Cette thèse en communication porte sur le code source informatique. Le code source est l'objet de la programmation informatique et peut être défini comme un ensemble de commandes informatiques humainement lisibles, « écrites » dans un langage de programmation de haut niveau (Krysia et Grzesiek, 2008). Depuis quelques années, le code source fait l'objet d'une signification sociale et politique grandissante. Le mouvement du logiciel libre place par exemple au cœur de sa politique le libre accès au code source. Ce mouvement a d'ailleurs permis l'émergence de nombreux collectifs articulés autour de la fabrication collective du code source. Si plusieurs études se sont attardées aux différents aspects de ces collectifs et aux usages des technologies numériques en général, force est toutefois de constater que le code source reste un objet remarquablement négligé dans les études en communication. L'objectif principal de cette thèse est donc d'aborder frontalement l'artefact code source, en répondant à cette question centrale de recherche : qu'est-ce que le code source et comment cet artefact agit-il dans les reconfigurations d'Internet? Notre problématique s'articule selon trois axes. D'abord, le constat de la signification sociale et politique grandissante du code source, qui s'exprime notamment dans un discours faisant du code source une forme d'expression. Ensuite, la manière dont, pour certains auteurs, le code informatique agit à la manière d'une loi en prescrivant ou limitant certains comportements. Finalement, un dernier axe concerne les rapports d'autorité et le travail invisible dans la fabrication du code source. Sur le plan théorique, notre étude se situe à l'intersection du champ « Science, technologie et société » (STS) et de celui des études en communication. Elle s'appuie largement sur les travaux récents de Lucy Suchman (2007) qui cherchent à poser le regard sur des dynamiques de reconfigurations mutuelles et permanentes des relations entre humains et machines. Notre étude mobilise également certains travaux français se situant en continuité de la théorie de l'acteur-réseau, et s'attardant au travail nécessaire à la stabilité et la performativité des artefacts. D'un point de vue méthodologique, notre étude prend comme terrain SPIP et symfony, deux logiciels qui ont en commun d'être utilisés comme infrastructures dans le fonctionnement de nombreux sites web interactifs, souvent désignés sous l'appellation « web 2.0 ». Les deux logiciels sont originaires de France et continuent de mobiliser un nombre significatif d'acteurs français. Ces projets se distinguent par les valeurs mises de l'avant, plus militantes et non commerciales dans le cas de SPIP, plus professionnelles et commerciales dans le cas de symfony. La langue utilisée dans l'écriture du code source est également différente : français pour SPIP, anglais pour symfony. L'enquête combine l'analyse de documents et de traces en ligne, des entretiens semi-dirigés avec les acteurs des projets, de même que l'observation de différentes rencontres entre les acteurs. Notre étude fait tout d'abord clairement ressortir une certaine ambiguïté entourant la définition de la notion du « code source ». Alors que le code source est souvent appréhendé comme un « texte », « que l'on écrit », l'analyse des définitions plus formelles, ou encore de l'objet désigné par les acteurs par le terme de « code source », montre que cet objet renvoie souvent à différents types de médias, comme des images, et même des artefacts qui ne sont pas directement destinés au fonctionnement des ordinateurs. À l'instar des propos de certains acteurs, nous croyons que la définition de ce qui constitue le code source revêt même une dimension politique, dans ce sens qu'elle tend à valoriser certains types d'activités plutôt que d'autres. L'analyse du processus de fabrication collective du code source dans les deux projets montre également des différences importantes au niveau de l'organisation du code source, de même que dans la mise en œuvre des normes et des « autorisations » d'écriture dans chacun des projets. Ces différences s'articulent avec les valeurs des projets et participent d'une certaine configuration du type d'acteur destiné à interagir avec telle ou telle partie du code source. En conclusion, nous insistons sur le fait que le code source ne doit pas seulement être appréhendé comme étant le noyau des infrastructures d'information. Il doit aussi être appréhendé, dans une perspective communicationnelle et sociologique, comme un artefact à travers duquel des acteurs humains entrent en relation entre eux pour reconfigurer le monde socionumérique au sein duquel ils et elles sont engagés. Suivant l'approche de Suchman, nous proposons donc d'appréhender le code source comme une interface, ou une multiplicité d'interfaces, dans les reconfigurations d'Internet, en insistant sur la manière dont le design de ces interfaces entraîne certaines conséquences, en particulier en privilégiant la participation de certains acteurs plutôt que d'autres.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : code source, logiciels libres, artefacts, études STS, reconfigurations humain-machine.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.5210 |
Date | 12 1900 |
Creators | Couture, Stéphane |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Thèse acceptée, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/5210/ |
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