L’auto-incompatibilité (AI) est une barrière reproductive prézygotique qui permet aux pistils d’une fleur de rejeter leur propre pollen. Les systèmes d’AI peuvent prévenir l’autofertilisation et ainsi limiter l’inbreeding. Dans l’AI gamétophytique, le génotype du pollen détermine son propre phénotype d’incompatibilité, et dans ce système, les déterminants mâles et femelles de l’AI sont codés par un locus multigénique et multi-allélique désigné le locus S. Chez les Solanaceae, le déterminant femelle de l’AI est une glycoprotéine stylaire extracellulaire fortement polymorphique possédant une activité ribonucléase et désignée S-RNase. Les S-RNases montrent un patron caractéristique de deux régions hypervariables (HVa et HVb), responsables de leur détermination allélique, et cinq régions hautement conservées (C1 à C5) impliquées dans l’activité catalytique ou la stabilisation structurelle de ces protéines. Dans ce travail, nous avons investigué plusieurs caractéristiques des S-RNases et identifié un nouveau ligand potentiel aux S-RNases chez Solanum chacoense.
L’objectif de notre première étude était l’élucidation du rôle de la région C4 des S-RNases. Afin de tester l’hypothèse selon laquelle la région C4 serait impliquée dans le repliement ou la stabilité des S-RNases, nous avons généré un mutant dans lequel les quatre résidus chargés présents en région C4 furent remplacés par des résidus glycine. Cette protéine mutante ne s’accumulant pas à des niveaux détectables, la région C4 semble bien avoir un rôle structurel. Afin de vérifier si C4 est impliquée dans une liaison avec une autre protéine, nous avons généré le mutant R115G, dans lequel un acide aminé chargé fût éliminé afin de réduire les affinités de liaison dans cette région. Ce mutant n’affectant pas le phénotype de rejet pollinique, il est peu probable que la région C4 soit impliquée dans la liaison des S-RNases avec un ligand ou leur pénétration à l’intérieur des tubes polliniques. Enfin, le mutant K113R, dans lequel le seul résidu lysine conservé parmi toutes les S-RNases fût remplacé par un résidu arginine, fût généré afin de vérifier si cette lysine était un site potentiel d’ubiquitination des S-RNases. Toutefois, la dégradation des S-RNases ne fût pas inhibée. Ces résultats indiquent que C4 joue probablement un rôle structurel de stabilisation des S-RNases.
Dans une seconde étude, nous avons analysé le rôle de la glycosylation des S-RNases, dont un site, en région C2, est conservé parmi toutes les S-RNases. Afin d’évaluer la possibilité que les sucres conjugués constituent une cible potentielle d’ubiquitination, nous avons généré une S11-RNase dont l‘unique site de glycosylation en C2 fût éliminé. Ce mutant se comporte de manière semblable à une S11-RNase de type sauvage, démontrant que l’absence de glycosylation ne confère pas un phénotype de rejet constitutif du pollen. Afin de déterminer si l’introduction d’un sucre dans la région HVa de la S11-RNase pourrait affecter le rejet pollinique, nous avons généré un second mutant comportant un site additionnel de glycosylation dans la région HVa et une troisième construction qui comporte elle aussi ce nouveau site mais dont le site en région C2 fût éliminé. Le mutant comportant deux sites de glycosylation se comporte de manière semblable à une S11-RNase de type sauvage mais, de manière surprenante, le mutant uniquement glycosylé en région HVa peut aussi rejeter le pollen d’haplotype S13. Nous proposons que la forme non glycosylée de ce mutant constitue un allèle à double spécificité, semblable à un autre allèle à double spécificité préalablement décrit. Il est intéressant de noter que puisque ce phénotype n’est pas observé dans le mutant comportant deux sites de glycosylation, cela suggère que les S-RNases ne sont pas déglycosylées à l’intérieur du pollen.
