La cognition incarnée est un courant théorique qui considère que l'esprit doit être compris dans le contexte de son corps, et de l'interaction de ce dernier avec l'environnement. Elle s'est construite en réaction à l'approche cognitiviste classique qui voit la cognition dite « centrale » (mémoire, raisonnement, compréhension...) comme un système de traitement de l'information de symboles amodaux, indépendant des systèmes sensorimoteurs. S'opposant à cette vision, la cognition incarnée soutient notamment que 1/ la cognition aurait pour fonction de guider l'action 2/ elle serait ancrée dans les systèmes sensorimoteurs, c'est-à-dire qu'elle aurait des ressources de traitement en commun avec eux plutôt que d'en être indépendante. Depuis les années 80, les travaux s'inscrivant dans cette approche sont chaque année plus nombreux. Pourtant, la cognition spatiale envisagée selon cette perspective reste encore un domaine peu exploré. L'objectif de la revue de littérature présentée dans cette thèse est de montrer que différentes sources d'informations des représentations spatiales, la perception, la mémoire, et le langage, sont incarnées. Si leurs sources sont incarnées, alors il y a de bonnes raisons de penser que les représentations spatiales le sont aussi. Nous rapportons ensuite quelques éléments suggérant que les représentations spatiales pourraient être incarnées. Notre travail expérimental a eu pour objectif de montrer que la mémoire d'objets pouvant constituer une base à la formation d'une représentation spatiale est incarnée, dans le sens où elle aurait pour fonction de guider l'action, et qu'elle est ancrée dans les systèmes sensorimoteurs. A cette fin, nous avons réalisé plusieurs études explorant, au travers de postures réduisant les possibilités d'action, le rôle du système moteur dans la mémoire (Expériences 1 à 11), le langage (Expériences 9a à 10), et les représentations spatiales (Expériences 10 et 11). Les Expériences 1 à 8 ont montré dans l'ensemble qu'une posture contraignante a un effet négatif sur la mémoire d'images ou de noms d'objets manipulables, mais pas sur la mémoire des objets-non-manipulables (effet PI). Les Expériences 9a et 9b ont utilisé des phrases et ont montré que l'effet de la posture sur la mémoire de noms d'objets manipulables est présent lorsqu'il est associé à un verbe impliquant une action, mais pas lorsqu'il est associé à un verbe n'impliquant pas d'action. Les Expériences 10 et 11 ont utilisé respectivement des descriptions spatiales et des environnements virtuels, et ont montré nouvellement que des objets décrits ou présentés à une distance ne permettant par leur atteinte manuelle sont moins bien mémorisés que ceux situés à une distance proche. Après avoir discuté de ces résultats, nous proposerons notre conception des modèles de situations spatiaux incarnés. / The embodied cognition framework claims that the mind must be understood in the context of its relationship to a physical body that interacts with the world. It has been developed in response to the classical cognitivist approach, which regards the so-called « central » cognition (memory, reasoning, comprehension...) as an amodal symbols processing system, independent from the sensorimotor systems. Contrary to this idea, embodied cognition claims in particular that 1/ cognition is for action 2/ cognition is grounded on sensorimotor systems, that is, it shares processing resources with sensorimotor systems, rather than being independent from them. Since the 1980s, the amount of work within this framework is growing each year. Yet, there are still few researches on spatial cognition with this approach. The aim of the state of art of this thesis is to show that several sources of information of spatial representations, such as perception, memory, and language, are embodied. If their sources are embodied, then it is likely that spatial representations are also embodied. We will report then some direct elements in favor of the embodiment of spatial representations. The aim of our empirical work was to show that the memory of objects, which can potentially be part of a spatial representation, is embodied in the sense that it is for action, and that it is grounded on sensorimotor systems. To fulfill this aim, a body of studies has been run in order to explore, by the mean of postures decreasing the possibilities for action, the role of the motor system in memory (Experiment 1 to 11), language (Experiment 9a to 10), and spatial representations (Experiment 10 and 11). Experiments 1 to 8 showed as a whole that a constraining posture has a negative effect on the memory of manipulable objects, but not on non-manipulable objects (PI effect). Experiments 9a and 9b used sentences. They showed an effect of posture on the memory of manipulable objects only when their name is associated with a verb which involves an action, but not when it is associated with a verb which does not involve an action. Experiments 10 and 11 used respectively spatial descriptions and virtual environments, and newly showed that the objects described or presented out of reach are less recalled than those located at a close distance. After a discussion of these results, we will propose our conception of embodied spatial situation models.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016USPCB233 |
Date | 30 November 2016 |
Creators | Dutriaux, Léo |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Gyselinck, Valérie, Piolino, Pascale |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0025 seconds