Cette thèse interroge l’usage de la contention forte lors des soins en pédiatrie. Cette problématique soulève des questions philosophiques et éthiques qui s’inscrivent dans des pratiques quotidiennes de soins. Pourtant cette pratique, à laquelle se confronte fréquemment les soignants est relativement peu interrogée, voire banalisée.En effet, l’enfant effrayé ou douloureux peut se débattre et s’agiter au décours du soin et il arrive que plusieurs adultes le maintiennent pour poursuivre le geste. Un rapport de force s’installe alors entre soignants et enfant. Dans certains cas, la contrainte physique de l’enfant lors du soin s’apparente littéralement à de la violence. Le passage de l’usage légitime de la force à la violence illégitime n’est pas systématiquement identifié.Par ailleurs le fait de contraindre l’enfant de force confronte l’infirmier à un paradoxe : celui de faire mal à l’enfant pour son bien. Cela complique la perception de l’illégitimité de certaines contentions.Difficile voire impossible de renoncer à faire le soin et pourtant regrettable d’user de la contention forte à l’encontre d’un enfant malade. Une étude qualitative ancillaire à la réflexion philosophique été menée auprès de soignants de pédiatrie. L’objectif était d’interroger cette question du point de vue des soignants pour comprendre comment l’usage de la contention lors d’un soin en pédiatrie pouvait se transformer en un usage illégitime de la force. Les résultats de cette étude ont montré que la contention était une pratique laborieuse, source de malaise mais le plus souvent vécue comme inévitable et influencée par les habitudes de l’équipe d’appartenance. (Ces résultats sont en annexe de la thèse) Le « bien de l’enfant » justifiait le recours à la force. On assistait à une hiérarchisation déontologique où la réalisation du geste technique subordonne le respect du rythme de l’enfant. L’analyse de la parole des soignants a mis en évidence : empathie et attention des soignants à l’égard de l’enfant mais à l’évocation de la contention l’enfant disparaissait du discours. Un peu comme si l’enfant disparaissait du « radar émotionnel » du soignant, le temps de la contention. Le concept de « cécité empathique transitoire » a été proposé pour caractériser le phénomène qui se produit lors d’une contention forte.La thèse explore les raisons qui conduisent les adultes qui soignent à disqualifier le refus de l’enfant en proposant une forme de réhabilitation de la parole de celui-ci. Le travail s’organise autour de développement des regards et des points de vue qui tantôt masquent tantôt rendent visibles une partie de la réalité : celle de l’enfant et celle du soignant. Les soignants sont tels les prisonniers de la caverne, otages de leurs illusions. L’espoir de maitriser l’inconstance de l’existence par la grâce de la biotechnologie semble les contraindre à sacrifier leur propre subjectivité. L’arraisonnement de l’enfant mais aussi du soignant à la technique est au cœur du débat qui émerge de la réflexion. Au fil du travail, émerge l’idée d’un entre-deux des différences, qui pourrait être un nouvel espace conceptuel où les différences entre l’enfant et les soignants se rassemblent dans l’espace de la contingence. Cet entre-deux ouvre sur de nouveaux possibles, invite à devenir prudent. La prudence aristotélicienne comme disposition pratique apporte de nouvelles perspectives à cette problématique. L’invitation à la délibération dans les soins ouvre sur une proposition concrète de déploiement de la notion de care appliquée plus spécifiquement au champ de la pédiatrie. / From transitional empathic blindness to caution during care. About physical restraint during nursing care in pediatric wardsThis thesis questions the use of strong physical restraint during pediatric care. The issue raises philosophical and ethical questions falling within daily practices of nursing acts. However, this custom to which nurses are frequently exposed is rather seldom questioned or is routinized.A child who is scared or in pain can struggle or jitter during the care and it happens that serval adults retrain the child in order to finish the treatment. It is a real power struggle between the nurses and the child. Sometimes, the child’s physical restraint is similar to violence. The step from using reasonable strength to using unfounded violence is not automatically identified.Moreover, the nurse restraining a child strongly faces a paradox: hurting a child for his wellbeing. This complicates the perception of the illegitimacy of some restraints.It is difficult if not impossible to forgo the treatment, but it is nevertheless unfortunate to use physical restraint on a sick child. A qualitative research backed by a philosophical reflection has been conducted among pediatric nurses. The aim was to probe the issue from the nurses’ point of view in order to understand how the use of physical restraint during a treatment in pediatric wards could lead to the use of unfounded strength. The result of the research highlighted that restraint was an unpleasant, cumbersome practice, but that it was often experienced as unavoidable and governed by the team’s habits. (The results of the research can be found in appendix) The “child’s wellbeing” justified the use of strength, like a kind of ethical prioritization, where achieving the technical act subordinated the respect of the child’s rhythm. Analyzing the nurses’ comments highlighted their empathy and attention to the child, but when talking about restraint, the child was no longer mentioned. It seemed the child disappeared from the nurse’s “emotional radar” during a physical restraint. The idea of “transitional empathy blindness” was suggested to characterize the phenomenon occurring during a strong physical restraint.The thesis also explores the reasons leading the adults in charge of the care to disqualify the child’s refusal by offering a means to resume the dialog with the child. The work is structured around the evolution of the attitudes and opinions that sometimes conceal the child’s and the nurse’s reality and sometimes make it visible. Nurses are like prisoners in a cave, hostages of their own illusions. The hope of mastering the fickleness of life thanks to biotechnology seems to force them to sacrifice their own subjectivity. Trying to subjugate the child but also the nurse to the technical act is food for thought. Throughout the work, the idea of an in-between differences stands out. It could lead to a new concept where the differences between the child and the nurses could meet in case of contingency. This in-between opens new possibilities and encourages caution. As practical measure, Aristotle’s principle of caution develops a new insight regarding this issue. The possibility of discussing nursing practices leads to a concrete proposal to spread the notion of care more specifically in the field of pediatrics.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016PESC0054 |
Date | 02 February 2016 |
Creators | Lombart, Bénédicte |
Contributors | Paris Est, Fiat, Éric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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