Trois grandes formes d’inégalités se conjuguent dans les modalités contemporaines du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes vivant avec une incapacité : 1) la persistance d’une division genrée de la responsabilité des soins aux proches et ses conséquences sur la trajectoire professionnelle et économique des femmes; 2) le déplacement d’une partie des tâches de soins vers des travailleuses à statut précaire; 3) les difficultés d’accès aux soins pour les personnes vivant avec une incapacité, en particulier pour les femmes âgées à faible revenu, dans le contexte d’une moins grande disponibilité des proches et d’une limitation des services offerts par l’État. À partir de l’idée que la mise en place de politiques publiques n’est jamais la simple conséquence de l’identification d’un problème social, mais qu’elle implique une lecture politique du défi auquel il fait faire face (Jenson, 2008) ou dit autrement, qu’elle engage une façon particulière de se représenter le problème (diagnostic) et les solutions (pronostic) à mettre en oeuvre (Bacchi, 2009, 2012; Verloo, 2007), cette thèse a pour objectif d’explorer comment certains événements discursifs qui donnent forme aux politiques publiques, ont contribué à définir les modalités du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes âgées vivant avec une incapacité. L’hypothèse formulée est que les discours sont porteurs d’éléments contribuant à contester ou à renforcer des rapports sociaux porteurs d’inégalités entre les femmes et les hommes. Les discours produits par différents groupes d’acteurs à l’occasion de la Commission Rochon (1985-1988), de la Commission Clair (2000) et des Consultations sur le projet d’assurance-autonomie (2013) ont été analysés puis comparés selon une perspective synchronique puis diachronique. La thèse suggère que les trois événements discursifs étudiés ont donné lieu à différentes problématisations de l’enjeu du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes âgées vivant avec des incapacités et, qu’au sein de ces discussions, il existe des espaces de reproduction et de contestation des rapports sociaux de soins générateurs d’inégalités. Les discours entendus ont ainsi contribué à définir l’identité des groupes sociaux engagés dans les rapports de soins. Les personnes âgées ont essentiellement été définies à partir de leur vulnérabilité, de leur perte d’autonomie et selon une figure d’usager-consommateur. Les personnes proches aidantes se sont progressivement constituées comme catégorie et comme acteur collectif susceptible de faire entendre, sur la place publique, des souffrances et des inégalités (Cefaï, 2007) et de mobiliser une voix politique (Verloo, 2007). Les travailleuses rémunérées des soins ont, quant à elles, été l’objet de discussions, mais presque essentiellement à partir de l’enjeu de leur qualification/non-qualification à assurer les services d’assistance personnelle aux personnes âgées vivant avec une incapacité. Quatre récits narratifs du partage de la responsabilité des soins entre l’État, le marché, le tiers secteur et la famille émergent de... / Three major forms of inequality are interrelated in contemporary modalities of sharing responsibility for caring for people with disabilities: 1) the persistence of a gendered division of caregiving responsibilities and its consequences on the professional and economic trajectory of women; 2) the transfer of some of these tasks to female workers with precarious status; 3) lack of access to care for people with disabilities, especially for low-income older women, in the context of reduced availability of family members and limited services offered by the state. Based on the idea that the implementation of public policies is never the simple consequence of identifying a social problem, but that it implies a political reading of the challenge it faces (Jenson, 2008) or otherwise stated that it involves a particular way of representing the problem (diagnosis) and the solutions (prognosis) to be implemented (Bacchi, 2009, 2012; Verloo, 2007), this thesis aims to explore how certain discursive events that shape public policy have helped define the modalities of the share responsibility for caring for seniors with disabilities. The formulated hypothesis is that discourses carry elements that contribute to challenge or reinforce social relations creating inequalities between women and men. The speeches produced by different groups of actors during the Rochon Commission (1985–1988), the Clair Commission (2000) and the Consultations on the Autonomy Insurance Project (2013) were analyzed and compared according to a synchronic then diachronic perspective. This thesis suggests that the three discursive events under study led to different problematizations of the issue of shared responsibility for caring for older people with disabilities and that, within these discussions, there are spaces of reproduction and contestation of social relations of caring generating inequalities. The speeches heard thus helped to define the identity of the social groups involved in the care relationship. Older people have essentially been defined on the basis of their vulnerability, their loss of autonomy and according to a user-consumer figure. Caregivers have gradually emerged as a category and as a collective actor likely to raise public awareness on suffering and inequality (Cefaï, 2007) and to mobilize a political voice (Verloo, 2007). Female workers paid for caring have been the subject of discussion, but almost exclusively from the issue of their qualification/non-qualification to provide personal assistance services to elderly people living with a disability. Four narratives of shared responsibility for caring between the state, the market, the third sector, and the family emerge from discourse analysis: 1) Mixed Competitive Regulation; 2) Competitive Market Regulation; 3) Social-Statist Regulation; 4) Mixed State/Third Sector Regulation. Each of these narratives is carried by different alliances of actors and mobilizes different configurations of the problem definition, the solution to be adopted, the cares and identities as well as discursive postures regarding the sexual division of care work. In conclusion, three main conclusions emerge as to the reproduction and the contestation of social...
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/31885 |
Date | 24 October 2018 |
Creators | Deshaies, Marie-Hélène |
Contributors | Rousseau, Stéphanie, D'Amours, Martine |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xxi, 424 pages), application/pdf |
Coverage | Québec (Province), 20e siècle, 21e siècle |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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