Cette recherche, centrée sur le concept de « valeur de lien », traite plus spécifiquement de sa mobilisation au sein de l’entreprise d’assurance mutualiste, en vue d’esquisser un renouveau de son modèle ainsi que de l’idéal démocratique dont il est porteur. Elle s’inscrit dans les évolutions de la société contemporaine, dans laquelle le consumérisme de masse fait progressivement place à une consommation choisie, et où la relation de pur commerce prend une dimension sociétale. La dichotomie classique producteur-consommateur est ainsi tempérée, et l’on assiste à l’établissement de nouveaux types de relations entre les acteurs de la consommation. L’analyse de ce processus d’effacement progressif des frontières entre acteurs de la consommation est au cœur de notre travail. En effet, au sein des sociétés d’assurance mutualistes, les parties prenantes nouent des relations spécifiques, qui dépassent la relation de consommation classique, apportant à l’échange marchand, au-delà d’une valeur d’échange et d’une valeur d’usage, une « valeur de lien ». Le concept de valeur de lien est issu des sciences sociales. L’émergence des « communautés de marques » dans le domaine de l’économie des biens a conduit les théoriciens et les praticiens du marketing à mobiliser ce concept dans les sciences de gestion. Mais la mobilisation de ce concept dans l’économie des services et plus spécifiquement dans l’assurance, reste encore fragmentaire et partielle, laissant ainsi un champ libre à ce travail de recherche. Notre recherche trouve son ancrage dans un travail d’enquête effectué au sein du sociétariat et de certains personnels du groupe Macif. Nous avons été conduits à qualifier la valeur de lien « d’objet fuyant », et donc à concevoir une démarche d’investigation spécifique permettant de la mettre en évidence et de la caractériser au sein de l’entreprise. Cette démarche s’appuie sur une analyse d’entretiens effectués auprès d’un groupe exploratoire constitué de sociétaires et de personnels en contact du groupe Macif. Elle met en œuvre une technique de codage des données et un traitement informatique adapté (logiciel Modalisa). La démarche d’investigation s’effectue selon une double analyse des données, de type étique-émique (ou horizontal-vertical), visant tout d’abord à comprendre ce qui fait sens à travers les discours des répondants, ensuite à dégager de ce sens les éléments d’une structuration de la valeur de lien. Une telle démarche implique notamment, de la part de l’intervieweur, une capacité d’empathie avec les répondants. Notre recherche nous conduit à dégager les résultats suivants : • En premier lieu, nous qualifions « l’expérience du lien », fondée sur les émotions, une intention de réciprocité, une éthique de fonctionnement et une confiance partagée. • Ensuite, une caractérisation de la valeur de lien dans le champ mutualiste est proposée, sur la base d’une extension de la typologie de Rémy (2000), qui fait actuellement référence dans le champ des entreprises de service. • Puis nous montrons comment la valeur de lien se manifeste, selon que le lien est fondé sur un militantisme a priori, ou sur une relation suscitée a posteriori lors de l’échange entre les personnels en contact et les assurés. • Nous soulignons les principaux traits de la valeur de lien : une capacité à tempérer l’altérité créée par le contrat, une dissymétrie entre les partenaires de l’échange, un manque de sentiment communautaire au sein-même du sociétariat. • Nous dégageons les domaines d’expression privilégiés de cette valeur de lien : l’empathie dont témoignent les personnels en contact et les dispositifs à visée solidaire et de l’entreprise. • La reconnaissance émerge également comme fondatrice de la valeur de lien. Notre démarche s’inscrit dans le champ de la théorie de la reconnaissance qui fonde une éthique de la relation interpersonnelle, constitutive du lien social. [...] / This research focuses on the concept of « linking value », applied to mutualist insurance companies, in order to contribute to the revival of their core values and democratic ideals. It is fed by the evolutions of contemporary society, where chosen consumption is progressively replacing mass consumerism, thus moderating the producer-consumer dichotomy, which allows new types of relationships between actors to emerge. The progressive disappearance of the borders between consumption actors is key to our work, as the mutualist insurance companies’ stakeholders build new types of relations, beyond classic consumption relations, which yields not only exchange value and use value, but also a linking value. The concept of linking value was originally developed by social science, and further brand community developments have led to mobilize this notion in the marketing field. Its usage in the field of insurance services is new. Our work comprises a survey among members of Groupe Macif, including interviews with Macif employees, Macif delegates, and Macif’s historic founder. Linking value is an “evasive object”, and we had to implement a specific research methodology in order to bring it to light and characterize it within the company. To analyze the interviews, we used an appropriate coding technique, through dedicated software (Modalisa). The research is carried through a double data analysis method, named etic - emic (or horizontal – vertical), aimed first at understanding what has a meaning in the respondent’s locutions, and then at identifying the elements of structure of the linking value from the meanings identified. Such reasoning requires that the interviewer has empathy capacities with the respondents. Our research brings the following results: • First, we qualify the “link experience” based on emotions, a reciprocity intention, an ethical functioning and shared confidence. • We then propose a characterization of linking value in the mutualist field, based on an extension to Rémy’s typology (2000), which is the current reference for services companies. • Next, we show how linking value emerges, depending on it being based on a priori activism, or on a posteriori relationship between the employees and the policy holder. • We establish the main characteristics of linking value: its capacity to temper the otherness created by the contract, an asymmetry between the partners of the exchange, the very lack of community feelings among members. • We expose the privileged expression vectors for this linking value: the empathy deployed by company’s employees and the solidarity schemes. • Recognition emerges also as a foundation to linking value. We register our reasoning in the field of recognition theory, as it founds an ethic of interpersonal relationship, constituent of social link. The mutual recognition dynamics allows each individual to experience a “collective revival”, and to share his belonging to a political or ethical community, without losing his identity. Mutualist insurance companies need to recognize such a pluralist community, in which each individual sees himself in the purpose of a company model, as this recognition founds linking value. We finally show that resuming the democratic ideals that historically founded Mutualist Associations is what will allow them to restore an authentic social link, in the spirit of modern mutualism.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2009ECAP0046 |
Date | 17 December 2009 |
Creators | Weber, Juliette |
Contributors | Châtenay-Malabry, Ecole centrale de Paris, Mounoud, Éléonore |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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