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Modélisation des biais mutationnels et rôle de la sélection sur l’usage des codons

L’acquisition de données génomiques ne cesse de croître, ainsi que l’appétit pour les interpréter. Mais déterminer les processus qui ont façonné l’évolution des séquences codantes (et leur importance relative) est un défi scientifique passant par le développement de modèles statistiques de l’évolution prenant en compte de plus en plus d’hétérogénéités au niveau des processus mutationnels et de sélection.

Identifier la sélection est une tâche qui nécessite typiquement de détecter un écart entre deux modèles : un modèle nulle ne permettant pas de régime évolutif adaptatif et un modèle alternatif qui lui en permet. Lorsqu’un test entre ces deux modèles rejette le modèle nulle, on considère avoir détecter la présence d’évolution adaptative. La tâche est d’autant plus difficile que le signal est faible et confondu avec diverses hétérogénéités négligées par les modèles.

La détection de la sélection sur l’usage des codons spécifiquement est controversée, particulièrement chez les Vertébrés. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette controverse : (1) il y a un biais sociologique à voir la sélection comme moteur principal de l’évolution, à un tel point que les hétérogénéités relatives aux processus de mutation sont historiquement négligées ; (2) selon les principes de la génétique des populations, la petite taille efficace des populations des Vertébrés limite le pouvoir de la sélection sur les mutations synonymes conférant elles-mêmes un avantage minime ; (3) par contre, la sélection sur l’usage des codons pourrait être très localisée le long des séquences codantes, à des sites précis, relevant de contraintes de sélection relatives à des motifs utilisés par la machinerie d’épissage, par exemple.

Les modèles phylogénétiques de type mutation-sélection sont les outils de prédilection pour aborder ces questions, puisqu’ils modélisent explicitement les processus mutationnels ainsi que les contraintes de sélection. Toutes les hétérogénéités négligées par les modèles mutation-sélection de Yang and Nielsen [2008] peuvent engendrer de faux positifs allant de 20% (préférence site-spécifique en acides aminés) à 100% (hypermutabilité des transitions en contexte CpG) [Laurin-Lemay et al., 2018b]. En particulier, l’hypermutabilité des transitions du contexte CpG peut à elle seule expliquer la sélection détectée par Yang and Nielsen [2008] sur l’usage des codons.

Mais, modéliser des phénomènes qui prennent en compte des interdépendances dans les données (par exemple l’hypermutabilité du contexte CpG) augmente de beaucoup la complexité des fonctions de vraisemblance. D’autre part, aujourd’hui le niveau de sophistication des modèles fait en sorte que des vecteurs de paramètres de haute dimensionnalité sont nécessaires pour modéliser l’hétérogénéité des processus étudiés, dans notre cas de contraintes de sélection sur la protéine.

Le calcul bayésien approché (Approximate Bayesian Computation ou ABC) permet de contourner le calcul de la vraisemblance. Cette approche diffère de l’échantillonnage par Monte Carlo par chaîne de Markov (MCMC) communément utilisé pour faire l’approximation de la distribution a posteriori. Nous avons exploré l’idée de combiner ces approches pour une problématique spécifique impliquant des paramètres de haute dimensionnalité et de nouveaux paramètres prenant en compte des dépendances entre sites. Dans certaines conditions, lorsque les paramètres de haute dimensionnalité sont faiblement corrélés aux nouveaux paramètres d’intérêt, il est possible d’inférer ces mêmes paramètres de haute dimensionnalité avec la méthode MCMC, et puis les paramètres d’intérêt au moyen de l’ABC. Cette nouvelle approche se nomme CABC [Laurin-Lemay et al., 2018a], pour calcul bayésien approché conditionnel (Conditional Approximate Bayesian Computation : CABC).

Nous avons pu vérifier l’efficacité de la méthode CABC en étudiant un cas d’école, soit celui de l’hypermutabilité des transitions en contexte CpG chez les Eutheria [Laurin-Lemay et al., 2018a]. Nous trouvons que 100% des 137 gènes testés possèdent une hypermutabilité des transitions significative. Nous avons aussi montré que les modèles incorporant l’hypermutabilité des transitions en contexte CpG prédisent un usage des codons plus proche de celui des gènes étudiés. Ceci suggère qu’une partie importante de l’usage des codons peut être expliquée à elle seule par les processus mutationnels et non pas par la sélection.

