Les interactions entre espèces sont un moteur d'évolution. Nous montrons ici quels sont les traits morphologiques et biochimiques du trolle d'Europe qui ont évolué au cours de sa spécialisation (Trollius europaeus) vis-à-vis des mouches pollinisatrices et prédatrices de graines (Chiastocheta spp.). La forme globulaire de la fleur est décisive dans l'attraction spécifique des chiastochètes. En comparaison avec une forme artificiellement ouverte, les fleurs globulaires, bien que souffrant plus de la prédation produisent plus de graines (4%), mais surtout elles exportent plus de pollen (85%). Un modèle de dynamique adaptative montre que l'évolution de la forme globulaire requiert non seulement une efficacité minimale de la pollinisation par les chiastochètes, par rapport à des pollinisateurs alternatifs qui ne consomment pas de graines, mais également une efficacité maximale : si les chiastochètes sont « trop » efficaces, en attirer beaucoup plutôt que quelques uns ne confère pas d'avantage. L'attraction des pollinisateurs se fait également par des signaux olfactifs. Plusieurs composés volatils émis par le trolle déclenchent une réponse électrophysiologique chez les chiastochètes (methyl salicylate, Z-jasmone, b-caryophyllene, germacrene D, E,E-a-farnesene, linalool). Des observations de visites de chiastochètes en conditions naturelles ont montré que la variabilité des composés volatils présents dans les fleurs expliquait une part de la variabilité des visites reçues par ces fleurs, en comparaison avec des traits morphologiques et pigmentaires. Les interactions entre une plante et des prédateurs de graines sont conflictuelles : la plante à intérêt à soustraire les graines de l'appétit des larves. Un glycoside du flavonoïde lutéoline, l'adonivernith, s'accumule dans les parois des carpelles lorsque les dégâts causés par les larves augmentent, avec comme conséquence une baisse de l'intensité de prédation. Les six espèces du genre Chiastocheta étudiées induisent et réagissent différemment à l'adonivernith, cette molécule pourrait donc être impliquée dans la radiation sympatrique du genre. Les traits impliqués dans la spécialisation du trolle sur les chiastochètes sont donc à la fois mutualistes (morphologie globulaire et composés volatils de la fleur) et antagonistes (défense chimique contre les larves). Les contradictions de cette mosaïque de traits sont un moteur d'évolution.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00408744 |
Date | 28 May 2009 |
Creators | Ibanez, Sébastien |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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