Résumé : La présente thèse porte sur le développement d’un modèle d’intervention au profit des agents de développement économique méso dans un contexte de co-innovation et au niveau de l’entrepreneuriat technologique. Grâce à une expérience de plus de quinze ans comme agent de développement économique, une problématique managériale a émergé tranquillement.
Les agents de développement économique n’avaient pas à leur disposition les outils d’intervention qui leur permettent de faire face aux nouvelles réalités du développement économique par l’innovation.
Une première question peut se poser: qu’est-ce qui a changé dans l’innovation ? Tout d’abord, les savoirs sont de plus en plus complexes et diffus. En effet, les sciences et les technologies, surtout si elles ont atteint un certain degré de maturité, se développent de plus en plus en fonction d’usages qu’elles pourraient remplir (ces derniers étant fonction des besoins exprimés par les usagers). Par ailleurs, tout en se complexifiant à cause de leurs ramifications, les technologies sont de plus en plus accessibles aux usagers, ce qui leur permet de ne plus être seulement consommateurs de technologie, mais également producteurs et codéveloppeurs de produits et services. C’est en ce sens que l’on voit exploser le développement des applications mobiles.
En définitive, on passe d’une innovation qui est linéaire, développée en vase clos ou en collaboration entre entreprises et centres de recherche triés sur le volet, qui est par la suite valorisée puis éventuellement commercialisée, à une innovation de nature systémique à la fois portée par des entreprises, des gouvernements et des usagers, ce qui est convenu d’appeler désormais la co-innovation.
Par contre, les moyens dont disposent les agents de développement économique ne sont plus adaptés à cette nouvelle réalité. En effet, les outils dont bénéficient ces derniers sont basés sur les principes suivants : 1) la spécialisation sectorielle selon le modèle de Porter (1993), avec la stratégie des grappes où les agents de développement économique faisaient de la concertation et de l’animation du milieu ou 2) la diversité sectorielle et individuelle (Florida, 2005; Jacobs, 1969), où l’on s’est concentré sur la formation entrepreneuriale et sur les visites aux entreprises pour les aider dans leur croissance. Ces stratégies ont été payantes en termes de concertation et de développement hyperlocal, mais sont à la recherche d’un nouveau souffle, notamment en matière d’intergrappes et de cohérence supralocale.
Au tournant des années 1990, on voit apparaître la notion de systèmes régionaux d’innovation, qui sont une première tentative de penser le développement économique sous forme systémique. En revanche, les aspects normatifs ont vite disparu des recherches universitaires, ce qui n’a pas permis aux agents de développement économique de s’approprier ces notions, la plupart les trouvant trop compliquées pour y voir de réelles applications en matière d’intervention en développement économique. Enfin, depuis les années 2000, la notion d’innovation ouverte apparaît et suscite beaucoup d’intérêt chez les agents de développement économique, mais ceux-ci manquent encore de modèle afin de pouvoir l’utiliser de façon plus structurée, au-delà de la simple stratégie de gestion de la propriété intellectuelle, comme véritable outil de co-innovation.
Ainsi, la question de recherche suivante a été dégagée des éléments issus de la profession et d’une revue de littérature exhaustive: quel nouveau modèle de développement économique (DÉ) basé sur la co-innovation et au niveau de l’entrepreneuriat technologique peut-on développer et quelles seront alors les nouvelles méthodes d’intervention pour les agents de DÉ ?
Pour répondre à cette question, la théorie enracinée est apparue comme une méthode de recherche appropriée, car elle permettait la théorisation, essentielle dans le développement d’un modèle. Vingt et une entrevues ont été menées entre août et décembre 2012 entre le Québec, les États-Unis et la France. Les résultats de cette recherche sont les suivants : 1) le niveau d’intervention adéquat en matière de développement économique par l’innovation est le niveau régional, soit les agents de développement économique de type méso (entre le macro et le micro), 2) le processus de développement économique par la co-innovation est un processus intermédié en deux temps. En effet, les agents de DÉ méso travaillent à identifier des problématiques et des besoins communs à différents écosystèmes, et ce, en comptant sur leur réseau. Grâce à ce mécanisme, les agents de DÉ créent des communautés (surtout technologiques) autour desquelles des opportunités intrapreneuriales apparaissent. Celles-ci pourront se transformer en projets structurants qui, à leur tour, pourront déboucher sur des opportunités entrepreneuriales. 3) L’agent de développement économique est à la fois un intrapreneur (qui défend ses projets dans sa propre structure organisationnelle) et un exopreneur (qui défend ses projets dans différentes communautés).
Les résultats de cette recherche ont d’ores et déjà servi à la mise sur pied de nouvelles formes d’intervention au niveau méso avec le développement du programme de financement de la Ville de Montréal PR@M-Est, qui est basé directement sur les principes de co-innovation. Par ailleurs, les recherches suscitent de l’intérêt dans plusieurs agglomérations en France et auprès des professionnels en développement économique au Québec et en France.
Enfin, des recherches subséquentes ont été identifiées afin de venir compléter le corpus de savoir en matière de développement économique par la co-innovation, notamment en ce qui concerne le partage de rente économique (monétisable ou non) entre les initiateurs de démarches co-innovantes et leurs contributeurs. / Abstract : For a few years, economic developers have integrated innovation to their practice as the engine for economic development. It is now well understood that innovation and economic development are intertwined with the seminal work of Schumpeter more than a century ago. Many researches have been done since, but the very dynamic nature of innovation, and thus the economic developers’ actions, needs constant reassessment.