Dans la dernière étude, nous avons réalisé plusieurs expériences d’interactions protéine-protéine afin d’identifier de potentiels interactants polliniques avec les S-RNases. Nous avons démontré que eEF1A, un composant de la machinerie de traduction chez les eucaryotes, peut lier une S11-RNase immobilisée sur résine concanavaline A. Des analyses de type pull-down utilisant la protéine eEF1A de S. chacoense étiquetée avec GST confirment cette interaction. Nous avons aussi montré que la liaison, préalablement constatée, entre eEF1A et l’actine est stimulée en présence de la S11-RNase, bien que cette dernière ne puisse directement lier l’actine. Enfin, nous avons constaté que dans les tubes polliniques incompatibles, l’actine adopte une structure agrégée qui co-localise avec les S-RNases. Ces résultats suggèrent que la liaison entre eEF1A et les S-RNases pourrait constituer un potentiel lien fonctionnel entre les S-RNases et l’altération du cytosquelette d’actine observée lors des réactions d’AI. Par ailleurs, si cette liaison est en mesure de titrer les S-RNases disponibles à l’intérieur du tube pollinique, ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi des quantités minimales ou « seuils » de S-RNases sont nécessaires au déclenchement des réactions d’AI. / Self-incompatibility (SI) is a prezygotic reproductive barrier that allows the pistil of a flower to specifically reject their own (self-) pollen. SI systems can help prevent self-fertilization and avoid inbreeding. In gametophytic SI (GSI), the genotype of the pollen determines its breeding behaviour and in this system both female and male specificity determinants of SI are under the control of a multigenic and multiallelic locus called the S-locus. In Solanaceae, the female determinant of SI is a highly polymorphic stylar-expressed extracellular glycoprotein with RNase activity called the S-RNase. S-RNases show a distinct pattern of two hypervariable (HVa and HVb) regions, responsible for their allelic specificity, and five highly conserved regions (C1 to C5) thought to be involved in either the catalytic activity or the structural stabilization of the protein. In this work, we analyzed and characterized several conserved features of the S-RNases and also identified a potential novel S-RNase interactant in Solanum chacoense.
The aim of our first study was to investigate the role of the C4 region of S-RNases. To test the hypothesis that the C4 region may be involved in S-RNase folding or stability, we examined a mutant in which the four charged residues in the C4 region were replaced with glycine. This mutant did not accumulate to detectable levels in styles, supporting a structural role for C4. To test the possibility that C4 might be involved in binding another protein, we prepared an R115G mutant, in which a charged amino acid was eliminated to reduce any potential binding to this region. This mutant had no effect on the pollen rejection phenotype of the protein, and thus C4 is likely not involved in either ligand binding or S-RNase entry inside pollen tubes. Finally, a K113R mutant, in which the only conserved lysine residue in all the S-RNases was replaced with arginine, was generated to test if this residue was an S-RNase ubiquitination site. However, S-RNase degradation was not disrupted in this mutant. Taken together, these results indicate that the C4 region likely plays a structural role.
In a second study, we analyzed the role of S-RNase glycosylation. All S-RNases share a conserved glycosylation site in the C2 region. To test the possibility that the sugar residues might be a target for ubiquitination, a transgenic S11-RNase lacking its single glycosylation site was examined. This construct behaved similarly to a wild type S11-RNase, demonstrating that the lack of glycosylation does not confer constitutive pollen rejection. To determine if the introduction of an N-linked glycan in the HVa region would affect pollen rejection, a construct containing a second N-glycosylation site inside the HVa region of the S11-RNase and a construct containing only that N-glycosylation site inside the HVa region were prepared. The first construct rejected S11 pollen normally, but surprisingly, plants expressing the construct lacking the C2 glycosylation site rejected both S11 and S13 pollen. We propose that the non-glycosylated form is a dual specific allele, similar to a previously described dual-specific allele that also had amino acid replacements in the HV regions. Interestingly, this phenotype is not observed in the mutant containing two glycosylation sites, which suggests that the sugar residues are not removed during S-RNase entry into the pollen.
In the final study, S-RNase-binding assays were performed with pollen extracts to detect potential interacting proteins. We found that concanavalin A-immobilized S11-RNase bound eEF1A, a component of the eukaryotic translational machinery. This interaction was validated by pull-down experiments using a GST-tagged S. chacoense eEF1A. We also found that a previously documented actin binding to eEF1A was markedly increased in the presence of S-RNases, although S-RNases alone do not bind actin. Lastly, we observed that actin in incompatible pollen tubes has an unusual aggregated form which also co-labels with S-RNases. This suggests that binding between S-RNases and eEF1A could provide a potential functional link between the S-RNase and the alteration of the actin cytoskeleton that occurs during the SI reaction. Furthermore, if eEF1A binding to S-RNases acted to titrate the amount of free S-RNase in the pollen tube, this binding may help explain the threshold phenomenon, where a minimum quantity of S-RNase in the style is required to trigger the SI reaction.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/11296 |
Date | 01 1900 |
Creators | Soulard, Jonathan |
Contributors | Cappadocia, Mario, Morse, David |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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