Finalement nous explorons plusieurs pistes de recherche suivant nos développements méthodologiques : l’application de la détection de l’hypermutabilité des transitions en contexte CpG à l’échelle des Vertébrés ; l’expansion du modèle pour reconnaître des contextes autres que seul le CpG (e.g., hypermutabilité des transitions et transversions en contexte CpG et TpA) ; ainsi que des perspectives méthodologiques d’amélioration de la performance du CABC. / The acquisition of genomic data continues to grow, as does the appetite to interpret them. But determining the processes that shaped the evolution of coding sequences (and their relative importance) is a scientific challenge that requires the development of statistical models of evolution that increasingly take into account heterogeneities in mutation and selection processes.

Identifying selection is a task that typically requires comparing two models: a null model that does not allow for an adaptive evolutionary regime and an alternative model that allows it. When a test between these two models rejects the null, we consider to have detected the presence of adaptive evolution. The task is all the more difficult as the signal is weak and confounded with various heterogeneities neglected by the models.

The detection of selection on codon usage is controversial, particularly in Vertebrates. There are several reasons for this controversy: (1) there is a sociological bias in seeing selection as the main driver of evolution, to such an extent that heterogeneities relating to mutation processes are historically neglected; (2) according to the principles of population genetics, the small effective size of vertebrate populations limits the power of selection over synonymous mutations conferring a minimal advantage; (3) On the other hand, selection on the use of codons could be very localized along the coding sequences, at specific sites, subject to selective constraints related to DNA patterns used by the splicing machinery, for example.

Phylogenetic mutation-selection models are the preferred tools to address these issues, as they explicitly model mutation processes and selective constraints. All the heterogeneities neglected by the mutation-selection models of Yang and Nielsen [2008] can generate false positives, ranging from 20% (site-specific amino acid preference) to 100% (hypermutability of transitions in CpG context)[Laurin-Lemay et al., 2018b]. In particular, the hypermutability of transitions in the CpG context alone can explain the selection on codon usage detected by Yang and Nielsen [2008].

However, modelling phenomena that take into account data interdependencies (e.g., hypermutability of the CpG context) greatly increases the complexity of the likelihood function. On the other hand, today’s sophisticated models require high-dimensional parameter vectors to model the heterogeneity of the processes studied, in our case selective constraints on the protein.

Approximate Bayesian Computation (ABC) is used to bypass the calculation of the likelihood function. This approach differs from the Markov Chain Monte Carlo (MCMC) sampling commonly used to approximate the posterior distribution. We explored the idea of combining these approaches for a specific problem involving high-dimensional parameters and new parameters taking into account dependencies between sites. Under certain conditions, when the high dimensionality parameters are weakly correlated to the new parameters of interest, it is possible to infer the high dimensionality parameters with the MCMC method, and then the parameters of interest using the ABC. This new approach is called Conditional Approximate Bayesian Computation (CABC) [Laurin-Lemay et al., 2018a]. We were able to verify the effectiveness of the CABC method in a case study, namely the hypermutability of transitions in the CpG context within Eutheria [Laurin-Lemay et al.,2018a]. We find that 100% of the 137 genes tested have significant hypermutability of transitions. We have also shown that models incorporating hypermutability of transitions in CpG contexts predict a codon usage closer to that of the genes studied. This suggests that a significant part of codon usage can be explained by mutational processes alone.

Finally, we explore several avenues of research emanating from our methodological developments: the application of hypermutability detection of transitions in CpG contexts to the Vertebrate scale; the expansion of the model to recognize contexts other than only CpG (e.g., hypermutability of transitions and transversions in CpG and TpA context); and methodological perspectives to improve the performance of the CABC approach.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/24481
Date10 1900
CreatorsLaurin-Lemay, Simon
ContributorsPhilippe, Hervé, Rodrigue, Nicolas
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse

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