En quarante ans, la Bretagne a subi en moyenne un naufrage de pétrolier tous les cinq ans. A chaque marée noire, le dommage écologique génère des mobilisations massives, des controverses sur la scène publique et la remise en cause des dispositifs de régulation. Malgré son évidence sensible, ni le régime international d'indemnisation (FIPOL) ni le Droit national n'intègrent l'atteinte environnementale comme motif supplémentaire de responsabilité financière pour les opérateurs. Les dommages de la pollution sont pris en compte à travers, d'un côté, les préjudices économiques et matériels et, de l'autre, les dommages purs à la biodiversité, sous la forme d'actions de restauration des milieux naturels. Les critiques pointent la faiblesse de la dissuasion : les coûts d'une marée noire pour les acteurs du transport maritime pétrolier sont considérés dérisoires au vu des profits et donc peu incitatifs à des comportements plus prudents. Elles réclament également la reconnaissance des dommages écologiques par le Droit, qui ouvrirait la possibilité de conséquences juridiques et économiques concrètes aux faits de pollutions et l'indemnisation des atteintes à l'environnement.Cette recherche s'intéresse aux processus de changement vers la reconnaissance des dommages écologiques des marées noires. Il ne s'agit pas de questionner l'efficacité de la prise en compte des dégradations environnementales par le dispositif de gestion ou les voies juridiques susceptibles de soutenir son intégration dans le Droit - déjà largement explorées - mais d'étudier les réalités du dommage écologique et d'analyser les actions de changement mises en oeuvre par des acteurs pour susciter leur reconnaissance. Cette analyse est conduite à partir de deux cas d'étude, la marée noire de l'Amoco Cadiz (1978) et celle de l'Erika (1999).Nous explorons une voie alternative et élargie de compréhension des atteintes de la marée noire, en considérant que la marée noire endommage aussi des relations plurielles entre hommes et environnement. Grâce à la sociologie pragmatique développée par Thévenot dans L'action au pluriel (2006) nous montrons les réalités plurielles du dommage écologique en termes d'attachements d’hommes à des non humains, que ni la description des écologues, ni celle des attachements de type marchand ne parviennent à saisir. Par ailleurs, à partir d'une analyse stratégique de la gestion de l'environnement (Mermet et al., 2005), nous étudions la manière dont les acteurs élaborent l'action de changement et comment celle-ci porte le dommage écologique. Nous nous intéressons tout particulièrement à la manière dont les enjeux de l'action induisent certains choix de qualification du dommage au tribunal.La recherche propose ainsi de nouvelles connaissances sur le dommage écologique, qui pourraient en renouveler la définition (intérêt théorique). Questionner les atteintes aux attachements pourrait également ouvrir une voie intéressante pour soutenir de nouvelles formes de justification sur la scène publique et favoriser la reconnaissance juridique des dommages écologiques (intérêt opérationnel). Enfin, elle articule deux cadres de pensée jusque-là disjoints en sciences humaines et qui se révèlent complémentaires. En donnant à voir les réalités plurielles, individuelles et collectives, des dynamiques environnementales, cette recherche propose d'enrichir la compréhension de la mise en oeuvre d'une action de changement au-delà des analyses de l'action collective (Cefaï, 2007). / Over the last forty years, an oil tanker has sunk off the Brittany coast of France every five years on average. Each time, the ecological damage from the oil slick has mobilised huge numbers of people to volunteer and demonstrate, and generated public controversy and criticism of regulatory procedures. Although oil spills provoke evident impacts, neither the International Oil Pollution Compensation Funds (IOPC Funds) nor French Law recognise environmental detriment as a motif for financial compensation by the operators. The damages and pollution are taken into account firstly as economic and material losses, and secondly in terms of damage to biodiversity requiring habitat restoration actions. Critics highlight the feeble deterrent and the lack of incentive for maritime oil transporters to reduce risks: in relation to their profits the costs of an oil slick to them is regarded as derisory. These critics also call for recognition of ecological damages by the law. This would allow environmental pollution to incur economic and juridical responsibilities, and for environmental harm to require compensation.This research project looks at change processes leading to the recognition of ecological damage from oil slicks. We do not add to the existing substantial debate over the efficiency or interest of integrating environmental concerns into conduct rules and the legal system, nor evaluate different methods for doing do. Instead we study the realities of ecological damage, and analyse actions for change implemented by different actors to provoke their recognition. This analysis is based on two case studies: the oil slicks from the Amoco Cadiz (1978) and the Erika (1999).We explore an alternative and wider approach to understanding the harm caused by an oil slick, by considering that it damages multiple relationships between man and the environment. Using the concept of pragmatic sociology (Thévenot, “L’action au pluriel”, 2006) we reveal the multiple realities of ecological damage in terms of the relations between humans and nonhumans. These relations cannot be described in purely commercial nor ecological terms. Using a strategic analysis of environmental management (Mermet et al., 2005), we study how actors elaborate an action for change and how the action represents environmental damage. We look particularly at how the challenge of the action leads to certain choices when qualifying the damage to the courts.Thus, the study proposes new information on ecological damage, allowing the definition to be renewed (theoretical interest). By examining ecological damage in terms of harm to human – nonhuman relations, it provides an interesting support for new forms of justification in the public arena, and promotes legal recognition of ecological damage (operational interest). Finally, the study brings together, and shows to be complementary, two conceptual frameworks hereto unarticulated in human sciences. The study reveals the multiple individual and collective realities of environmental dynamics, and thus allows a richer understanding of the implementation of an action for change than a standard analysis of collective action (Cefai, 2007).
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015AGPT0062 |
Date | 30 November 2015 |
Creators | Bouteloup, Claire |
Contributors | Paris, AgroParisTech, Mermet, Laurent |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0023 seconds