Le bassin de l'Yzeron (147 km²) est composé de trois grands ensembles : 1) à l'ouest, les Monts du Lyonnais essentiellement ruraux ; 2) au centre, le Plateau Lyonnais, sur une grande partie duquel s'étend l'actuelle couronne périurbaine de l'agglomération lyonnaise ; 3) à l'est, la paléovallée du Rhône et de la Saône, dont la majeure partie est occupée par une urbanisation dense. Un grand nombre d'incisions ont été identifiées à l'aide d'indicateurs visuels et des relations de géométrie hydraulique aval (space-time substitution technique). L'ensemble des tronçons incisés se situe sur les cours d'eau de tête de bassin (ordre 1 ou 2 selon Strahler). Les incisions sont plus importantes sur le Plateau Lyonnais où elles ont principalement été engendrées par l'imperméabilisation des sols et le développement des réseaux de drainage artificiels. Le rôle de l'urbanisation est également souligné par les analyses dendrochronologiques des arbres riverains qui montrent que les incisions ont principalement débuté entre 1970 et 1990. En effet, la superficie des zones urbaines a doublé durant cette période dans le bassin de l'Yzeron (Radojevic et al. 2002), et cette progression moyenne a probablement été supérieure sur le plateau qui a connu la plus forte croissance démographique relative. Sur le plateau, aucune incision n'a été identifiée dans les bassins dont le taux d'imperméabilisation est inférieur à 10%, seuil déjà observé par plusieurs auteurs dans différentes régions (Schueler 1995 d'après Doll et al. 2002, Booth et Jackson 1997, Bledsoe et al. 2001a, Coleman et al. 2005). Néanmoins, un tiers des incisions (en pourcentage de la longueur totale des tronçons incisés) se situent également dans les Monts du Lyonnais où l'urbanisation s'est très peu développée. Dans cette unité paysagère, la croissance des arbres riverains n'a pas été affectée par l'abaissement du niveau du lit si bien que nous n'avons pas pu dater les incisions. Les faibles dimensions des chenaux incisés et leur stade d'évolution suggèrent néanmoins qu'il s'agit également d'incisions relativement récentes, bien que leurs origines puissent remonter à plusieurs décennies, voire plusieurs siècles. En effet, l'étude de l'évolution pluriséculaire de l'occupation du sol a montré que l'emprise des terres cultivées, et plus particulièrement des labours et des vignes, était nettement plus importante au 19ème et au début du 20ème siècle. Par ailleurs, l'ancienneté des occupations humaines dans la région lyonnaise, ainsi que certaines archives historiques (Privolt 2010 ; N. Jacob, communication personnelle), suggèrent que ces terres cultivées étaient très étendues bien avant le 19ème siècle. Celles-ci ont donc probablement favorisé pendant plusieurs siècles une production sédimentaire abondante des versants et des dépôts corrélatifs dans les fonds de vallée. C'est d'autant plus probable que les terres cultivées se situaient principalement sur les versants alors que les fonds de vallée, plus humides, étaient généralement en prairies. La rugosité plus élevée des fonds de vallées a donc pu contribuer au dépôt des sédiments issus du ruissellement sur les versants cultivés (colluvions) ou des débordements de crues (alluvions). Les statistiques annuelles du 20ème siècle ont montré une importante diminution des surfaces agricoles. Dans les Monts du Lyonnais, celles-ci ont été principalement remplacées par des prairies et, plus récemment, par des boisements. Cette évolution a fortement diminué le ruissellement et l'érosion des sols, d'où un déficit sédimentaire relatif qui contribue à perturber l'équilibre des chenaux. De plus, l'exhaussement des chenaux dans les fonds de vallée propices au remplissage sédimentaire (en tête de bassin, avec une pente faible et une largeur plus importante) a entraîné une augmentation de la pente avec les tronçons aval dont l'énergie est relativement plus forte (absence de dépôts), ce qui favorise des incisions régressives. Sur le Plateau Lyonnais, les terres agricoles ont également laissé place aux surfaces urbaines. Aussi, lorsque l'urbanisation se développe sur un bassin versant ayant subi les effets à long terme des labours, ces deux dernières perturbations se cumulent et peuvent engendrer des incisions extrêmement développées, comme c'est par exemple le cas sur le ruisseau de la Chaudanne. De plus, quelle que soit l'occupation du sol, les drains artificiels (routes, pistes, réseaux d'assainissement) peuvent entraîner des incisions. Celles-ci sont d'autant plus longues que la longueur des drains et la pente du fond de vallée augmentent. Cette tendance peut être expliquée par la faible disponibilité en sédiments mobilisables dans le lit et les berges : à mesure que les volumes déversés par les drains augmentent, la recharge sédimentaire s'accomplit sur un plus grand linéaire de cours d'eau faute de