Le troisième tome de La vie de l’esprit, ultime œuvre de Hannah Arendt, aurait dû être consacré à la faculté de juger. Notre recherche débute par la reconstitution partielle de cette théorie du jugement non écrite, mais dont on trouve des traces dans l’ensemble du corpus arendtien. En nous appuyant principalement sur les conférences données par Arendt sur la troisième Critique de Kant et sur les écrits non destinés à la publication comme le Journal de Pensée, notre travail soutient la thèse d’une unité profonde entre toutes les positions d’Arendt sur le jugement : faculté mentale et politique, fondement de la conscience morale. La prise en compte d’une multiplicité de perspectives, grâce au processus de la « mentalité élargie » exposé par Kant, confère au jugement une dimension de pluralité qui en fait le trait d’union entre pensée et action. Le désintéressement du sujet, rendu possible par l’imagination, fonde cette capacité. Nous discutons alors cette dernière affirmation, en confrontant la théorie arendtienne à la perspective pragmatiste incarnée par John Dewey. Par son analyse de la pensée comme enquête (inquiry), et de la valuation, Dewey met en lumière la dimension expérimentale présente dans la formation de nos jugements, sans pour autant les réduire à des décisions instrumentales. L’interaction individu/environnement efface ainsi la frontière artificielle qui subsiste chez Arendt entre intériorité du soi et extériorité des apparences. Nous pouvons alors mettre en évidence l’usage possible de la théorie arendtienne dans l’analyse des problèmes politiques contemporains : le rôle du jugement dans l’espace public démocratique, et les conditions de son éducation. / The third volume of The Life of the Mind, Hannah Arendt’s final work, was to be dedicated to the faculty of judging. Our research begins by partially reconstructing this unformulated theory of judgment, fragments of which can be traced back throughout Arendt’s works. Taking as our principal basis the lectures Arendt gave on Kant's third Critique, as well as her writings not destined for publication, such as the Thinking Diary (Denktagebuch), our thesis supports the existence of a profound unity of all of Arendt’s affirmations on judgment: a mental and political faculty, which at the same time forms the moral conscience. The awareness of a diversity of perspectives, thanks to the process of the “enlarged mentality” displayed by Kant, confers to judgment a dimension of pluralism, rendering it a link between thought and action; and the subject’s disinterestedness, made possible by imagination, sets the foundation for this ability. We then deliberate this last affirmation juxtaposing Arendt’s theory with the pragmatist perspective embodied in John Dewey. Through his analysis of thought as inquiry, and of valuation, Dewey brings to light the experimental dimension present in the formation of our judgments without, nevertheless, reducing them to instrumental decisions. Thus, the individual/environment interaction erases Arendt’s enduring artificial boundaries between the inwardness of the self and the outwardness of appearances. This way we can exhibit the possible uses of Arendt’s theory in the analysis of contemporary political issues: the role of judgment within the democratic public sphere and the conditions of its education.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015EPHE5061 |
Date | 28 November 2015 |
Creators | Buntzly, Marie-Véronique |
Contributors | Paris, EPHE, Revault d'Allonnes, Myriam |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0738 seconds