Quelle est l’utilité du philosophe en politique ? L’objet du présent travail est d’interroger la manière dont cette question a pu être posée et la façon dont on a pu y répondre, en France, dans les années qui vont du milieu du XVIIIe siècle jusqu’à 1780 environ. Dans un contexte qui se caractérise à la fois par l’omniprésence du discours philosophique et par son absence d’autonomie, on se propose de cerner la façon dont sont identifiés les effets possibles des écrits politiques des philosophes. Deux problèmes se posent alors. D’une part, il s’agit de déterminer à quelles conditions le discours philosophique sur la politique est jugé utile, et quel type de prise il doit assurer sur son objet pour être évalué comme tel. D’autre part, la question des effets produits par le texte doit nous inviter à considérer la manière dont le rapport entre le philosophe et ses lecteurs s’établit à travers le texte : comment se fait la communication des idées, et quelles sont ses conséquences pratiques ? Quels liens faut-il établir entre connaissance et action ?Notre enquête a procédé en deux approches successives. Dans un premier temps, nous avons cherché à repérer les termes dans lesquels dont on pose, dans cette seconde moitié du XVIIIe siècle, la question des effets des ouvrages politiques écrits par des philosophes. Ce travail nous a permis notamment de mettre en évidence le fait que l’utilité d’un écrit est envisagé dans une double dimension : dans la mesure où il est susceptible d’affecter le monde mais aussi dans la mesure où il est susceptible de contribuer au progrès de la connaissance et d’alimenter un débat intellectuel. Dans un cas comme dans l’autre, la forme et le style de l’ouvrage sont considérés comme centraux pour assurer son effet auprès du lecteur et le faire, à son tour, penser. Dans un second temps, nous nous sommes intéressé à quelques exemples d’un genre particulier : les textes de conseil de Rousseau et de Diderot à propos de la Corse, de la Pologne et de la Russie nous ont permis d’analyser la manière dont le philosophe définit son rôle par rapport au législateur, mais aussi dont il s’essaie à élaborer un langage qui tout à la fois lui permette de saisir son objet dans sa singularité et de se faire entendre auprès de son lecteur. Nous avons vu à travers ces deux approches se dessiner une sphère propre de la parole du philosophe en politique. À distance de l’action, le philosophe est l’homme de la vérité ; la contestation progressive de la référence au philosophe-législateur laisse la place à un usage critique de la connaissance. La fécondité politique de la parole philosophique apparaît alors non dans sa capacité à instituer mais à faire imaginer d’autres institutions possibles. / What is the purpose of the philosopher in politics? We examine the way in which this question has been posed and the way in which it was answered in France in the years from the mid-18th century to about 1780. For a context characterized both by the omnipresence of philosophical discourse and its lack of autonomy, we put forward our understanding of the way the possible effects of the political writings of philosophers are identified. Two problems then arise. On the one hand, there is the question of determining under what condition philosophical discourse on politics is deemed useful, and what type of hold it must have on its object to be evaluated as such. On the other hand, the question of the effects produced by the text should invite us to consider how the relationship between the philosopher and his readers is established through the text: how are the ideas communicated, and what are the direct consequences? What is the relationship between knowledge and action?Our investigation has taken two subsequent approaches. First, we sought to identify the terms in which the question of the effects of political works written by philosophers was raised in the second half of the eighteenth century. This has enabled us to highlight the fact that the usefulness of writing is envisaged in two dimensions: insofar as it is likely to affect the world but also insofar as it is likely to contribute to the progress of knowledge and to fuel an intellectual debate. In either case, the form and style of the work are considered central to ensure its effect on the reader and encourage him to think. In a second phase, we sought out examples of a particular genre: Rousseau and Diderot's writing on Corsica, Poland and Russia allowed us to analyze how the counseling philosopher defines his role in relation to the legislator but also attempts to elaborate a language which at the same time allows him to grasp his object in its singularity and to make himself heard by his reader. These two approaches have shown us a distinct sphere of the philosopher's word in politics. While keeping his distance from action, the philosopher is the man of truth; the gradual contestation of the reference to the philosopher as legislator leaves room for a critical use of knowledge. The political fecundity of the philosophical word then appears not in its capacity to institute but rather to facilitate imagining other possible institutions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2017PESC0083 |
Date | 07 December 2017 |
Creators | Revel, Ariane |
Contributors | Paris Est, Gros, Frédéric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | English |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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