La biosurveillance humaine consiste en des mesures de produits chimiques ou de leurs métabolites dans des liquides biologiques. Ces données biologiques sont souvent interprétées en les comparant à des valeurs dites bio-équivalentes aux valeurs toxicologiques de référence (VTR) qui ont été pour la plupart définies grâce à l’utilisation de modèles animaux dans un contexte de simple exposition chimique. Pourtant, elles peuvent résulter de co-expositions multivoies (cas des composés organiques volatils (COVs)) pouvant donner lieu à des interactions toxicocinétiques chez humain. Des approches de modélisation toxicocinétique à base physiologique (TCBP) ont été conçues pour étudier ces interactions. Mais, leur impact sur la variabilité interindividuelle (VI) de la toxicocinétique des substances individuelles, et l’évaluation résultante du risque toxique des contaminants chimiques suite à une exposition multivoies, n’ont que peu ou pas été investigués. Par ailleurs, des études proposent une approche de reconstitution directe de l’exposition chimique externe à partir de mesures sanguines de COVs (composés parents) grâce à des modèles TCBP probabilistes, souvent construits pour des adultes de 70 kg, et des calculs de probabilité. C’est la dosimétrie inverse. Mais les incertitudes associées aux estimations d’exposition externe faites grâce à cette approche à partir de mesures biologiques ponctuelles collectées lors des enquêtes de santé n’ont presque pas été étudiées. La présente recherche doctorale vise à caractériser l’impact des co-expositions chimiques multivoies sur la variabilité interindividuelle de la toxicocinétique des COVs, en vue d’en tenir éventuellement compte dans la mise au point dans cette thèse d’approches appliquées de dosimétrie inverse.
Dans un premier temps, nous avons construit des modèles TCBP multivoies pour deux mélanges (benzène, toluène, éthylbenzène et m-xylène (BTEX) d’une part, et trichloroéthylène et chlorure de vinyle (TCE-CV) d’autre part) pour des sous-populations humaines d’âges différents (y compris une sous-population d’adultes). Ces modèles ont été couplés à des simulations de Monte Carlo pour explorer l’impact des co-expositions multivoies sur la VI de la toxicocinétique des substances individuelles en cas d’expositions ‘’faibles’’ ou ‘’élevées’’. Des index de variabilité (IV) ont été calculés comme étant le rapport du 95 ème centile de la distribution d’une dose interne chez les autres sous-populations étudiées au 50 ème centile de la même distribution chez les adultes. Dans un deuxième temps, nous avons raffiné l’approche existante de dosimétrie inverse en développant des modèles TCBP probabilistes d’inhalation pour des sous-populations canadiennes (d’âge, de poids corporel et de taille différents) dont les mesures sanguines de toluène ont été collectées lors du cycle 3 de l’enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS-3), en vue de reconstituer leur exposition externe correspondante. Enfin, nous avons développé une approche individuelle de dosimétrie inverse pour estimer l’exposition externe au toluène à partir des mesures urinaires d’un de ses métabolites (l’acide S-benzylmercapturique, ou en anglais : S-benzylmercapturic acid ou BMA) rapportées chez des individus Canadiens. Ici, deux techniques ont été testées pour cette estimation : estimer l’exposition au toluène à partir des mesures ponctuelles de BMA urinaire d’une journée complète obtenues chez chaque individu et estimer l’exposition à partir d’une mesure individuelle de BMA urinaire sur des urines de 24 h. L’approche individuelle nous a permis de proposer une méthode pour quantifier l’incertitude, c’est-à-dire l’erreur possible, sur les estimations d’exposition externe faites par dosimétrie inverse à partir des mesures ponctuelles provenant des enquêtes de santé. Cette étude doctorale a révélé que l’impact des co-expositions multivoies sur la VI toxicocinétique peut dépendre des composés des mélanges et du niveau d’exposition à ces substances. Par exemple, la variation obtenue sur les IVs basés sur la quantité de substance métabolisée par les CYP2E1 est d’environ -9 à -5 % et -38 à -33% pour le benzène respectivement pour les expositions ‘’faibles’’ et ‘’élevées’’ simulées au mélange. Pour le CV et le TCE, elle est respectivement de -17 à -13% et -20 à -11% pour les expositions ‘’élevées’’, et nulle pour les ‘’faibles’’ expositions au mélange. Les expositions au toluène dans l’air estimées par dosimétrie inverse dans cette thèse (médianes entre 0,004 et 0,01 ppm) sont bien en dessous des valeurs guides maximales recommandées par Santé Canada pour une exposition chronique et suggèrent une exposition via l’air intérieur. L’incertitude mentionnée plus haut, quant à elle, varie entre 15 et 23 % dans le cadre de nos travaux. La présente étude