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Rhéologie de la lithosphère continentale : L'exemple de la Mer Egée

Depuis 50 Ma, la lithosphère égéenne a montré des comportements mécaniques très différents. Lors de la formation des Hellénides, la convergence entre l'Afrique et l'Eurasie a induit l'enfouissement puis l'exhumation partielle en contexte syn-orogénique de haute pression-basse température (HP-BT) d'une série de nappes (les Schistes Bleus Cycladiques - SBC - et le Socle Continental Cycladique - SCC) empilées sous l'unité supérieure du Pélagonien (une ophiolite obductée sur des lambeaux de socle continental). Suite au retrait vers le sud du panneau plongeant africain initié vers 30-35 Ma, les zones internes Helléniques sont passées en domaine arrière-arc et l'édifice de nappes s'est disloqué. L'extension N-S distribuée dans le domaine arrière-arc a induit la formation de metamorphic core complexes (MCCs) dans lesquels les unités de HP-BT ont été exhumées jusqu'à la surface sans rétromorphose importante, en contexte de basse pression-haute température (BP-HT). Vers 5 Ma, le système de la faille Nord-Anatolienne s'est propagé dans le domaine égéen sous la forme de décrochements lithosphériques localisés. L' étude de l'extension post-orogénique dans les Cyclades a conduit à des modèles de lithosphère continentale qui s' écroule dès que les conditions aux limites ne sont plus compressives. Dans ces modèles, ce sont les flux dans la croûte ductile qui dirigent les mouvements de blocs de croûte supérieure. A l'inverse, les modèles de lithosphère élasto- plastique permettent de rendre compte de la propagation de la faille Nord-Anatolienne. Ceux-ci considèrent que la déformation plastique est limitée à des failles qui séparent des blocs dont la déformation interne est élastique. L'opposition entre ces deux conceptions de la rhéologie de la lithosphère s'inscrit dans un débat général sur la résistance de la croûte inférieure et du manteau lithosphérique, autrefois focalisé sur la zone de collision Inde-Asie, et qui s'est partiellement déplacé vers le domaine égéen. L'objectif de mon travail est de préciser le comportement rhéologique de la lithosphère lors de l'extension post-orogénique en alliant l'acquisition de données de terrain, de pétrologie du métamorphisme et de radiochronologie Ar/Ar avec la modélisation thermomécanique. En particulier, je me suis attaché à répondre à deux questions. (1) Dans quelles conditions les MCCs " froids " peuvent-ils se former ? (2) Quelle est l'influence de la structuration de la croûte lors de la compression syn-orogénique sur les modalités de l'extension post-orogénique ? Une étude de terrain à Ios (sud des Cyclades) a permis de retrouver les traces de la structuration syn-orogénique. Le contact des SBC sur le SCC est un chevauchement à vergence sud qui a fonctionné dans des conditions de HP-BT. En outre, la vergence des zones de cisaillement vers le nord confirme le caractère asymétrique de l'extension post-orogénique contrôlée par des détachements vers le nord. La modélisation des assemblages minéralogiques avec le logiciel DOMINO apporte des con-traintes nouvelles sur l'évolution pression-température des unités métamorphiques de Ios. Les conditions du pic de pression (510°C-18.5 kbar pour les SBC et 500°C-16.5 kbar pour le SCC) ainsi que le début de l'évolution rétrograde sont différents dans les deux unités. L'exhumation syn-orogénique des unités contrôlée par les cisaillements vers le sud s'est effectuée jusqu'a' environ 400°C-8 kbar, conditions auxquelles les deux unités se sont solidarisées. La suite de l'exhumation se fait en contexte post-orogénique. Elle est marquée par un refroidissement continu jusqu'à 250°C-1 kbar, associé aux cisaillements vers le nord. Des datations Ar/Ar sur phengites ont été effectuées sur des échantillons des îles d'Andros, de Tinos, de Syros et de Ios. Trois méthodes complémentaires ont été utilisées : des méthodes conventionnelles (datation de populations et de monograins) et une méthode qui permet de dater directement la déformation (datation in situ par ablation au laser). Les données d'âge obtenues sur Andros, Tinos, Syros et Ios ont permis d'apporter des contraintes temporelles nouvelles sur l'exhumation des SBC. Intégrées à celles de la bibliographie, ces données précisent le calendrier de l'exhumation des SBC et du SCC, ainsi que les vitesses associées. L'ensemble des données acquises sur le terrain et en laboratoire permet de reconstruire la structure anté-extension de la croûte induite par l'empilement de nappes dans les Cyclades. Cette structure est caractérisée par une stratification lithologique inversée, c'est-à-dire que la croûte supérieure présentait une résistance beaucoup importante que la croûte inférieure. Cette stratification, ainsi que l'état thermique déduit des chemins P-T pour la fin de l'épisode syn-orogénique, a servi à contraindre un état initial de référence pour la modélisation. Les études paramétriques effectuées avec le code thermomécanique PARA(O)VOZ ont montré que la stratification lithologique héritée de la structuration syn-orogénique est un paramètre qui contrôle au premier ordre les modalités de l'extension post-orogénique. En particulier, une stratification lithologique inversée permet la formation de MCCs, même dans des conditions thermiques relativement froides. Les expériences numériques ont en outre montré que la formation des MCCs, dans une croûte dont la stratification lithologique est inversée, est indépendante de la résistance du manteau lithosphérique. Ce résultat, en contradiction avec ce qui est généralement admis, s'explique par le découplage majeur à la transition cassant-ductile qui intervient lors de la formation d'un MCC dans les modèles. Les travaux de modélisation ont des implications importantes sur l'interprétation de la géodynamique du domaine égéen. Comme la formation d'un MCC dans une croûte de stratification inversée est indépendante de la résistance du manteau lithosphérique, la présence des MCCs du domaine égéen n'est pas incompatible avec la propagation de la faille Nord Anatolienne dans la même lithosphère. De plus, lors de la formation d'un MCC, la croûte inférieure est transférée latéralement puis verticalement vers la croûte supérieure. Ainsi, une des conséquences de l'extension post-orogénique dans le domaine égéen est la vidange de la croûte inférieure. Ce processus est susceptible d'induire une augmentation de la résistance de l'ensemble de la lithosphère et de faciliter la propagation d'un décrochement lithosphérique. Ce travail a également des conséquences sur la compréhension de la rhéologie de la lithosphère post-orogénique. Il semble que la structure de la croûte d'une lithosphère post- orogénique peut être décrite par un modèle de " millefeuille " composé d'une succession non-standard de couches de composition et de rhéologie différentes. Une telle lithosphère a, de fait, une résistance intégrée faible à cause de l'adoucissement structural, sans que le manteau lithosphérique soit nécessairement faible. Enfin les processus de couplage et de découplage dans un " millefeuille " sont complexes. Ils permettent d'expliquer la cohérence apparente de la déformation à l'échelle de la lithosphère, sans que celle-ci soit verticalement couplée.

Identiferoai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00590466
Date11 June 2010
CreatorsHuet, Benjamin
PublisherUniversité Pierre et Marie Curie - Paris VI
Source SetsCCSD theses-EN-ligne, France
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypePhD thesis

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