Dans un contexte de protection de la jeunesse, l’évaluation des compétences parentales est un sujet particulièrement sensible dans les rapports entre les intervenants sociaux et les juges (Leschied, Chiodo, Whitehead, Hurley et Marshall, 2003). Jusqu’à maintenant, les études qui ont cherché à établir un parallèle entre les perspectives sociale et judiciaire de la compétence parentale en contexte de protection de la jeunesse ont débouché sur des résultats discordants. Alors que certaines études révèlent que les tribunaux acceptent quasi systématiquement les évaluations des différents experts (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux) au sujet des compétences parentales (Bernheim, 2017; Bernheim et Lebeke, 2014; Haack, 2004), d’autres soulignent plutôt des divergences entre les décisions des professionnels de la relation d’aide (psychologues, travailleurs sociaux) et celles des juristes (juges, avocats et étudiants en droit) (Carson et Bull, 2003; Kelly et Ramsay, 2007; Melton, Petrila, Poythress, Slobogin, Otto, Mossman et Condie, 2007). Basée sur une analyse documentaire du contenu de 50 dossiers judiciarisés d’enfants de moins de 14 ans signalés pour négligence, cette recherche de nature qualitative vise à comparer les représentations sociales de la compétence parentale dans les perspectives sociale et judiciaire en contexte de protection de la jeunesse. Ce but général se décline en deux objectifs spécifiques : (a) documenter le contenu des représentations sociales de la compétence parentale, soit l’information, l’image et les attitudes, dans les dossiers cliniques et les jugements de la Chambre de la jeunesse et (b) identifier, dans ces deux types de documents, les facteurs invoqués dans l’évaluation de la compétence parentale. Les résultats révèlent que les acteurs du secteur social et ceux du secteur judiciaire ont, dans une large mesure, une représentation similaire de la compétence parentale et que cette représentation se centre essentiellement sur les actions mises de l’avant par les parents dans l’exercice de leurs rôles parentaux. Ainsi, deux principales composantes associées à la compétence parentale sont convergentes dans les dossiers cliniques et les jugements analysés, soit la réponse aux besoins de l’enfant et la capacité de médiation avec l’environnement. Certaines différences sont toutefois notées. La principale concerne le fait que les dossiers cliniques abordent généralement un plus grand nombre de composantes pour juger de la compétence d’un parent, notamment l’exercice de l’autorité, la qualité de la relation affective, les connaissances entourant les besoins de l’enfant, ainsi que les antécédents de la famille avec le système de la protection de la jeunesse. Il en résulte que l’on retrouve davantage de composantes de la compétence parentale qui sont jugées négativement dans les dossiers cliniques que dans les jugements. L’analyse comparative des perspectives sociale et judiciaire révèle également que les facteurs invoqués pour évaluer la compétence parentale sont convergents dans une large mesure et qu’ils reposent essentiellement sur des risques qui relèvent de la situation individuelle des parents; les dossiers cliniques et les jugements abordent peu les facteurs environnementaux et les forces des parents. Les résultats de cette étude font donc ressortir que la compétence parentale est plus souvent associée à des facteurs individuels, lesquels sont abordés, dans la presque totalité des cas, sous l’angle des limites personnelles des parents. Ces limites concernent essentiellement l’instabilité émotionnelle des parents, les problèmes de santé mentale, la consommation abusive de substances psychoactives et l’adoption d’un style de vie jugé incompatible avec le rôle de parent. Les problèmes rencontrés par les parents dans l’exercice de leur compétence parentale sont rarement replacés dans leur contexte économique ou politique... / In the context of child protection services, the assessment of parental competence is a particularly sensitive topic in the relationship between social workers and judges (Leschied, Chiodo, Whitehead, Hurley and Marshall, 2003). To date, studies that have compared the social and judicial perspectives of parental competence in the context of child protection services have led to discordant results. While some studies reveal that courts almost systematically accept the assessments of different experts (psychiatrists, psychologists, social workers) about parental competence (Bernheim, 2017; Bernheim and Lebeke, 2014; Haack, 2004), others observe rather differences between the decisions of professionals in counseling (psychologists, social workers) and jurists (judges, lawyers and law students) (Carson and Bull, 2003; Kelly and Ramsay, 2007; Melton, Petrila, Poythress, Slobogin, Otto, Mossman and Condie, 2007). Based on a documentary analysis of the content of 50 court cases of children aged under 14 years old reported for negligence, this qualitative research aims to compare social representations of parental competence in the social and judicial perspectives in a child protection context. This overall goal has two specific objectives: (a) to document the content of social representations of parental competence (information, image and attitudes) in the clinical files and judgments; (b) to identify, in these two types of documents, the factors cited in the assessment of parental competence. The results reveal that social and judicial actors have, to a large extent, a similar representation of parental competence and that this representation is essentially focused on the actions of parents in the exercise of their parental roles. Thus, two main components associated with parental competence converge in the clinical files and judgments analyzed, namely the response to the child’s needs and the ability to mediate with the environment. Some differences are noted, however. The main one is that clinical files generally include more elements to judge a parent’s competence, such as the exercise of authority, the quality of the emotional relationship, knowledge about the child, as well as the family’s history with the child protection system. As a result, there are more components of parental competence that are judged negatively in clinical files than in judgments. The comparative analysis of social and judicial perspectives also reveals that the factors mentioned for assessing parental competence are convergent to a large extent and that they are mainly based on risks that are relevant to the individual situation of the parents; clinical files and judgments do not address environmental factors and parental strengths. The results of this study therefore show that parental competence is more often associated with individual factors, which are approached, in almost all cases, from the perspective of parental limitations. These limitations mainly concern the emotional instability of parents, the mental health problems, the substance abuse and the adoption of a lifestyle that is considered incompatible with the role of parent. The problems encountered by parents in the exercise of their role are rarely examined in their economic or political context...
Identifer | oai:union.ndltd.org:LAVAL/oai:corpus.ulaval.ca:20.500.11794/38190 |
Date | 20 March 2024 |
Creators | Pouliot, Ève |
Contributors | Turcotte, Daniel |
Source Sets | Université Laval |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | thèse de doctorat, COAR1_1::Texte::Thèse::Thèse de doctorat |
Format | 1 ressource en ligne (xv, 171 pages), application/pdf |
Rights | http://purl.org/coar/access_right/c_abf2 |
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