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Calcul multi-échelle de singularités et applications en mécanique de la rupture

Un enjeu majeur de mécanique de la rupture est de modéliser l'initiation d'une fissure dans une structure saine. Il y a deux difficultés: la première est de proposer une loi capable de prédire la nucléation, la seconde est d'ordre purement numérique. En ce qui concerne ce deuxième point, il est en effet difficile de calculer avec une bonne précision toute quantité comme le taux de restitution d'énergie associée à une fissure de faible longueur qui apparaît en fond d'entaille. La méthode des éléments finis classique conduit à des résultats inexacts en raison de la superposition de deux singularités (l'une due à l'entaille, l'autre à la pointe de la fissure) qui ne peuvent être correctement capturées par cette méthode. Une méthode spécifique d'approximation basée sur des développements asymptotiques est préférable comment il a déjà été constaté dans des situations analogues présentant des défauts localisés. Le premier chapitre de la thèse est consacré à la présentation de cette méthode asymptotique dite Méthode des Développements Asymptotiques Raccordés (MAM) dans le cas d'un défaut (ce qui inclut le cas d'une fissure) situé à l'extrémité d'une entaille. Cette première étude est faite dans le cadre simplifié de l'élasticité linéaire antiplane avant d'être étendue à l'élasticité plane dans le troisième chapitre. Un objectif majeur est d'utiliser cette méthode asymptotique pour prédire la nucléation ou la propagation d'une fissure à proximité d'un point singulier. Le deuxième chapitre de la thèse sera consacré à cette tâche. Cela nécessite, bien sûr, de lever la première difficulté en proposant un critère de nucléation physiquement raisonnable. Cette délicate question n'a pas reçu de réponse définitive à l'heure actuelle et a été considérée pendant longtemps comme un problème qui ne pouvait être résolu dans le cadre de la théorie de Griffith. La principale raison invoquée est que le taux de restitution de l'énergie dû à une petite fissure tend vers zéro lorsque la longueur de la fissure tend vers zéro. Par conséquent, si l'on suit le critère de Griffith qui stipule que la fissure peut se propager que lorsque le taux de libération d'énergie atteint une valeur caractéristique du matériau, il n'y a pas de nucléation possible. Ce "défaut" de la théorie de Griffith fut l'une des motivations qui conduit Francfort et Marigo à remplacer le critère de Griffith par un principe de minimisation de l'énergie. Il s'avère que ce principe de minimum global de l'énergie est vraiment en mesure de prédire la nucléation des fissures dans un corps sain. Cependant, la nucléation est nécessairement brutale dans le sens où une fissure de longueur finie apparaît brutalement à une charge critique et de plus il faut que le système franchisse une barrière d'énergie qui peut être d'autant plus haute que le minimum est "loin". Une autre façon de rendre compte de la nucléation de fissures est de quitter le cadre de la théorie de Griffith en introduisant le concept de forces cohésives. L'intérêt d'une telle approche est qu'elle contient automatiquement la notion de contrainte critique qui permet de régir naturellement la nucléation sans passer par le principe de minimisation globale de l'énergie. En résumé, nous proposons de traiter le problème de la nucléation d'une fissure à la pointe d'une entaille de trois façons et de comparer les trois critères correspondants. L'un de nos objectifs est aussi d'utiliser la MAM pour obtenir des expressions semi-analytiques pour la charge critique à partir de laquelle une fissure apparaît ainsi que la longueur de la fissure une fois nucléée. De façon précise, la thèse est organisée comme suit. Le chapitre 1 est consacré à la description de la MAM sur un problème générique d'élasticité linéaire antiplane où la structure contient un défaut situé au voisinage de la pointe d'une entaille. Nous avons d'abord décomposé la solution en deux développements: l'un, le développement extérieur, valable assez loin de la pointe de l'entaille, l'autre, le développement intérieur, valable au voisinage de la pointe de l'entaille. Ces développements contiennent une séquence de termes "intérieurs" et "exterieurs" qui sont solutions de problèmes "intérieurs" et "extérieurs" reliés les uns aux autres par des conditions de raccord. En outre, chaque terme contient une partie régulière et une partie singulière. Nous expliquons ensuite comment tous les termes et les coefficients qui entrent dans les parties singulières et régulières sont déterminés séquentiellement. Le chapitre se