Dans ce mémoire, je me suis tournée vers la création d'un recueil de poèmes à partir de la question suivante : comment le poème, et plus particulièrement le poème en prose, peut-il procéder à l'élaboration d'un langage dont le rythme, la voix, la présence et même le déploiement sur la page rappellent le travail de mémoire et d'archivage convoqué par les albums de photographies de famille? Il s'agissait de construire des poèmes qui permettaient à la fois une conservation et une lecture nouvelle de ma mémoire familiale. Sur la frontière entre remémoration et création, entre reconnaissance et ressemblance - les moments contemplés n'ayant pas été vécus - j'ai interprété l'écriture du poème comme une forme de rapport à l'espace, comme une image. À l'instar des albums de famille qui, hormis certains clichés figurant dans une ligne temporelle qui n'est pas la leur, se construisent en suivant une chronologie cohérente, le recueil Il était encore possible de ne pas parler offre une progression chronologique régulière, néanmoins rompue par certains poèmes qui, comme des photos décalées ou déplacées, en brisent l'unité. Ces textes singuliers font office de ruptures et de nœuds. Avec eux s'ouvre une analogie de temps, d'espace et de sens entre le poème-image et la photo égarée, sans datation, fichée entre deux pages de l'album. Ils rappellent que, malgré leur désir profond de présenter une histoire homogène, les albums de famille nous dévoilent les fragilités d'un récit dont le sens, prétendument fixé, commence à se modifier. Dès lors, la prémisse selon laquelle la famille se trouve au cœur de l'atelier du poète a soutenu l'élaboration du recueil et de l'essai. Cette famille ne s'est toutefois pas réduite à son sens biologique, voire sociologique. Elle a plutôt été envisagée comme une famille-langage, c'est-à-dire une communauté dont tous les individus partagent une même pensée poétique, un même rapport au souffle. Une telle famille définit notre rapport poétique et politique au monde. Elle habite notre regard, notre voix, notre pensée. Une telle famille ne se sert pas du langage, elle se fait langage. Entre sujet (le poète) et objet (les photographies familiales), entre objet et sujet, il n'y a donc pas une relation simple, unilatérale, mais un principe d'échange à partir duquel s'érige une mémoire à la fois personnelle et historique, collective. Ainsi, tout au long du projet, la photographie a été comprise comme une archive, c'est-à-dire un objet incomplet s'ouvrant vers l'avenir et oscillant entre le mémoriel et l'interprétatif. Dès lors, ma posture d'écriture ne saura être confondue avec celle de l'historien. D'un état à l'autre du processus de construction des poèmes et de figuration du lien familial, j'ai dû constamment me rappeler que l'archive n'est que ce que nous voulons bien comprendre d'un hier que d'autres auraient compris tout autrement.
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MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Album, Archive, Famille, Généalogie, Image, Mémoire, Photographie, Poème en prose, Poésie.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMUQ.4830 |
Date | 12 1900 |
Creators | Galand, Sandrine |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Detected Language | French |
Type | Mémoire accepté, NonPeerReviewed |
Format | application/pdf |
Relation | http://www.archipel.uqam.ca/4830/ |
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