Return to search

Les mutations de la rhétorique dans l'oeuvre de Guillevic

Chez Guillevic, le statut de la rhétorique est paradoxal. Toute l'œuvre est traversée par un impératif des choses et du réel qui s'accompagne d'un vœu de simplicité. Cette poésie, qui se voit rappelée à l'ordre du concret, se méfie d'une rhétorique qui viendrait éclipser la réalité des choses, ou accroître la distance entre ces deux pôles, que sont l'expérience du monde et sa mise en mots. Les poèmes, denses et resserrés sur eux-mêmes, se présentent alors manifestement comme un défi à la rhétorique. Pourtant, nous n'assistons pas à une éviction de la notion, mais plutôt à un ensemble de mutations, qui supposent une subrogation des valeurs la définissant. En effet, si Guillevic passe pour un poète qui se serait spontanément tourné vers le monde et vers les objets, ce rapport au réel, au départ, n'a rien d'euphorique. Il reste à construire car le monde se rétracte. Il faut retrouver une force dans le langage ; une force agissante. Se méfier d'une rhétorique éloquente et ornementale revient alors à inscrire dans le poème une tension qui fait du langage un support solide auquel se raccrocher ; les figures ne sont plus de l'ordre de la figuration mais de celui de la mise en rapport. On assiste donc à des processus de relittéralisation et de défiguration du langage, ce qui fait qu'il n'est plus question d'une rhétorique de surface, mais d'une rhétorique fondamentale, qui passe par un engagement de l'être dans le langage. Et comme il s'agit toujours de chercher à faire l'expérience du monde, plutôt que de s'obstiner à lui trouver un sens, la rhétorique est alors dissociée de ces notions de conceptualité, de représentation et de signification qu'elle a tendance à véhiculer. Enfin, chez Guillevic, se méfier de la rhétorique, c'est aussi remplacer la métaphore par l'ellipse et instaurer dans le poème un creux, ou un entre-deux, qui, sans pour autant annuler ce constat d'une inadéquation fondamentale entre le langage et la réalité, ne se présente pas moins comme le lieu où peut advenir une dimension neuve et originelle du sujet, du langage et du monde.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-01015622
Date19 June 2013
CreatorsGarnaud, Delphine
PublisherUniversité Michel de Montaigne - Bordeaux III
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
Languagefra
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

Page generated in 0.0019 seconds