termine par un exemple où la solution exacte est connue et peut donc être développée directement avant d'être comparée à celle fournie par la MAM. Dans le chapitre 2, laMAMest appliquée au cas où le défaut est une fissure. Le premier objectif est de calculer avec une bonne précision le taux de restitution d'énergie associée à une fissure non cohésive de faible longueur située près de la pointe de l'entaille. En effet, il s'agit d'un véritable problème dans le cas où l'entaille n'est elle-même pas une fissure parce que le taux de restitution d'énergie est voisin de 0 lorsque la longueur de la fissure nucléée est voisine de 0, puis augmente rapidement avec la longueur de la fissure avant d'atteindre un maximum pour finalement redécroître. On explique d'abord comment le taux de restitution d'énergie est calculé par la Méthode des Elémenst Finis et pourquoi les résultats numériques sont moins précis lorsque la longueur de la fissure est faible. Ensuite, on utilise la MAM pour calculer le taux de restitution d'énergie pour les petites valeurs de la longueur de la fissure et on montre, comme il était prévu, que plus la taille de la fissure est petite, plus le résultat fourni par la MAM à un ordre donné est précis. Il s'avère même que l'on peut obtenir des résultats très précis en calculant seulement un petit nombre de termes. Nous discutons aussi de l'influence de l'angle de l'entaille sur l'exactitude des résultats. Cet angle joue un rôle important dans le processus de nucléation (parce que, en particulier, la longueur à partir de laquelle le maximum du taux de restitution d'énergie est atteinte dépend de l'angle de l'entaille). Lorsque l'angle de l'entaille est suffisamment grand, il suffit de calculer les deux premiers termes non triviaux du développement du taux de restitution d'énergie pour obtenir avec une très bonne précision la dépendance du taux de restitution d'énergie avec la longueur de fissure. Nous considérons ensuite le cas des fissures cohésives en introduisant le modèle de forces cohésives de Dugdale. En combinant la MAM avec la méthode G , nous obtenons un système de deux équations non linéaires couplées régissant l'évolution des longueurs de la zone non-cohésive et la zone cohésive en fonction du chargement. Il s'avère que le problème intérieur fourni par la MAM est un problème de Hilbert qui peut être résolu par la méthode des potentiels complexes. Ce faisant, la résolution se ramène à de simples quadratures qui sont calculées numériquement. On obtient ainsi, de façon quasiment analytique, la charge critique à partir de laquelle la petite fissure se propage de façon instable pour donner lieu à une fissure "macroscopique". En particulier, l'ordre de grandeur de cette charge critique est directement relié à l'exposant de la singularité de la solution avant fissuration qui est lui-même fonction de l'angle de l'entaille. Le chapitre 3 propose une généralisation de toutes les méthodes et résultats précédents au cas de l'élasticité plane. De façon précise, le but est toujours d'étudier la nucléation de fissures cohésives ou non cohésives à l'angle d'une entaille dans un milieu linéairement élastique et isotrope, mais maintenant en considérant des déplacements plans. De plus, il s'agit de traiter les conditions de nucléation aussi bien sous mode I pur que sous mode mixte. Dans la première partie du chapitre, nous utilisons le principe de minimisation globale pour traiter le cas des fissures non cohésives, alors que dans la deuxième partie nous utilisons le modèle de Dugdale pour traiter le cas des fissures cohésives. Dans les deux cas, la MAM est mise en oeuvre pour pallier le manque de précision de la méthode des éléments finis. Tous les résultats qui sont obtenus peuvent être considérés comme de simples généralisations de ceux développés dans le cas antiplan. En effet, d'un point de vue conceptuel et qualitatif, nous obtenons essentiellement le même type de propriétés. Toutefois, d'un point de vue technique, la MAM est plus délicate d'application en élasticité plane parce que l'obtention de la suite des fonctions singulières passe par la résolution d'équations transcendantes. Ce faisant, la mise en oeuvre numérique est sensiblement plus coûteuse. De plus, d'un point de vue analytique, les calculs et les démonstartions sont beaucoup plus lourds et une partie est donc passée en annexe.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00860354
Date29 April 2013
CreatorsDang, Thi Bach Tuyet
PublisherEcole Polytechnique X
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageEnglish
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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