Ce travail de recherche analyse les causes et les manifestations des difficultés socio-économiques rencontrées par le modèle de gestion des services d'eau en France et aux USA (et plus marginalement en Angleterre et au Pays de Galles) dans un contexte d'augmentation des contraintes environnementales. Il explore les expériences de gestion qui permettraient de sortir de la "crise" à travers l'émergence d'un modèle alternatif, dit "de maîtrise de la demande". La première partie de la thèse décrit, sur la période 1800-1960, la mise en place des services d'eau dans les pays industrialisés autour de trois acteurs, les autorités organisatrices locales, les prestataires techniques et les abonnés, sous l'impulsion du mouvement hygiéniste du milieu du XIXe siècle. Indépendamment de facteurs conjoncturels, le service d'eau s'organise autour d'une évaluation a priori de la demande en eau (en fonction des besoins d'hygiène) et d'une dépendance la plus faible possible de l'état d'abondance des ressources en eau naturelles grâce à un recours systématique à la mobilisation technologique. L'alimentation en eau potable s'organise dans une logique d'offre de service. La deuxième partie de la thèse révèle que ce modèle a été contraint, depuis les années 1960, de s'adapter à des pressions extérieures, principalement relatives aux normes environnementales et sanitaires. Or en France et aux USA, les adaptations proposées par les autorités organisatrices et par les prestataires des services d'eau non seulement ne sortent pas du modèle d'offre mais encore le renforcent. La maîtrise de la demande en eau et l'intégration d'une gestion des ressources naturelles sont largement écartées au profit d'une fiabilisation technique dont le coût ne cesse d'augmenter et se retrouve principalement supporté par les usagers en France et réparti entre les usagers et les contribuables aux USA. Dans une troisième partie, les enquêtes d'opinion mesurant l'état de satisfaction des usagers vis-à-vis de leur distribution d'eau potable (qualité de l'eau distribuée, attentes à l'égard de la prestation, prix de l'eau) révèlent que la logique d'offre se trouve menacée par une impasse sociale en raison des difficultés de financement des infrastructures. En France, les factures d'eau payées par les usagers ne cessent d'augmenter. Pourtant, ces augmentations ne sont pas le gage d'une perfection sanitaire de l'eau distribuée, tant recherchée par les prestataires et les législateurs mais défaillante dans de nombreux services. Même si la hausse du prix de l'eau est plus faible en moyenne aux USA, le problème du financement des infrastructures reste entier dans ce pays. L'accessibilité sociale des services d'eau risque donc de diminuer en France comme aux États-Unis si les solutions apportées à la "crise" du modèle d'offre ne sortent pas de son cadre, comme cela a été le cas jusqu'à présent. Il apparaît dans une quatrième et dernière partie que l'Angleterre et le Pays de Galles et les États-Unis ont commencé à rechercher des solutions à la "crise" technique, financière et sociale du modèle d'offre. Ces deux pays ont choisi respectivement d'envisager «une plus grande interaction entre les prestataires et les usagers en vue de produire le service» (définition du concept théorique de la "coproduction", exploré dans la 4ème partie de la thèse) et d'engager des opérations de maîtrise de la demande en eau. Pour conclure, la thèse constate la grande force de la logique technico-sanitaire d'offre de l'alimentation en eau, logique qui se trouve auto entretenue par la professionnailisation et la technicisation des services et par les circuits de financement qui les accompagnent. Dans ce contexte, les solutions proposées en Grande-Bretagne et aux États-Unis pour sortir de la crise du modèle d'offre ne parviennent pas véritablement à s'affranchir des solutions anciennes. Elles ne se tournent pas résolument, en dehors de situations d'urgence (pénurie de ressources en eau très grave ou impasse financière), vers une meilleure adéquation entre offre et demande de service en vue de réduire les coûts sociaux de la distribution d'eau. Elles sont loin d'adopter une démarche systématique de protection préventive des ressources en eau dont dépend pourtant la qualité des services. Enfin, elles n'intègrent toujours pas les usagers comme des acteurs à part entière de la définition de la qualité de service et comme des partenaires dans sa production. Néanmoins les premières expériences tentées, en particulier aux USA, pour maîtriser la demande, matérialisent un pas décisif dans la connaissance de ses composantes, connaissance nécessaire à l'élaboration de modèles durables de gestion des services d'eau dans une logique de maîtrise de la demande.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00344595 |
Date | 27 June 1996 |
Creators | Cambon, Sophie |
Publisher | Ecole Nationale des Ponts et Chaussées |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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