La problématique traitée dans ce travail consiste à s’interroger sur les aspects « politiques » de la pensée de Nietzsche, et surtout sur sa dimension européenne et ses enjeux. Il n’est pas question ici de cataloguer Nietzsche de philosophe politique, ni sa philosophie de philosophie politique, dans le sens académique du terme. Mais essayer de montrer, à travers sa philosophie du sens et de la valeur, de sa méthode généalogique, les démarches et propositions de ce philosophe au « marteau » pour tenter d’éradiquer le nihilisme dans le but d’œuvrer pour une « grande politique » et favoriser l’avènement d’un « nouveau européen » dans une « nouvelle Europe ». En effet, cette Europe dont parle Nietzsche n’a rien à voir avec ce qu’on conçoit généralement comme l’Occident, et cette Europe ainsi que les européens dont il parle n’ont pas vraiment d’existence réelle, repérable avec des frontières, si on se place sur le plan géographique et géopolitique. Dans ce travail je tiens à souligner la contrainte de la sécularisation, et d’autres aspects du dépassement du nationalisme, qui est aussi un dépassement du nihilisme. Nietzsche était, peut-être, l’un des plus acides contempteurs des illusions européennes en démontrant – espérant par la même occasion éradiquer - cette fiction d’une Europe « non-contradictoire », platement conciliatrice, mais à la fois individualiste et revendicatrice d’une égalité des droits. Comportements dénoncés par le philosophe car ce vent pollué par le nationalisme, la puissance industrielle mercantile au détriment de la création vitale ne peuvent mener qu’à une catastrophe en étouffant, en empêchant le jaillissement, l’apparition de l’individu créateur, artiste. Les valeurs se sont donc déjà instituées dans un sens négatif et malsain, et ce dénigrement de la vie n’est pas politiquement indifférent. Ce n’est pas là un vitalisme simpliste. L’homme moderne occidental est le résultat de cette histoire. L’histoire est le résultat de cette « hominisation » inversée qui se fait par le troupeau, et qui est aussi une forme de déshumanisation programmée. C’est Dionysos qui constitue le remède à cette maladie, ce Dieu grec est le héros qui vaincrait cette européocentrisme et le chauvinisme. Soulignons que ce projet qui consiste à critiquer l’égalitarisme comme « dressage », privilégie le retour au texte et non pas la « construction conceptuelle ». Entre autres travaux pour cela : ceux de Patrick Wotling, Paolo D’Iorio, Giuliano Campioni, Wolfgang Müller-Lauter, Peter Sloterdijk,…Pour éviter toute confusion, malgré la partie « caractéristiques de la philosophie du sens et de la valeur » qui distinguera la « grande politique », soulignons ces quelques points : d’abord la séparation d’avec le vouloir-vivre de Schopenhauer, ensuite l’évaluation d’une transcendance de l’instinct qui fait que Nietzsche quitte le plan de l’irrationalisme furibond, enfin la forme du refus du darwinisme. Ainsi on peut parler d’une volonté de puissance qui n’est plus ramenée à une catégorie volitionnelle, et dotée d’une motivation (par exemple l’oppression physique et militaire ou l’accumulation du capital).Sa reconquête des valeurs doit être replacée dans un contexte mieux compris, et d’abord repensant le nôtre. Il n’est que de songer aux Règles pour le parc humain de Sloterdijk, en réponse à Heidegger, mais qui n’est que le prolongement de l’opposition dressage / élevage (Zähmung / Züchtung) qu’avait thématisée Nietzsche en faveur de ce que seraient de « bons européens ». Ainsi on comprend que les enjeux « politiques » consistent en réalité aux choix de civilisation (Kultur) qui engagent une conception purement anthropologique de l’homme. Seule une métaphysique de la culture permettra alors de dépasser le nihilisme européen et ses nombreuses versions éco-théologiques. / The main theme of this work is that of the “political” aspects of Nietzsche’s philosophy, particularly in terms of its European dimension and the issues at stake. The aim here is not to label Nietzsche as a political philosopher or his philosophy as political philosophy in the academic sense of the term. Rather, the aim is to show, through his philosophy of meaning and value, and his genealogical method, the approaches adopted and proposals made by this philosopher and his “hammer”, as a means of eradicating nihilism in order to work towards “greater politics” and thus encourage the arrival of a “new European” in a “new Europe”. This Europe of which Nietzsche spoke had nothing in common with what is generally perceived as being the West. His Europe, and its Europeans, do not really exist, and, from a geographical and geopolitical point of view, have no easily identifiable borders. In this work, we underline the restrictions of secularisation, and other aspects that go beyond nationalism, which is in itself a concept that goes beyond that of nihilism. It may be said that Nietzsche had the most acerbic contempt for European illusions, showing – and hoping to thus eradicate – the fiction of a “non-contradictory” Europe, a Europe that is blandly conciliatory but also both individualistic and demanding of equal rights. Such behaviour was denounced by Nietzsche because this wind of change, polluted by nationalism and mercantile industrial power to the detriment of vital creation, can only end in catastrophe, suffocating and preventing the resurgence or appearance of the individual creator, the artist. Values have thus already been adopted in a negative, unhealthy sense and denigrating life in this way is not indifferent from a political point of view. It is not a question of simplistic vitalism. Modern Western man is the result of this history. And this history is the result of the inverted “hominisation” produced by the herd effect, and which is also a sort of programmed dehumanisation. The cure for this ill is Dionysus, the Greek god who was the hero that conquered European centricity and chauvinism. It should be stressed that this project, which consists in criticising egalitarianism as a form of “domestication”, favours a return to the text, and not “conceptual construction”. This theme has also been studied by other authors, such as Patrick Wotling, Paolo D’Iorio, Giuliano Campioni, Wolfgang Müller-Lauter and Peter Sloterdijk, to name but a few.To avoid any confusion, and despite the section on the “characteristics of the philosophy of meaning and values” which will identify the “greater politics”, we would like to stress the following points: first of all, the departure from Schopenhauer’s will to live, followed by an evaluation of the transcendence of instinct which shows that Nietzsche moved away from the level of furious irrationalism and, finally, the form taken by the refusal of Darwinism. It is thus possible to speak of a desire for power which is no longer reduced to being a volitional category, but which has become motivated (for example, physical and military oppression, or the accumulation of capital).Nietzsche’s reconquest of values needs to be approached within a context that is better understood, starting with a re-evaluation of our own. This recalls Sloterdijk’s Rules for the Human Zoo, written in response to Heidegger, but which is merely an extension of the domestication/breeding opposition (Zähmung/Züchtung) that Nietzsche conceptualised in favour of what would make “good Europeans”.It is thus that we can understand that the “political” stakes are, in reality, civilisation choices (Kultur), which require a purely anthropological conception of man. Only the metaphysics of culture can thus make it possible to go beyond European nihilism and its many eco-theo-logical versions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2011AIX10116 |
Date | 21 October 2011 |
Creators | Andrianasoloarijaona, Serge |
Contributors | Aix-Marseille 1, Monnoyer, Jean-Maurice |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0039 seconds