L’implication du microbiote intestinal dans le développement du cancer colorectal (CCR) et dans la réponse aux traitements anti-cancéreux est de plus en plus évidente. Plusieurs études indépendantes ont montré que la muqueuse intestinale de patients atteints de CCR est anormalement colonisée par des souches d’Escherichia coli pouvant présenter des propriétés invasives et ayant acquis des facteurs de virulence. Plus de la moitié de ces souches sont porteuses de l’îlot pks responsable de la synthèse d’une génotoxine : la colibactine, qui peut interférer directement avec l’ADN ou avec le cycle cellulaire des cellules de l’hôte, et générer des mutations. Plusieurs études indépendantes sur différents modèles animaux de CCR ou sur lignées cellulaires ont décrit d’autres mécanismes d’action de ces bactéries qui pourraient jouer un rôle dans la carcinogenèse colique : interactions avec le système immunitaire et l’inflammation et induction de la sénescence cellulaire qui s’accompagne de la libération de facteurs de croissance ayant un effet pro-tumoral sur les cellules épithéliales. Cependant, faute de lien entre ces études physiopathologiques parcellaires, l’étude de l’association des bactéries E. coli avec le CCR doit être poursuivie. Le but de ces travaux de thèse était de préciser l’effet d’une infection chronique par E. coli colibactine-positive, notamment sur le micro-environnement immunitaire colique et son implication sur la carcinogenèse colique, et sur l’efficacité anti-tumorale d’une stratégie d’immunothérapie ciblant le checkpoint immunologique PD-1. Afin d’étudier les interactions microbiote-système immunitaire-hôte, nous avons choisi de travailler sur le modèle APCMin/+, modèle murin de référence du CCR. Dans un premier temps, nous avons développé et validé une nouvelle méthode pour quantifier les cellules immunitaires dans le côlon de ce modèle. Cette méthode, basée sur des marquages immunofluorescents et une analyse numérique d’image dotée d’un apprentissage automatique (dit « machine learning »), nous a permis de distinguer, quantifier et localiser ces cellules dans trois compartiments d’intérêt d’une section colique entière : la muqueuse, les follicules lymphoïdes et les tumeurs. Après validation, cette méthode d’imagerie nous a permis d’obtenir une analyse précise de l’environnement immunitaire colique dans le modèle de souris APCMin/+ chroniquement infectées par une souche E. coli colibactine positive isolée d’une muqueuse de patients CCR. Nous avons montré in vivo que cette bactérie induit un environnement pro-carcinogène dépendant de la présence de la colibactine, avec une augmentation de populations pro-inflammatoires telles que les neutrophiles et d’enzyme pro-inflammatoire (myéloperoxydase), accompagnée de la diminution de cytokines antiinflammatoires. Ce contexte procarcinogène est renforcé par la diminution des Lymphocytes T (LT) anti-tumoraux dans la muqueuse et la tumeur. Cet effet a également été observé chez les patients atteints de CCR porteurs de souches E. coli colibactine-positives avec une baisse de la population des LT CD3+. Enfin, nous avons démontré qu’une infection par E. coli colibactine-positives induit une résistance à une immunothérapie anti-tumorale ciblant le checkpoint immunologique PD-1. Ces résultats suggèrent que la diminution des LT induite par l’infection chronique du tube digestif par des E. coli colibactine-positives pourrait être liée à cette résistance au traitement. Ainsi, les travaux effectués lors de cette thèse permettent de confirmer le rôle clé de certaines bactéries du microbiote intestinal et du dialogue complexe de celui-ci avec le système immunitaire, dans la carcinogenèse colique et la réponse aux traitements anti-cancéreux. (...) / Multiple evidences show the role of microbiota in colorectal cancer (CRC) development and anti-tumor drug responses. Various independent studies demonstrated that Escherichia coli strains with specific invasive properties and virulence factors abnormally colonize CRC patient mucosa. More than half of these strains harboring the pks pathogenic island coding for the synthesis of a genotoxin named colibactin. This genotoxin can impair directly DNA synthesis or cellular cycle and provokes genomic instability. Many different studies highlighted others bacteria-associated mechanisms leading to colorectal carcinogenesis as crosstalk between immune responses, inflammatory events, and/or cell senescence induction. However, the mechanisms by which CRC-associated E. coli promote colorectal carcinogenesis are diverse and some-what specific to the animal models and the microbial status of the animals (germ-free or Specific Pathogen Free). However, modulation of immune response and inflammation seems to play a central role in these mechanisms.The aim of this work was to evaluate the impact of chronic infection by colibactin-positive E. coli in a CRC reference model, the APCMin/+ mice colon focusing on inflammation and immune cells. First, we developed and validated an innovative method to quantify immune cells in APCMin/+ mice, based on immunostainings and digital image analysis. Thanks to the machine learning approach, we succeeded to precisely discriminate, quantify and localize these cells in three regions of interest: mucosa, lymphoid follicle and tumor. After the complete validation of this new method, we accurately examined the impact of a chronic infection with a colibactin-positive E. coli strain isolated from a CRC patient, on the APCMin/+ colon immune microenvironment. Particularly, we demonstrated the induction of a pro-carcinogenic environment by these bacteria in vivo, in a colibactin dependent manner, with both an increase of the pro-inflammatory neutrophil enzyme (myeloperoxydase) and cells, and a decrease of anti-inflammatory cytokines. This carcinogenesis-associated context is emphasized by the decrease of anti-tumor T cells in colon mucosa and tumor. This phenomenon is equally observed in CRC patients, with a decrease of T cells in patient tumors, which are harboring the colibactin-positive E. coli. Finally, we demonstrated for the first time that colibactin-positive E. coli infection induce resistance to an anti-tumor immunotherapy treatment based on PD-1 immune checkpoint blockade. Our results suggest that the decrease of T cells induce by colibactin-positive E. coli chronic infection could lead to the impairment of an immunotherapy response. To conclude, this thesis work confirms the crosstalk between some specific bacteria from intestine microbiota and the immune system in carcinogenesis and anti-tumor drug efficacy. In longer term, these results suggest that the colibactin-positive E. coli presence could be used as a poor prognosis biomarker in CRC and particularly to predict response to anti-PD-1 immunotherapy.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018CLFAS006 |
Date | 12 December 2018 |
Creators | Lopès, Amélie |
Contributors | Clermont Auvergne, Bonnet, Mathilde, Dumas, Bruno |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French, English |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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