Compte tenu de l'importance de l'antinomie esclavage/liberté dans la pensée des Grecs et des Romains à l'époque classique, la participation de quelques hommes libres aux mouvements dirigés par des esclaves révoltés renvoie à un problème complexe. Les esclaves-marchandises, définis comme « choses », étaient représentés comme des étrangers, comme les « autres » contre lesquels tous les citoyens (autant les riches propriétaires d'esclaves que les pauvres paysans et artisans) se sont définis eux-mêmes comme unité. La dichotomie esclave/citoyen servait à nuancer d'un point de vue idéologique les rapports d'exploitation et les différences de richesse entre les citoyens. Malgré les différences juridiques, politiques, idéologiques et sociales qui séparaient les hommes libres des esclaves, les sources narratives nous disent que certains hommes libres n'ont pas réprimé les esclaves rebelles comme ils auraient dû le faire en solidarité avec les riches, mais ont participé, au contraire, au pillage des biens de ces derniers ou se sont joints aux esclaves dans les révoltes. Dans ce travail nous étudions la participation de quelques hommes libres et pauvres (aporoi) aux guerres serviles sous la République romaine et leur relation avec les esclaves révoltés, problématique parfois négligée par l'historiographie. Face au courant historiographique qui néglige la participation des libres et celui qui la surestime, nous revalorisons une ligne de recherche qui atteste le caractère servile des insurrections (puisqu'il semble que le rôle principal de ces révoltes ait été tenu par les esclaves, tant du point de vue qualitatif que quantitatif) en affirmant parallèlement que la participation des hommes libres en fut un élément important. Nous croyons que cette lecture est la plus fidèle aux témoignages de nos sources et que nous apportons quelques éléments pour la repenser en abordant son étude dans le cadre de l'imaginaire démocratique classique qui tendait à encourager la solidarité citoyenne face à la menace servile, en analysant chaque révolte séparément afin d'évaluer la relation établie entre les couches inférieures de la société et en dégageant la participation des aporoi par leur révolte parallèle ou par leur intégration dans les rangs rebelles comme des symptômes des fortes tensions civiles à l'intérieur du corps citoyen que nous définissons en termes de staseis (discordes civiles) dont les révoltes serviles se sont nourries. C'est pourquoi nous croyons que la participation des aporoi fut au moins un facteur parmi d'autres favorisant les insurrections serviles. Dans le cas de la première guerre sicilienne et dans celui de la guerre des gladiateurs, nous soutenons l'idée de l'existence d'une alliance conjoncturelle entre les esclaves révoltés et les aporoi. En revanche, dans le cas de la seconde guerre servile, nous défendons l'interprétation selon laquelle les libres pauvres ont profité de l'occasion pour piller les propriétés des riches. Notre analyse vise à nuancer les visions théoriques les plus inflexibles qui en fonction de l'importance des barrières juridiques et idéologiques entre les hommes libres et les esclaves affirment l'absolue incommunicabilité entre les deux groupes. Il y eu des exceptions, comme par exemple dans les guerres serviles où un secteur des masses plébéiennes et libres a ignoré les constructions idéologiques qui représentaient les esclaves comme leur strict contraire. / The participation of free men in the movements led by rebellious slaves sets a complex problem in terms of the importance of the freedom/slavery antinomy in the thinking of the ancient Greeks and Romans. The chattel-slaves, defined as things, were represented as foreigners. The slaves served as the ‘Others’ against which all citizens, from the rich slave owners to the poor artisans and peasants, defined themselves as a unity. The contrast between the slave and the citizen made it possible to shade, from an ideological point of view, the relations of exploitation and the differences of wealth between the citizens. This tended to suppress the social conflict between them. Despite the significant legal and political differences between the free and the enslaved, and the ideological representation that was made of it, the sources narrate that some free men not only did not repress the rebel slaves in the great servile revolts, in solidarity with their rich fellow citizens, but they plundered these last ones or joined the fugitives. In the present work, we study the participation of impoverished free men (aporoi) in the late-republican servile wars and the relationship they established with the rebel slaves, a problem that has sometimes been neglected by the historiography or only partially treated. Some historiographical currents neglected the participation of the aporoi in the servile wars, and others overestimate it. In opposition, we revalue a line of investigation that, on the one hand, maintains the servile nature of the insurrections, since, the main role was apparently of the rebel slaves, but on the other hand affirms that the participation of free men was an important element. We believe that this point of view is the most appropriate for the testimonies of the sources and we contribute elements to rethink it. Those elements include: to focus the study within the framework of the classic democratic imaginary that will tend to promote the citizen solidarity facing the servile threat; to analyse each revolt individually to evaluate the relationship between the subaltern sectors; and understand the participation of the aporoi, either its parallel rebellion or its inflow to the rebel ranks, as the symptom of tensions within the citizen body that can be defined in terms of stáseis (civil discords), of which the servile revolts nurtured from the beginning. Therefore, the participation of the aporoi is a factor, among others, that helped the growth of the servile revolts. In the case of the first Sicilian revoit and the revoit of Spartacus, we maintain the existence of a conjunctural alliance between the rebellious slaves and the aporoi .In contrast, in the second Sicilian revoit, we defend the interpretative line that supports the idea that there was no relationship between the two groups, but rather two parallel revolts: the free poor simply took advantage of the opportunity in the servile revoit to plunder the properties of the rich. Our work attempts to nuance the most rigid theoretical views that affirm the absolute incommunicability between plebeians and slaves. There were occasions, albeit unusual, where the abyss that separated the free man from the slave did not seem to be so great, at least not to the aporoi, who ignored the imaginary that pitted them against the dishonored social dead. The servile wars were one of those cases.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018UBFCC011 |
Date | 30 May 2018 |
Creators | Piantanida, Fernando Martín |
Contributors | Bourgogne Franche-Comté, Universidad de Buenos Aires. Facultad de filosofía y letras, Gonzales, Antonio, García Mac Gaw, Carlos |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French, Spanish |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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