pouvoir être pleinement satisfaite dans les dimensions verticales et latérales ; lorsque la pente augmente, les chenaux présentent plus de matériaux grossiers résistants à l'érosion et une plus faible dynamique latérale, ce qui favorise encore davantage les ajustements dans la dimension longitudinale. L'influence secondaire de la pente peut également être liée à l'épaisseur des formations superficielles et à la taille du bassin versant : de manière générale, l'épaisseur des formations superficielles est plus faible dans les fonds de vallée à forte pente si bien que les drains artificiels peuvent intercepter plus efficacement les écoulements subsurfaciques ; ces fonds de vallée drainent des bassins versants plus petits où la part des écoulements subsurfaciques est naturellement plus élevée, si bien que l'augmentation des écoulements superficiels est relativement plus intense après implantation de routes ou de pistes. Par ailleurs, l'influence de la taille du bassin versant a été clairement mise en évidence, même parmi les cours d'eau de faible rang : aucune incision n'a été recensée au-delà de 4 km², et ce seuil descend à 2 km² sur la plupart des cours d'eau des Monts du Lyonnais. Les petits cours d'eau sont donc intrinsèquement plus sensibles à toute perturbation qui contribue à réduire la capacité d'infiltration des sols et à intercepter les écoulements subsurfaciques. La sensibilité à l'incision dépend également de la morphologie des fonds de vallée qui peut être prise en compte par une approche typologique (Schmitt et al. 2004). Nos résultats soulignent l'intérêt de cette typologie hydrogéomorphologique qui, associée à la superficie des bassins versants, permet d'identifier les cours d'eau potentiellement sensibles aux incisions. Les effets hydrologiques des déversoirs d'orages sur la stabilité du lit des cours d'eau ont été étudiés sur le ruisseau de la Chaudanne qui présente la plus importante incision du bassin versant. Les déversements augmentent fortement l'intensité et la fréquence de la plupart des crues morphogènes (supérieures au débit critique) mais ne s'accompagne pas d'une augmentation équivalente de leur durée annuelle. Ils tendent également à diminuer les débits de basses eaux et la durée annuelle des crues de faible intensité, du moins par rapport aux crues plus intenses. Cela entraîne une modification de l'efficacité géomorphologique relative des écoulements de différentes intensités. Les chenaux doivent alors s'ajuster à des débits nettement plus élevés mais brefs, ce qui peut considérablement retarder le rétablissement d'un nouvel équilibre morphodynamique (temps de relaxation plus long). Cette évolution pourrait également expliquer le fait que la réponse du chenal se soit manifestée par une importante incision plutôt que par un ajustement progressif de ses dimensions. Bien que les tronçons incisés ne représentent qu'une partie relativement faible du réseau hydrographique (6%), les taux d'agrandissement des chenaux sont considérables (11,7 en moyenne) et les berges érodées sont majoritairement constituées de sables (53% en moyenne). Les incisions constituent donc une importante source de sédiments fins. D'après les traçages par fluorescence, la fourniture sédimentaire depuis les tronçons incisés en amont représente 27 à 62% du transport solide annuel de la rivière Yzeron pour la fraction 0,5-4 mm (66% des dépôts sableux). Ce résultat montre que les incisions de tête de bassin contribuent de manière significative à l'ensablement des branches principales du réseau hydrographique (ordre 3 à 5 selon Strahler) étant donné leur faible capacité à évacuer ces sédiments. Leur capacité de transport est également fortement diminuée par la présence de nombreux seuils artificiels. Quand la pente est faible, ces aménagements peuvent entraîner un ensablement du lit sur plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de mètres. Enfin, nous avons formulé diverses recommandations opérationnelles pour limiter les impacts hydrogéomorphologiques liés à l'anthropisation du bassin en général, et à l'urbanisation en particulier. Ces recommandations reposent sur trois échelles d'intervention : les versants, les cours d'eau de tête de bassin et les branches principales du réseau hydrographique. Les mesures proposées visent notamment à ralentir ou à stocker temporairement les flux hydriques sur les versants, à contrôler et à redresser le profil en long des tronçons incisés dans le cas d'enjeux locaux, et à piéger une partie de la charge sableuse en transit en amont des tronçons les plus sensibles à l'ensablement.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00738293 |
Date | 12 December 2011 |
Creators | Grospretre, Loic |
Publisher | Université Lumière - Lyon II |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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