doctorale a contribué à améliorer l’évaluation du risque toxicologique des COVs. / Human biomonitoring consists in the measurements of chemicals or their metabolites in biological matrices. These biological data are often interpreted by comparison with so-called bio-equivalent values to the toxicological reference values (TRV) which have for the most part been defined through the use of animal models in a context of simple chemical exposure. However, biomonitoring data can result from multi-routes co-exposures to multiple chemical such as Volatile Organic Compounds (VOCs), which can give rise to toxicokinetic interactions in the human body. Physiologically-based pharmacokinetic (PBPK) modeling approaches have been developed to study these interactions. But, their impact on the interindividual variability (IV) of the toxicokinetics of individual substances, and the evaluation of the toxic risk of chemical contaminants, that may result from multi-routes exposure, have only been sparsely studied. Further, the scientific literature suggests an approach for the direct reconstruction of external chemical exposure from blood measurements of VOCs’ parent compounds. This is generally done for 70-kg adults by the use of appropriate PBPK models, combined with a probability calculation approach, in a process called “reverse dosimetry”. But the uncertainties associated with estimates of external exposure made using this approach from biological spot measurements collected during health surveys have hardly been studied. The current doctoral research aims to characterize the impact of multi-routes chemical co-exposures on the interindividual variability of toxicokinetics, in order to account it for in the development in this thesis of applied approaches of reverse dosimetry.
First, we built multi-routes probabilistic PBPK models for two mixtures (benzene, toluene, ethylbenzene and m-xylene (BTEX) on one hand, and trichloroethylene and vinyl chloride (TCE-VC) on the other hand) for human subpopulations of different ages (including one of adults). These models were coupled with Monte Carlo simulations in order to explore the impact of multi-routes co-exposures on the IV of the toxicokinetics of individual compounds at ‘low’ or ‘high’ exposures. Variability indices (VIs) were calculated as the ratio of the 95th percentile value of the distribution of an internal dose in the other subpopulations studied to the 50th percentile value of the same distribution in adults. In a second step, we refined the existing reverse dosimetry approach by developing probabilistic inhalation PBPK models for Canadian subpopulations (of different age, body weight and size) whose blood toluene measurements were collected during the third cycle of Canadian Health Measures Survey (CHMS-3), in order to reconstruct their corresponding external exposure. Finally, we have developed an individual reverse dosimetry approach to estimate external exposure to toluene from urinary measurements of one of its metabolites (S-benzylmercapturic acid or BMA) reported in Canadian individuals. Two techniques were tested here for this estimation: estimating toluene exposure from spot measurements of urinary BMA of a full day obtained in each individual and estimating exposure from an individual measurement of urinary BMA performed on 24-h urines. The individual approach allowed us to propose a method to quantify the uncertainty, that means the possible error, on the estimates of external exposure made by reverse dosimetry from spot measurements from health surveys. This doctoral study revealed that the impact of multi-routes co-exposures on IV of toxicokinetics may depend on the compounds in the mixtures and the level of exposure to these substances. For example, the variation obtained on the amount of substance metabolized by CYP2E1-based VIs based is about -9 to -5% and -38 to -33% for benzene respectively for 'low' and 'high' exposures simulated to the mixture. For VC and TCE, it is respectively about -17 to -13% and -20 to -11% for "high" exposures, and zero for "low" exposures to the mixture. The exposures to toluene in air estimated by reverse dosimetry in this thesis (median between 0.004 and 0.01 ppm) are well below the maximum guideline values recommended by Health Canada for chronic exposure and suggest an exposure of Canadian studied via indoor air. The uncertainty mentioned above varies between 15 and 23% in the context of our work. The present doctoral study has contributed to improving the assessment of the toxicological risk of VOCs.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/25001 |
Date | 04 1900 |
Creators | Tohon, Honesty G. |
Contributors | Haddad, Sami, Valcke, Mathieu |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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