Les cauchemars sont des rêves très dysphoriques, bien remémorés au réveil, dont le contenu est souvent caractérisé par la présence de menace à la survie, la sécurité ou l’intégrité physique. Les cauchemars surviendraient surtout durant le sommeil paradoxal. Bien qu’il s’agisse pour la plupart des gens d’une expérience rare et bénigne, il est de plus en plus apparent que les cauchemars entretiennent des liens avec la psychopathologie. Plusieurs populations psychiatriques ont une fréquence des cauchemars supérieure à la population générale. Au-delà d’être simplement associés à la psychopathologie, les cauchemars peuvent par exemple prédire le développement du trouble de stress post-traumatique, constituer un facteur de risque pour le suicide, ou amplifier des difficultés de régulation émotionnelle. Ainsi, les cauchemars peuvent être pertinents pour la clinique. Malgré cela, leur pathophysiologie demeure un sujet peu exploré. Plus spécifiquement, il existe peu de recherche portant sur leurs corrélats neuronaux.
Selon le modèle neurocognitif des cauchemars, les cauchemars constitueraient un échec de la fonction normale des rêves, qui serait d’aider à la régulation émotionnelle en mêlant le contenu de mémoires émotionnellement négatives à celui d’autres mémoires plus neutres, permettant ainsi l’extinction de ces mémoires négatives. La fonction du rêve, et donc la présence de cauchemars, reposerait sur un réseau limbique-préfrontal composé du cortex préfrontal médian et cingulaire antérieur, de l’hippocampe et de l’amygdale.
L’objectif de cette thèse est d’étudier les mécanismes cérébraux potentiellement impliqués dans les cauchemars de manière à tester le modèle neurocognitif des cauchemars.
Dans une première étude, nous avons utilisé l’analyse spectrale pour comparer l’activité EEG à l’éveil et durant le sommeil entre 18 participants rapportant des cauchemars fréquents et 15 participants contrôles. Les résultats démontrent davantage d’activité 2-5Hz à l’éveil, en sommeil lent et en sommeil paradoxal, principalement aux électrodes centrales et frontales, chez les participants avec cauchemars comparativement aux participants contrôles. Ces résultats étaient plus apparents en sommeil paradoxal. Ces résultats répliquent partiellement une étude antérieure démontrant une activité 3-4Hz plus importante pour des participants avec cauchemars que des contrôles. L’apport original de l’étude réside surtout dans sa démonstration d’altérations de l’activité EEG visibles autant durant l’éveil que durant le sommeil, ce qui constitue un appui à la continuité éveil-sommeil avancée par le modèle neurocognitif des cauchemars.
Dans une deuxième étude, nous avons utilisé la tomographie par émission monophotonique pour enregistrer le flux sanguin cérébral régional (une mesure indirecte de l’activité neuronale) de 18 participants avec cauchemars fréquents durant le visionnement d’images émotionnellement négatives ou neutres. Les résultats démontrent que la sévérité des cauchemars est associée négativement au FSCr de régions inclues dans le modèle neurocognitif (cortex cingulaire antérieur et préfrontal médian), mais aussi d’autres régions corticales (frontales, temporales, insula).
En résumé, cette thèse apporte un appui partiel au modèle neurocognitif des cauchemars, mais souligne également certaines limites du modèle et propose de nouvelles avenues de recherche pour comprendre les mécanismes neuronaux des cauchemars. Cette thèse souligne aussi des implications cliniques à l’étude des corrélats neuronaux des cauchemars, notamment par rapport à la compréhension des traitements (pharmacologiques ou non-pharmacologiques). / Nightmares are defined as highly dysphoric dreams that are well-remembered upon awakening, frequently involving threats to survival, security or physical integrity. They are thought to happen most frequently during rapid eye movement sleep. For most people, nightmares are a rare occurrence and are mostly benign. However, research shows that nightmares are linked to psychopathology. Many psychiatric populations have an elevated nightmare frequency compared to the general population. In addition to being associated with psychopathology, nightmares can for example predict the development of post-traumatic stress disorder, be a risk factor for suicide, or diminish emotional regulation capabilities. Therefore, nightmares can be relevant to clinical practice. However, research about their pathophysiology is lacking. More specifically, there is a lack of research on the neural correlates of nightmares.
According to the neurocognitive model of nightmares, nightmares are a breakdown of the normal function of dreams. Dreams are thought to help emotional regulation by combining emotionally negative memories with more neutral memories, thereby extinguishing these negative memories. The function of dreams, and therefore the occurrence of nightmares, is thought to be supported by a limbic-prefrontal circuit comprising medial prefrontal and anterior cingulate cortices, hippocampus, and amygdala.
The aim of this dissertation is to study brain mechanisms involved in nightmares, thereby testing the neurocognitive model of nightmares.
In study 1, we used spectral analysis to compare EEG activity in wake and sleep between 18 frequent nightmare recallers and 15 control participants. The results show higher 2-5Hz activity during wake, non-REM and REM sleep, mainly for central and frontal derivations, for frequent nightmare recallers compared to controls. Differences were most apparent for REM sleep. These results partly replicate past work showing heightened 3-4Hz activity in frequent nightmare recallers compared to controls. It improves upon past work by demonstrating cross-state alterations of EEG activity, thereby supporting the cross-state continuity assumption of the neurocognitive model of nightmares.
In study 2, we used single photon emission tomography to obtain regional cerebral blood flow (an indirect measure of neuronal activity) from 18 frequent nightmare recallers while they were viewing pictures with a negative or neutral emotional valence. Results demonstrate that the severity of nightmares is negatively associated with brain regions included (medial prefrontal and anterior cingulate cortices) and not included (frontal, temporal and insular regions) in the neurocognitive model of nightmares.
In sum, this dissertation offers partial support to the neurocognitive model of nightmares, while also highlighting limits of the model and proposing ideas for future investigations on the neural correlates of nightmares. This dissertation also discusses some clinical implications of the study of the neural correlates of nightmares, most importantly providing a better understanding of nightmare-reducing treatments (pharmacological or non-pharmacological).
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26287 |
Date | 01 1900 |
Creators | Marquis, Louis-Philippe |
Contributors | Nielsen, Tore André |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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