Peut-on envisager une analyse des productions littéraires des femmes au lendemain des années 60 affranchie de la tutelle féministe? Quelles (ré)flexions des problématiques de l'exil et de la ·mémoire·dans le roman féminin francophone? Quels lieux de rencontre entre le texte africain et le texte occidental? Ces questions ont toute leur pertinence dans la perspective d'un travail qui associe dans une même étude des auteures aussi différentes de style, de parcours, d'objets et de cultures que Anne Hébert, Aminata Sow Fall et Marguerite Duras, et provenant de pays aussi éloignés et différents que le Québec, le Sénégal et la France. Questions pertinentes, mais édulcorées par des aspects communs aux trois auteures tels que la langue d'écriture, les liens coloniaux avec la France, une vague de changements sociaux à partir des années 60 et, surtout, une pratique littéraire inscrite dans un contexte de modernité historique et esthétique. S'appuyant sur une approche sociopragmatique, cette recherche démontre qu'un certain nombre de romans d'Anne Hébert, d'Aminata Sow Fall et de Marguerite Duras, publiés à partir des années 70, interrogent une condition humaine déterminée par l'exil intérieur de l'être, et réécrivent des discours sociaux dominants de l'époque et.encrés dans la mémoire commune. L'approche sociopragmatique, qui inspire les trois parties de la thèse, réunit la sociologie institutionnelle et des théories du discours, et établit une interrelation dynamique entre le texte et son contexte de production. La première partie retrace la trajectoire sociale des trois auteures en termes de dispositions, de positions et de prises de positions. Elle met à jour les éléments majeurs de leurs habitus, notamment la jouissance d'un capital social et symbolique élevé, un décentrement prudent vis-à-vis des pôles dominants et un investissement esthétique total. La Deuxième partie analyse le fonctionnement narratif et énonciatif de l'exil intérieur dans les romans. Les personnages sont d'abord des sujets clivés, intérieurement divisés et socialement décalés. Les indices de leur exil sont perceptibles dans les discours autoréférentiels (ou prodomiques), les incipits et les monologues intérieurs. Ils dévoilent une écriture auto graphique qui dégénère dans une polyphonie énonciative, obscurcie la fonction onomastique et défait les bases du roman. La Troisième Partie étudie les figurations du "discours social" tel que défini par Marc Angenot. Ayant partie liée avec les faits de mémoire, le discours social se spécifie par ses caractères "polysémique", "polémique" et "dialogique", et emploie des relais médiatiques et institutionnels réels à travers lequels il occupe la sphère sociale pendant un temps donné. Cependant, la mise en texte des discours de la charité musulmane et de l'immigration (Sow Fall), de la Shoa (Duras) et de l'aliénation identitaire (Hébert) s' effectue de "manière spécifique". Elle dévoile tour à tour une refiguration intertextuelle, une resémantisation ironique et une déstructuration narrativeé En conclusion, la recherche prouve qu'une analyse comparée des productions littéraires francophones est possible, à condition qu'elle transcende tout préjugé lié au genre ou à l'essence. Pour se faire, la romancière francophone et son roman appellent à être considérés pour ce qu'ils sont d'abord: une écrivaine et un texte littéraire.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/20834 |
Date | 16 April 2018 |
Creators | Diouf, Mbaye |
Contributors | Bisanswa, Justin Kalulu |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 340 f., application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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