Les systèmes qui se développent dans les roches carbonatées gardent une plus ou moins grande mémoire des épisodes responsables de leur recharge. Les études hydrodynamiques diachroniques (analyse des courbes de récession et ajustement à des lois mathématiques) ou l'exploitation statistique des données (étude des débits classés, analyse corrélatoire et spectrale) permettent de mettre en évidence cette mémoire et de la quantifier en termes de réserves. L'hydrochimie est aussi un outil très puissant pour l'étude de la mémoire du système, car elle permet, grâce à son aspect qualitatif, de préciser l'origine des masses d'eaux transitant par l'exutoire, et ainsi d'affiner la reconstitution du fonctionnement hydrocinématique de l'aquifère. Cette reconstitution a été tentée à partir de deux démarches complémentaires, le suivi diachronique, étude des variations temporelles de concentration ou de flux physico-chimique d'émergences sélectionnées (suivi hebdomaclaire du Pont de Gys en Haute-Savoie, du Verneau dans le Doubs, du Baget en Ariège et de la Fontaine de Vaucluse, suivi quotidien de la Fontaine de Vaucluse, du Groseau et d'Aurel dans le Sud-Est de la France), et le cliché synchrone, prospection spatiale d'une province hydrogéologique à une période judicieusement choisie (Jura, Haut-Doubs, Haute-Saône et Sud-Est de la France). Les deux modes d'approche fournissent des résultats concordants: le système karstique en période hydrodynamiquement réputée non influencée (tarissement s.s.) garde la mémoire d'épisodes de recharge ayant modifié la chimie de la réserve assurant ce tarissement. Inversement, les abondantes précipitations responsables d'une montée de crue peuvent mobiliser d'importants volumes d'une eau à marque chimique de la réserve : le système en crue garde l'empreinte chimique de ses réserves. Le fonctionnement hydrocinématique des systèmes résulte donc de l'interaction de ces deux types de mémoire: mémoire à court terme et à long terme. La première partie de ce travail traite du suivi des paramètres physico-chimiques au cours du cycle hydrologique ainsi qu'en étiage. L'analyse des données montre que pendant le tarissement au sens strict les teneurs caractéristiques des réserves permanentes du système oscillent de manière aléatoire, aux erreurs analytiques près, autour d'une moyenne caractéristique de l'état hydrodynamique et hydrochimique de la réserve, et de l'histoire de sa recharge ; c'est pourquoi il est nécessaire, pour comparer le comportement de plusieurs émergences, de les étudier simultanément. La physico-chimie du système en tarissement est très sensible aux apports d'eau par la surface : on peut observer d'une part des transits rapides et directs d'eau chimiquement marquée par la zone non saturée, sans que le débit varie de manière appréciable et d'autre part une recharge partielle des blocs capacitifs du système par cette même infiltration ; dans ce cas, on note une évolution de la qualité des eaux des réserves à la suite de ces précipitations. Les basses eaux consécutives à ces pluies ne peuvent dès lors plus être considérées comme du tarissement au sens strict. Dans les systèmes bien karstifiés, les montées de crues mobilisent des eaux (marquées chimiquement par la réserve) présentes dans les drains au moment de l'infiltration. Cet effet piston, bien visible dans la chimie des eaux de l'émergence est suivi par l'arrivée des eaux d'infiltration qui se mélangent aux eaux de réserve. La deuxième partie tente de calculer la part relative des deux composantes (infiltration et réserve) au cours de crues ou au cours de cycles. Les résultats ne contredisent pas ceux obtenus par des méthodes hydrodynamiques ; toutefois la méthode physico-chimique donne plus de poids à la contribution des réserves, mais surtout met bien en évidence les décalages temporels existant entre les variations du débit (transfert) et le passage effectif des masses d'eau à l'exutoire (transit). Ces décalages sont fonction du type et de l'importance de la karstification. La troisième partie justifie l'emploi des campagnes de prélèvements instantanés des eaux des principales sources d'une région karstique, elle en précise les limites. Dans le Jura, l'altitude moyenne des impluviums et des réserves permanentes peut être obtenue par l'étude des teneurs en oxygène 18 et des températures. La chimie des eaux jurassiennes et son analyse multidimensionnelle mettent en évidence l'opposition structurale Haute-Chaîne-plateaux : les émergences de la Haute-Chaîne drainant des systèmes à faibles réserves (à temps de séjour faible) peu affectés par l'activité humaine, celles des plateaux drainant des aquifères à réserves plus développées établis sous des zones cultivées. Elles permettent de reconnaître les influences anthroplques et par là d'envisager un réseau de surveillance de la qualité de l'eau des réserves. L'acquisition des données de pCO2, de température et d'oxygène 18 fait considérer les campagnes de basses eaux hivernales comme de la décrue (ces campagnes incluant l'écoulement d'eaux d'infiltration différée) et non comme du tarissement. Toutefois l'utilisation des instantanés dans des régions trop monotones ou trop contrastées en limite l'intérêt. Dans le sud-Est de la la France, le rôle de la lithologie (dolomies ou évaporites) prévaut sur celui du fonctionnement hydrocinématique. Cependant, le rôle de l'évapotranspiration de surface est bien visible dans l'écoulement de l'émergence en basses eaux.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00654518 |
Date | 05 May 1987 |
Creators | Mudry, Jacques |
Publisher | Université de Franche-Comté |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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