Le panorama du Traitement Automatique des Langues est dominé par deux familles d'approches~: dans la première, la connaissance linguistique s'exprime sous forme de règles (grammaticales pour le traitement syntaxique, d'inférence pour le traitement sémantique, etc.), et de représentations sur lesquelles ces règles opèrent. La deuxième repose sur l'hypothèse d'un modèle probabiliste sous-jacent aux données, modèle dont les paramètres s'infèrent à partir de corpus de données linguistiques annotées. Ces deux familles de méthodes, bien qu'efficaces pour nombre d'applications, présentent de sérieuses limitations. Pour la première, il s'agit de la difficulté et du coût de construction des bases de connaissances de haute qualité~: les experts sont rares et la connaissance accumulée sur un domaine $X$ ne se transporte pas toujours simplement sur un autre domaine $Y$. Les méthodes probabilistes, quant à elles, ne traitent pas naturellement les objets fortement structurés, ne prévoient pas d'inclusion de connaissances linguistiques explicites, et surtout, reposent lourdement sur le choix a priori d'un certain modèle, puisqu'utilisant principalement des techniques de statistiques paramétriques.<br /><br />Dans le cadre d'un apprentissage automatique de données linguistiques, des modèles inférentiels alternatifs ont alors été proposés qui remettent en cause le principe d'abstraction opéré par les règles ou les modèles probabilistes. Selon cette conception, la connaissance linguistique reste implicitement représentée dans le corpus accumulé. Dans le domaine de l'Apprentissage Automatique, les méthodes suivant les même principes sont regroupées sous l'appellation d'apprentissage \og{}paresseux\fg{}. Ces méthodes reposent généralement sur le biais d'apprentissage suivant~: si un objet $Y$ est \og{}proche\fg{} d'un objet $X$, alors son analyse $f(Y)$ est un bon candidat pour $f(X)$. Alors que l'hypothèse invoquée se justifie pour les applications usuellement traitées en Apprentissage Automatique, la nature structurée et l'organisation paradigmatique des données linguistiques suggèrent une approche légèrement différente. Pour rendre compte de cette particularité, nous étudions un modèle reposant sur la notion de \og{}proportion analogique\fg{}. Dans ce modèle, l'analyse $f(T)$ d'un nouvel objet $T$ s'opère par identification d'une proportion analogique avec des objets $X$, $Y$ et $Z$ déjà connus. L'hypothèse analogique postule ainsi que si \lana{X}{Y}{Z}{T}, alors \lana{$f(X)$}{$f(Y)$}{$f(Z)$}{$f(T)$}. Pour inférer $f(T)$ à partir des $f(X)$, $f(Y)$, $f(Z)$ déjà connus, on résout l'\og{}équation analogique\fg{} d'inconnue $I$~: \lana{$f(X)$}{$f(Y)$}{$f(Z)$}{$I$}.<br /><br /><br />Nous présentons, dans la première partie de ce travail, une étude de ce modèle de proportion analogique au regard d'un cadre plus général que nous qualifierons d'\og{}apprentissage par analogie\fg{}. Ce cadre s'instancie dans un certain nombre de contextes~: dans le domaine des sciences cognitives, il s'agit de raisonnement par analogie, faculté essentielle au c\oe{}ur de nombreux processus cognitifs~; dans le cadre de la linguistique traditionnelle, il fournit un support à un certain nombre de mécanismes tels que la création analogique, l'opposition ou la commutation~; dans le contexte de l'apprentissage automatique, il correspond à l'ensemble des méthodes d'apprentissage paresseux. Cette mise en perspective offre un éclairage sur la nature du modèle et les mécanismes sous-jacents.<br /><br />La deuxième partie de notre travail propose un cadre algébrique unifié, définissant la notion de proportion analogique. Partant d'un modèle de proportion analogique entre chaînes de symboles, éléments d'un monoïde libre, nous présentons une extension au cas plus général des semigroupes. Cette généralisation conduit directement à une définition valide pour tous les ensembles dérivant de la structure de semigroupe, permettant ainsi la modélisation des proportions analogiques entre représentations courantes d'entités linguistiques telles que chaînes de symboles, arbres, structures de traits et langages finis. Des algorithmes adaptés au traitement des proportions analogiques entre de tels objets structurés sont présentés. Nous proposons également quelques directions pour enrichir le modèle, et permettre ainsi son utilisation dans des cas plus complexes.<br /><br /><br />Le modèle inférentiel étudié, motivé par des besoins en Traitement Automatique des Langues, est ensuite explicitement interprété comme une méthode d'Apprentissage Automatique. Cette formalisation a permis de mettre en évidence plusieurs de ses éléments caractéristiques. Une particularité notable du modèle réside dans sa capacité à traiter des objets structurés, aussi bien en entrée qu'en sortie, alors que la tâche classique de classification suppose en général un espace de sortie constitué d'un ensemble fini de classes. Nous montrons ensuite comment exprimer le biais d'apprentissage de la méthode à l'aide de l'introduction de la notion d'extension analogique. Enfin, nous concluons par la présentation de résultats expérimentaux issus de l'application de notre modèle à plusieurs tâches de Traitement Automatique des Langues~: transcription orthographique/phonétique, analyse flexionnelle et analyse dérivationnelle.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00145147 |
Date | 04 November 2005 |
Creators | Stroppa, Nicolas |
Publisher | Télécom ParisTech |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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