Innovation is changing from a linear perspective where firms, research centers and universities try to develop and commercialize new products and services, based on scientific researches, the so-called Public-Private Partnership, to a systemic form where firms, research centers and universities are still involved in the innovation process, but where more and more Public-Private-People Partnerships can occur.
Why is innovation becoming a systemic process? One of the explanations lays in the greater complexity of knowledge and a greater distribution of it. In the meantime, more people can access technologies, as it is seen with the blooming of mobile applications. Since then, the way of innovation process occurs is dramatically changing, and more contributors can join the process, including as usual private companies or government, but also users. What is new with the users is that they are not only involved for commercialization purpose, but now also as co-developers and co-creators.
By acknowledging those shifts, economic developers should also change the way they are acting to foster economic development and innovation. So, it is time to develop new forms of intervention in a context of co-innovation. They have to step back to see that their actions are done at the macro level (even if it has been practiced at the regional level) and generally based on industrial concentration with MAR and his industrial districts, on one side and specialization, on the other side with Porter and his clusters’ strategy. The idea is to nourish innovation by geographical, cultural, institutional and social proximity. In doing so, it helps tacit knowledge to flow from one company to another and to bring to the market new products and services more rapidly. Economic developers works with geographic proximity and implements clusters strategies all over the world with different results. So the mechanistic aspect of the strategy is not that simple. Actually, clusters are now shifting to a systemic perspective and try to open-up collaboration between clusters and enhance cross sectorial projects.
It also has been demonstrated that innovation is more about people than organizations. Since Jacobs, and later with Florida, the spotlight has been put on the individual as the engine of creativity and innovation. Jacobs thought that knowledge is embedded in the individual expertise, and Florida worked on the creative class which represent about 30% of the population, and who is made of people who promote creativity and changes in some place, generally cities. With Jacobs and Florida, the quality of place is critical because it can help to attract talents. At that micro level also, works on the entrepreneur-opportunity dyad is important. With the neo-classic theory, entrepreneurs can use information asymmetry to exploit opportunities and bring their creativity to the market. Entrepreneurs are very special in essence, even though it has not been establish that they have some special traits, it seems that they have in common a way to act creatively and transform this creativity into opportunities and economic development. For economic developers, it means to develop supportive actions towards entrepreneurs: training, entrepreneurs club, special funding for example. But, the difficulties lay in: how can economic developers develop a more structured model for their interventions to entrepreneurs? Moreover, some do believe that these micro levels approaches can be self-organized and that there is no need for public policy towards entrepreneurs.
At the meso level, economic developers can improve, particularly regarding the Regional Innovation System (RIS), the way they can foster business serendipity across networks. Since Chesbrough has defined the concept of open innovation, a more systemic approach to innovation seems to be accepted by economic developers. But, once again, there is lot of work to do to better understand how economic developers can put into practice those new approaches.
Thus, neither the macro level approach, which is too mechanistic, nor the meso approaches level, which is to complex, nor the micro level, which doesn’t allow public policy, seem to offer a proper answer to economic developers with the systemic approach of innovation. This dissertation tries to answer the following question: What model can be developed for economic developers in context of co- innovation and technological entrepreneurship?
Grounded theory as presented by Corbin and Strauss (2008) was the methodology in this survey. As it is permitted in grounded theory, the literacy has been completed by works on complexity theory, network theory and structural holes and co-innovation. Twenty-one interviews have been conducted in Montréal, the Province of Québec province, France and The United States between August and December 2012 with economic developers, scientific and technological parks managers, co-creation spaces organizers and entrepreneurs.
The main conclusions of this research in an academic perspective are:
1. The correct level to support co-innovation is the meso level: this level allows macro and micro level actions to be coherent in a more interdependent perspective. The meso level is a medium term perspective at the regional level. The economic developers mostly use projects and communities of practice to do their actions regarding co-innovation;
2. The process for the economic development through co-innovation is intermediated and two-fold: a) Economic developers identify common needs in their ecosystems through their networks. In doing so, they create communities in which intrapreneurial opportunities occur. Some of these intrapreneurial opportunities lead to structuring projects. b) These projects open-up entrapreneurial opportunities that help regional economic development;
3. Finally, Economic developers are both intrapreneurs (leading project in their own organisations and exopreneurs (leading projects in communities).
But as we want to develop something operational for economic developers,
we also created an algorithm, which will help them to structure co-innovation actions (how to identify needs, communities, partners, etc.), but also a guide to use the right co-innovative tool at the right moment in their process of co-innovation.
Some results of this research has been put into practice with the new program as PR@M-Est at the City of Montréal, this program is based on business serendipity and on co-innovation principles. This research shows some interest in France also.
Of course this research has some limits, particularly with the size and the diversity of the sample, but we are confident it could open the way to further research in the field.
Identifer | oai:union.ndltd.org:usherbrooke.ca/oai:savoirs.usherbrooke.ca:11143/8073 |
Date | January 2015 |
Creators | Frangioni, Marina |
Contributors | Baronet, Jacques |
Publisher | Université de Sherbrooke |
Source Sets | Université de Sherbrooke |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse |
Rights | © Marina Frangioni, Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.5 Canada, http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.5/ca/ |
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