relationship to the female partner's advantage. Although it causes few injuries, the sustained violence has significant consequences, especially at the psychological, emotional and relational levels, but also at the financial, legal and professional levels. Men who suffer violence have difficulty seeing themselves as victims, because of their use of strategies normalizing the abuse, some elements linked to male socialization and easier identification to the role of aggressor. Many need an outside perspective, mainly from social workers, to see their victimization. As for their reactions to the violence they have experienced, the majority of men initially opt to endure the aggression. However, after a while, some will act in violent resistance, a reaction that has the potential to become bi-directional violence. Men who experience violence are also reluctant to leave the abusive relationship, whether because the relationship is important to them, because they feel trapped in it, because they want to protect their children, or because they fear an amplification of the violence in a post-separation context. Men will leave the abusive relationship mainly when they become convinced that the costs of remaining in the relationship outweigh those they anticipate if they leave. Finally, men disclose little of the violence they have suffered because they don't want to worry their loved ones, or because they don't want to damage their partner's reputation. This argument in also one of the main reasons why men do not report violence to police.
CONCLUSION: The high visibility of violence against women, male socialization and gender norms make it difficult for men who suffer domestic violence, and for the professionals who work with them, to see their victimization. For men to become aware of their situation and take action, they need to be welcomed and believed, helped and supported and protected.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/147567 |
Date | 05 August 2024 |
Creators | Couto, Eric |
Contributors | Brodeur, Normand, Rossi, Catherine |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (x, 249 pages), application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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