Même s'il est courant de penser que l'apprentissage se réalise principalement en contexte scolaire, et à l'intérieur d'une période déterminée de la vie, les adultes apprennent beaucoup de façon informelle, avec des moyens diversifiés, et dans toutes sortes de contextes, dont souvent en milieu de travail. Ces apprentissages sont encore très peu reconnus comme étant valables et légitimes, par les divers milieux comme par les adultes eux-mêmes, et c'est un phénomène qu'il faut davantage investiguer.
Cette étude cherche à mieux comprendre la nature de ce processus d'apprentissage informel, chez des adultes au travail et dans le contexte d'une entreprise. En s'appuyant sur les cadres théoriques de la cognition située et du constructivisme, les concepts de savoir tacite et d'explicitation, elle examine plus particulièrement la nature située, tacite et dialectique de ce processus, et investigue le rôle qu'y jouent les ressources mobilisées par les acteurs en situation, le contexte de réalisation et le groupe de pratique auquel il appartient. L'investigation adopte une approche qualitative/interprétative, pour aborder le phénomène du point de vue des sujets, à partir de ce qu'ils révèlent de leurs apprentissages informels par la réflexion sur leur pratique et l'explicitation. Avec un abord du terrain inspiré de l'ethnographje, la recherche procède par étude de cas. Un petit groupe de coordonnateurs d'une entreprise manufacturière de la grande région de Montréal a été suivi, au moyen d'observations in situ, de récits d'expérience en situation de travail, d'entretiens d'explicitation et d'une activité réflexive en groupe. Les données ont été analysées selon une approche inductive et par une méthode inspirée de la théorie ancrée. L'interprétation s'exprime dans une théorisation progressive « en construction », à partir du sens émergeant des données et de l'analyse. Les résultats suggèrent une mise en évidence de la nature située et dialectique du processus d'apprentissage informel de ces coordonnateurs en entreprise, cet apprentissage se déployant par une «personne-entière-en-activité» qui s'adapte et reconstruit ses stratégies en cours d'action. La personne réalise cet apprentissage en pratique et par l'expérience, à l'intérieur d'une « dialectique du savoir tacite », qui s'exprime dans un double va-et-vient: un va et vient implicite-explicite, un va et vient connaissance théorique-expérience. Le processus de réflexion-explicitation apparaît ainsi constitutif de celui de l'apprentissage informel, et ce dernier s'articule à l'expérience de l'acteur. L'étude a permis de proposer des éléments pouvant caractériser l'apprentissage informel dans le contexte examiné. Il s'agirait d'un apprentissage qui est
« auto-initié » par l'acteur et qui est souvent
« autogéré ». Il est déclenché par un élément déstabilisant qui suscite le besoin d'adaptation/rééquilibration de l'acteur. Il se réalise par la mobilisation de ressources variées (dont le groupe d'appartenance) qui jouent un rôle structurant et « médiatisant » de l'apprentissage. Et il se manifeste en situation par la trace d'une pratique nouvelle, restructurée, ou confirmée, souvent formée de connaissances en acte. Cette pratique s'exprime dans cinq dimensions, cinq axes inter reliés de façon dynamique. Parmi les retombées potentielles de la recherche, une meilleure compréhension de l'apprentissage informel des adultes en milieu de travail ressort, pouvant favoriser la valorisation et la reconnaissance, par les apprenants et par les milieux, de cette forme d'apprentissage, et pouvant permettre de mieux l'arrimer aux formations organisées. En cela, elle pourrait susciter l'élaboration d'activités de formation (au travail ou à l'école) mieux articulées avec les multiples acquis d'expérience de la personne. En outre, une reconnaissance de ces apprentissages peut contribuer à valoriser l'apprenant, ce qui peut avoir d'importantes conséquences humaines et identitaires, dont l'impact à long terme reste encore méconnu. Des pistes pour la recherche future sont également proposées dans cette étude. Particulièrement, nous soulignons: la nature dialectique du processus d'apprentissage informel, qui s'exprime à travers celui du savoir tacite, et dont l'explicitation apparaît constitutive; les
« stratégies métacognitive » d'apprentissage informel; les liens entre l'apprentissage formel et informel; et le rôle des « caractéristiques personnelles » de l'acteur. Finalement, la recherche sur l'apprentissage informel apparaîtra porteuse pour éclairer sous un jour particulier les problématiques spécifiques du domaine de la formation professionnelle. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Activité réflexive, Analyse inductive, Apprentissage en pratique, Apprentissage informel, Apprentissage en situation, Cognition située, Communauté de pratique, Contexte, Connaissance en acte, Dialectique, Entreprise, Ethnographie, Étude de cas, Explicitation, Entretien semi-dirigé/d'explicitation, Entretien focalisé en groupe, Métaréflexion, Observation in situ, Processus, Recherche qualitative/interprétative, Récit d'expérience, Réflexion sur l'action, Ressource structurante, Savoir tacite, Situation, Théorie ancrée, Travail.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.1596 |
Date | January 2008 |
Creators | Barrette, Johanne |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, PeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/1596/ |
Page generated in 0.0025 seconds