L'Occident a cherché à comprendre la mystérieuse figure du Socrate historique à l'intérieur des différentes traditions philosophiques, religieuses et littéraires qui s'en réclament. La lecture que nous proposons ici relance l'interprétation de ce personnage dans une toute nouvelle direction et, surtout, celle que proposa Platon, sur de nouvelles bases exégétiques. Elle s'appuie sur l'impensé même de toute la réception occidentale postérieure de ce personnage : sa mimesis « logocentrique » dont tinrent cependant compte l'ensemble des auteurs des sokratikoi logoi de l'Antiquité. Toutes les sources de première main présentent d'abord Socrate — avec le sérieux qui s'impose ou encore d'une manière ironique ou comique — sous les traits d'un daimon psychique tutélaire (et, en quelque sorte « apomnématique ») de sa confrérie agissant par son logos sur la psyché de ses interlocuteurs comme un Intellect hypostatique. Loin des interprétations habituelles, l'ensemble des témoignages anciens rend compte d'une unité incontournable du personnage au coeur même de sa mise en scène mimétique. Ainsi, les secrets entourant cet être fascinant ne se comprennent historiquement qu'à partir de son activité mantique révélant un savoir-faire démiurgique supérieur et divin, une sophia hypostatique sanctionnée par l'oracle delphique. Au coeur de la cité, le Socrate platonicien est, d'une façon similaire — et selon de nouvelles perspectives anthropogoniques, politogoniques et cosmogoniques —, le personnage conceptuel et métaphysique même, le nomos religieux civique même et l'expression même du « bien-hénade ». Selon la mimesis typique aux sokratikoi logoi, la place centrale qu'il occupe à l'intérieur des dialogues qui étaient lus à lAcadémie à'Athènes est la même que celle qu'il occupe au sein du système métaphysique de Platon. Trouvant son double ou son alter ego intelligible à l'intérieur des différentes figures discursives selon les sujets abordés au cours des entretiens, il est à la fois, par exemple, le nomothète divin du Cratyle, l'Éros du Banquet et du Phèdre, l'Intellect démiurgique séparé du Timée, et le Bien-Un de la République. Bref, il tient véritablement le rôle de l'axe circulaire de l'édifice du monde intelligible comme un producteur psychique divin causal, paradigme même d'un genos intellectuel rationnel. Socrate n'est pas un personnage comme un autre : c'est le daimon-raison même à partir duquel une ontologie, une épistémologie, etc., ne s'enseignent pas, mais se livrent d'une manière divine à l'intérieur de la psyché de ses interlocuteurs.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/24175 |
Date | 19 April 2018 |
Creators | Marier, Martin |
Contributors | Narbonne, Jean-Marc |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | viii, 578 p., application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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