Thèse en recherche-création / Que notre joie demeure s’inspire de la prose vaste et compassionnelle de Marie-Claire Blais. Le roman explore, tout comme le cycle Soifs, la forme polyphonique et la « représentation de la vie psychique » (Dorrit Cohn). Le travail de préparation m’a amené à m’intéresser au roman moderne du premier XXe siècle. Henry James, Virginia Woolf et Marcel Proust forment, avec des textes thématiques sur l’architecture, l’économie et la ville, mon corpus de création. Je me questionne, avec Blais, sur l’héritage possible de cette conception du roman aujourd’hui. J’imprime à ma réflexion sur la création littéraire (dans l’essai qui suit) un léger déplacement : comment un empêchement imposé de l’extérieur est-il vécu par une créatrice qui souhaite produire une œuvre ? Mon roman politise cette question en mettant en scène une architecte québécoise qui décroche enfin, après une brillante carrière internationale, un grand projet à Montréal. Ce projet soulèvera cependant une forte protestation populaire. C’est à travers le prisme des classes sociales et du privilège économique que je relis les œuvres mentionnées plus haut en m’intéressant aux affects que suscite la contestation des inégalités chez celles et ceux qu’elles favorisent. Que notre joie demeure comporte une forte dimension sociale. Le texte me permet de décrire les processus d’embourgeoisement – largement documentés – qui touchent actuellement Montréal et l’évolution des disparités économiques au Québec depuis les années 1970.
L’essai Rater mieux porte sur le processus créateur dans sa relation avec le fantasme, d’une part, et la matérialité du support livresque, d’autre part. Pourquoi les écrivain·es ont-il·les, en reprenant des composantes du fameux Livre mallarméen (Notes en vue du « Livre »), placé une partie de leur œuvre sous le magistère d’un « Fantasme de Roman » (Barthes, La préparation du roman) ? Que nous apprennent du processus créateur ces « livres-que-je-n’écris-pas » (Cixous), devenus objets de fiction ? Ces fantasmes traduisent fréquemment une volonté de défaire l’objet-livre, de congédier ou de transcender la matérialité du support, comme si la littérature devait parfois se déployer hors du livre. Croisant la discussion théorique, l’analyse textuelle et l’essai personnel, ma thèse développe une conception de la création intimement liée au ratage et à la notion d’échec (Beckett). Au carrefour de la psychanalyse, des théories queer et de l’histoire du livre, j’analyse les différentes modalités de ces ratages dans les œuvres littéraires et dans la théorie (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Grossman). Je fais dialoguer les textes de Roland Barthes, de Victor-Lévy Beaulieu, de Marie-Claire Blais et d’Hélène Cixous avec des œuvres savantes et populaires, tant européennes, québécoises qu’américaines (Hubert Aquin, les Beatles, Joan Didion, Céline Dion, Lautréamont, Courtney Love, Stéphane Mallarmé, Marcel Proust, Ginette Reno, André Roy, Chloé Savoie-Bernard, Zadie Smith). L’échec est vécu de façon mélancolique chez un écrivain comme Beaulieu, comme jouissance libératoire chez Cixous, il est passage obligé chez Barthes, tandis qu’il acquiert une dimension éthique chez Marie-Claire Blais. La notion de fantasme me permet d’aborder différentes économies psychiques et libidinales de l’écriture, dont je propose une interprétation queer. Il s’agit de renouveler par ces analyses et ces propositions théoriques le cadre de lecture découlant de la mise en abyme des livres fictifs ainsi que les approches du processus créateur. / May Our Joy Remain is a novel inspired by the vast and compassionate prose of Marie-Claire Blais. The novel explores, like the These Festive Nights novels cycle, the polyphonic form and the “representation of psychic life” (Dorrit Cohn). The preparatory work led me to the modernist novel of the first half of the twentieth century. Henry James, Virginia Woolf, and Marcel Proust form, alongside thematic texts on architecture, economy, and the city, a sum of works that inspired me. I wonder, with Blais, about the possible legacy of the modernist novel today. How is an impediment imposed from the outside experienced by an artist who wishes to produce a work of art? My novel politicizes this question by featuring a Québec architect who finally obtains, after a shining international career, a major project in Montréal. However, this project will provoke a fierce popular protest. It is through the prism of social classes and economic privilege that I read the above-mentioned works and take an interest in the affects that contestation of inequalities arouse in those who promote them. May Our Joy Remain has a strong social dimension. The text allows me to describe the gentrification processes (widely documented) currently impacting Montréal and the evolution of economic disparities in Québec since the 1970s.
The essay Fail Better focuses on the creative process in its relation to fantasy (phantasm) on the one hand, and the materiality of the book, on the other hand. Why do writers, by using components of the famous Mallarmean Book, place part of their work under the magisterium of a “Fantasmatic Novel” (Barthes, La preparation du roman)? What do these “books-I-do-not-write” (Cixous), which have become objects of fiction, teach us about the creative process? These phantasms frequently bear a desire to undo the object-book, to dismiss or transcend the materiality of the medium, as if literature sometimes had to unfold outside the book. Crossing theoretical discussion, textual analysis, and personal essay, my thesis develops a conception of writing intimately linked to failure (Beckett). At the crossroads of psychoanalysis, Queer theories, and book history, I analyze the different modalities of these failures in literary works and in theory (Agamben, Butler, Deleuze, Foucault, Grossman). I make the texts of Roland Barthes, Victor-Lévy Beaulieu, Marie-Claire Blais, and Hélène Cixous interact with scholar and popular works, both from Europe, Québec and the United States (Hubert Aquin, The Beatles, Joan Didion, Céline Dion, Lautréamont, Courtney Love, Stéphane Mallarmé, Marcel Proust, Ginette Reno, André Roy, Chloé Savoie-Bernard, Zadie Smith). Failure is experienced as a melancholy for a writer like Beaulieu, as a liberating jouissance for Cixous, it is a necessary step for Barthes, while it acquires an ethical dimension in the works of Marie-Claire Blais. The notion of fantasy allows me to approach different psychic and libidinal economies of writing, of which I propose a Queer interpretation. I hope through these analyzes and these theoretical proposals to contribute renewing the reading framework of fictitious books and of discourses on the process of literary creation.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26816 |
Date | 01 1900 |
Creators | Lambert, Kevin |
Contributors | Mavrikakis, Catherine, Michaud, Ginette |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
Page generated in 0.0034 seconds